
Mon avis :
Je découvre ce roman sur le tard. « Le mage du Kremlin » de Giuliano Da Empoli est paru aux éditions Gallimard mi-avril. Un livre qui tombe en pleine actualité, avec le conflit provoqué par la Russie qui tente d’envahir l’Ukraine, pour y installer un régime fantoche pro Kremlin. Sans doute ce roman a t’il pâtit, malheureusement, de cette conjonction des planètes qui a empêché Giuliano Da Empoli de remporter le prix Goncourt cette année. C’est vraiment dommage car c’est un formidable roman sur les arcanes du pouvoir russe, ce panier de crabes cherchant désespérément à attirer l’œil du Tsar ou bien à le conserver. Tout tourne autour de l’astre suprême. Cet homme moyennement intelligent, sans charisme, jugé comme étant un agent du contre-espionnage soviétique plutôt médiocre, a réussi à gravir échelon après échelon jusqu’à prendre le pouvoir. Ce tsar c’est Vladimir Poutine et l’homme qui se confie au narrateur n’est autre que Vadim Baradov, un conseiller politique important de Poutine qui a dû démissionner. Les Russes détestent l’horizontalité du pouvoir. Tout est fait pour que le pouvoir soit uniquement basé sur une construction verticale. Maire de Saint Pétersbourg, Poutine comme beaucoup d’hommes de cette période post chute du mur de Berlin, a été traumatisé de voir son pays humilié sur la scène internationale avec un dirigeant alcoolique et corrompu, Eltsine, vendant les biens de l’Etat aux hommes de son clan. L’insécurité et la corruption, la pauvreté, la déliquescence d’une institution comme l’armée, garante de l’honneur et de la fierté russe, tous ces éléments ont convergés pour mettre au pouvoir un autocrate comme Poutine. Celui-ci s’est fait connaître dès son arrivée au pouvoir en menant une guerre d’extermination contre la Tchétchénie en 1999-2000. L’opération est la marque de fabrique de Poutine : des crimes contre l’humanité avec viols systématiques des femmes, tortures, massacres de civils par les troupes russes ou bien par des missiles et autres unités d’artillerie. Cette guerre va impressionner le peuple russe qui se dit que cet homme, Poutine, va rendre la gloire perdue, à la Russie. C’est un nouvel impérialisme construit sur la frustration des masses, la propagande omniprésente, la soumission des oligarques dont certains sont éliminés physiquement ou expédiés en prison pour le restant de leur vie. La mise au pas des membres gravitant autour du Tsar est une autre « réussite » de Poutine. Son vœux est d’être craint, sa brutalité est sans limite, sa paranoïa aussi, son manque de scrupule, sa capacité à dissimuler ses pensées hérité de sa formation au KGB. Aujourd’hui, tous les hommes hauts placés sont des anciens cadres du KGB devenu FSB. Une anecdote montre l’ingéniosité de l’homme. Angela Merkel a été, alors qu’elle était enfant, agressée par un chien qui a manqué de la tuer sous le regard de son père. Merkel est terrorisée par les chiens. Lorsqu’elle se rend à Moscou, elle entre dans le bureau de Poutine pour échanger. Elle s’installe. Tout près d’elle, un énorme chien, Poutine lui demande malicieusement si il doit faire sortir le chien, soulignant qu’il y est très attaché. Poutine c’est aussi celui qui fait attendre près d’un quart d’heure, Erdogan, l’autocrate turque, à la porte de son bureau. Le but est clairement de l’humilier. « Le mage du Kremlin » est un roman passionnant car il démonte les pièces permettant au système Poutinien de tenir d’une poigne de fer l’Etat, le peuple, le FSB, l’armée, les médias etc. Toute opposition est muselée. On l’a vu pour « l’opération spéciale » menée contre l’Ukraine ou le simple fait d’user en public du mot « guerre » amène à être envoyé en Sibérie pour 15 ans… Poutine a plus que jamais mis l’Etat russe en coupe réglée pour lui et ses proches. Sa paranoïa l’a coupé du monde réel. Entouré de courtisans ultranationalistes, de conseillers du FSB, la guerre en Ukraine a fissuré l’image d’un Poutine maitrisant toutes les situations. Mais un homme comme lui, ne peut renoncer à gagner la guerre en Ukraine, son mécanisme psychique sans foi ni loi, fanatique et dénué de tout scrupules, peut conduire son pays à l’abîme. C’est une plongée dans l’âme russe, son nationalisme guerrier, son opposition frontale avec un Occident honni car jugé comme décadent. Poutine hait l’Occident, sa soif de grandeur peut le pousser à toutes les extrémités. « Le mage du Kremlin » n’a remporté qu’un prix médiocre sentant la naphtaline, le prix de l’académie française. Cela aurait dû me faire fuir, mais pour une fois, la curiosité à pris le dessus sur mes aprioris quant au choix des académiciens. Je le redis, « Le mage du Kremlin » de Giuliano Da Empoli aurait mérité le Goncourt. N’hésitez pas, le roman est court mais puissamment évocateur en ces temps de guerre Russo-Ukrainienne.

Quelle critique !
C’est certainement un livre puissant.
Merci Frédéric, souhaitons que l’Ukraine retrouve la paix.
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Coucou Fréderic, comment vas-tu ? 🙂
Ce livre est certainement très intéressant, mais je dois avouer qu’avec le caractère politique et tristement actuel, je ne pense pas sauter le pas pour celui-ci.
Merci pour cette chronique et cette découverte, je te souhaite une belle soirée. ✨
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A partir du moment où il a eu le grand prix de l’Académie française, il ne pouvait pas avait le Goncourt. Mais, c’est vrai, c’est un roman qui fait l’unanimité et écrit avant la guerre en Ukraine et pourtant si prémonitoire. Merci pour ce beau retour et très bonne continuation
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Bonjour Frédéric. Le personnage de Poutine est vraiment odieux et repoussant et ça doit être intéressant de lire ce texte visiblement très documenté ! En même temps ça doit faire froid dans le dos de lire les détails de ses méthodes dictatoriales ! Donc je le lirai peut-être quand il sortira en poche. Merci de cette belle chronique ! Bonne journée à toi 🙂
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C’est drôle ce quee tu dis du Prix de l’Académie Française parce que ça fait plusieurs années que je trouve le lauréat vraiment digne d’intérêt. En tout cas je suis ravie que tu aies découvert et aimé ce titre (même si je n’avais pas beaucoup de doute sur la question) 😉
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Merci pour ton retour magistral, Frédéric. Ce qui m’étonne c’est de voir que le livre est présenté comme un roman alors que, te lisant, je dirais qu’il présente plutôt un portrait très réaliste de Poutine et de sa politique. Un personnage qui n’a de considération
pour rien ni personne sinon son propre orgueil malade
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C’est justement parce qu’il avait eu le prix de l’académie française qu’il n’a pas pu avoir le Goncourt, et c’est bien dommage.
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Tes arguments percutent comme le le sujet de ce livre. Une lecture qui en effet semble essentielle pour mieux appréhender l’actualité brûlante et bruyante. Je retiens le titre !
Merci du conseil Frédéric, super article.
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C’est très gentil à toi ! Oui c’est tout à fait ça, on est à mi chemin entre moments « à peine » romancé et cette pathétique réalité du personnage Poutine. Je te souhaite une excellente soirée ! 😊
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oui totalement, ce modeste prix de l’académie française n’a pas le même impact que le Goncourt bien évidemment. Un grand roman.
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Merci beaucoup Hedwige, le narrateur reçoit les confidences de Vadim Baranov, un des proches du régime russe durant plusieurs années. Ce témoignage est romancée mais en filigrane on perçoit très nettement les traits de caractères de Poutine depuis les débuts de sa carrière politique. Les origines de sa haine de l’occident, sa paranoïa, son absence totale de scrupule, son mépris de la vie humaine etc. Pour avoir vu un documentaire sur Poutine, ce roman rejoint vraiment cette façon d’être du dictateur. C’est un grand roman pour mieux saisir les origines du mal. 🙂
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En fait Cécile, mon reproche vis à vis de ce prix de l’académie française, vient surtout d’un très mauvais souvenir de lecture d’un roman l’ayant obtenu. Depuis je me méfie 😉 Mais là, j’ai craqué, je l’ai lu et comme tu le dis très justement, il m’a passionné ! Belle soirée chère Cécile 😊
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Je lis actuellement énormément de livres d’histoire sur des dictateurs tels que Staline ou Hitler. Le parallèle avec le « Tsar » russe Poutine est assez édifiant. Cet homme vit dans un monde où le mur de Berlin n’est pas tombé, où la Russie se conjugue avec le stalinisme, l’URSS, le communisme. Il est très difficiles aujourd’hui, pour des historiens russes d’écrire sur Staline, de signifier la réalité abominable des crimes perpétrés. Il y a eu des arrestations, des historiens jetés en prison pour des motifs farfelu mais qui ont pour objectif de museler le milieu intellectuel russe. L’exil ou la prison, c’est le choix qu’ils ont. Belle journée à toi Marie-Anne 🙂
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Oui je le sais, mais il aurait mérité un prix plus prestigieux, c’est vraiment dommage. C’est très gentil à toi, passe une excellente soirée Matatoune 🙂
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Coucou Ludivine, ici on est en mode tempête depuis hier, ça souffle drôlement et il n’arrête pas de pleuvoir. Heureusement, il n’y a pas de dégâts. Malzenn déteste l’orage, elle en a une peur bleue, alors hier soir c’était compliqué pour elle la pauvre.😅 Il faut la câliner. Elle en tremble.
Je comprends totalement Ludivine, l’actualité est suffisamment angoissante sans en plus devoir se plonger dans un roman comme celui-ci. C’est un excellent roman mais il faut aimer l’histoire et la politique. Je parlerais de romans plus légers bientôt c’est promis 🙂😉 C’est moi qui te remercie chère Ludivine 😊
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Oui je soutiens totalement l’Ukraine, son peuple si courageux et son chef charismatique. Pour moi Zelensky est le De Gaulle ukrainien. Je t’embrasse 😊😘
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Pas trop mon truc mais je suis déjà effarée des quelques exemples que tu cites !
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Ah je comprends mieux 😉 mais tu as bien fait de craquer ! Belle journée à toi 😊
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Ce livre est dans ma liste d’envies audio. Je pense le lire très prochainement, il m’intrigue beaucoup.
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Je suis de ton avis. Paix en Ukraine 🕊
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Oh mince, j’espère que ça s’est calmé depuis hier et que ta chère Malzenn est remise de ses émotions, la pauvre.
Curieuse de découvrir tes prochaines chroniques alors. 😉 Belle soirée Frédéric !
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je ne l’ai pas encore lu probablement à cause de la guerre en Ukraine, mais il me tente et sa prestation à la Grande Librairie mercredi est géniale donc plus d’excuse…
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Aie je l’ai manqué à la grande librairie, heureusement que tu me le dis Eve, merci je vais regarder ça. Le contexte de cette guerre en Ukraine a pu desservir le livre, les gens étant malheureusement « un peu lasser d’entendre parler de cette guerre. » Ce n’est pas mon cas, je suis très attentivement les actualités sur ce conflit. C’est un roman « fiction » mais avec une bonne dose de réelle. C’est assez jubilatoire de découvrir l’envers du décors rappelant les grandes heures du stalinisme dont Poutine est une sorte de clone. Un homme dont la pensée est restée coincée à la guerre froide au « lointain » XXème siècle. Il mène une guerre d’un autre temps. Bonne soirée Eve 🙂
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Merci beaucoup ! Malzenn a eu droit à une madeleine pour la réconforter. Tous les jours elle a une madeleine, ma chienne n’est pas trop régime 😅 Belle soirée Ludivine ! 😊
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Zelensky et le peuple ukrainien vont faire abjurer le despote ! « l’ours russe » s’est enfoui la truffe dans un nid de guêpes et ça fait mal 😉😊😘
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Tu verras Caroline c’est passionnant de découvrir le « système néo-soviétique poutinien. » Merci pour ton commentaire 🙂
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Merci beaucoup Cécile, passe une belle soirée 😊
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Ce type est un psychopathe, le roman mi fiction mi réalité fait gravement flipper
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Je me doute…
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c’est un nostalgique de l’ex URSS il a affirmé à l’époque que c’était la plus grand catastrophe du XXe siècle (la Shoah, le Nazisme et toutes les autres guerres, il les a « oublié »
il a réhabilité Staline dont il reproduit l’Holodomor » sans état d’âme…
Le pire c’est qu’il suffisait de lire ses discours pour savoir qu’il ne reculerait devant rien car il martèle toujours la même chose depuis son accession au pouvoir mais les politiciens et chefs-d’états ont préférer regarder ailleurs.
LGL avec l’auteur et Camille Pascal que j’adore c’était génial 🙂
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Tu as totalement raison Eve. Daladier et Chamberlain ne voulaient pas voir la brutalité, la folie meurtrière, cette course à l’abime où le nazisme et son leader Adolf Hitler, nous ont mené. On croirait revivre ce même fanatisme, cette même déshumanisation de l’adversaire, les atrocités commises, la haine de l’autre comme moteur d’une stratégie impérialiste et mortifère.🙂
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Oh la gourmande ! 🤭 Belle journée à toi Frédéric. 🙂
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je répète souvent (j’ai l’impression de radoter!) que le contexte actuel rappelle les années trente l’accession de Hitler au pouvoir, après des élections libres!!! les discours de haine, ostraciser certaines communautés et réécrire l’Histoire à la place du grand Reich, (nostalgique de la Prusse) on a la nostalgie de l’URSS…
tous ces dictateurs à nos portes, ça fait peur 🙂
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