Je remercie très chaleureusement les éditions Seuil et sa collection Voix Autochtones ainsi que Babelio pour ce service presse !

Ma chronique : « Voix Autochtones » est une nouvelle collection des Editions du Seuil. Le roman « Cinq petits indiens » vient de paraître dans cette collection. Michelle Good en est l’autrice. Elle appartient à la nation Red Pheasant (Crie) et ce roman est le fruit de son long et courageux combat pour, en tant qu’avocate, réclamer justice pour les survivants des pensionnats autochtones. Au Canada, de la fin du XIXème siècle jusqu’en 1996, les enfants autochtones étaient, dès l’âge de six ans, enlevés de leurs familles pour être placés dans des pensionnats en grande majorité catholique. Jusqu’à leur seize ans, il s’agissait de briser ces enfants, en leur inculquant le mépris de leurs origines, le vœux hypocrite de leur offrir « la civilisation » et d’oublier leurs racines. On songe aux méthodes utilisées par le Parti communiste Chinois envers le peuple Ouïghour. Le parallèle n’est pas exagéré bien au contraire. 150 000 enfants autochtones ont connus les sévices physiques, psychiques, sexuelles, dans les 139 pensionnats du Canada. Les faits sont incontestables et Michelle Good, avocate Crie, souhaite à travers le récit de cinq petits indiens, dans un roman choral étourdissant, témoigner du calvaire de ces toutes jeunes victimes à la fin des années 1960. On peut parler de « survivants » pour nommer ceux qui ont réussis à atteindre les seize ans pour quitter cet enfer. Cette déconstruction forcée de l’âme des jeunes enfants et adolescents Amérindiens. Leur expliquer par la brimade, la violence et le sordide manège des prêtres appelant tel ou tel enfant à venir les rejoindre dans leurs chambres. L’hypocrisie du clergé catholique est révoltante. Plusieurs centaines de tombes d’enfants ont été découvertes, très récemment, dans des cimetières non officiels autour de ces pensionnats. A l’image de cette sublime couverture, la force de ce roman s’est surtout de témoigner, de la capacité extraordinaire et tellement courageuse, de résilience. Il ne s’agit pas de minorer l’horreur absolue vécue par ces petits autochtones mais pour eux, à la sortie de l’enfer, il y a tout une vie à reconstruire. Certains y arrivent, d’autres malheureux ne le peuvent pas. L’alcool est un puissant dérivatif, la drogue, les excès pour combler l’abysse de leurs pauvres âmes. Les abus sexuels étaient la norme dans ces orphelinats. En parler aux religieuses signifiaient la violence et la punition des élèves qualifiés de « menteur. » Les sœurs étaient parfaitement au courant des sévices sexuelles et leur lâcheté est impardonnable. On suit donc Maisie, Lucy, Clara, Kenny et Howie. Ils se connaissent parfaitement, se croisent et se recroisent au gré de leurs vies d’adultes. Lucy et Kenny s’aiment, une enfant naît de cet amour. Mais rien n’est simple. Clara est la révoltée de la bande, Howie un géant pleins de fêlures. Un récit bouleversant mais c’est également un texte où la tendresse et l’amour, la résilience, l’amitié et la découverte de peuples autochtones se battant pour la reconnaissance des crimes perpétrés et les droits à la justice des indiens. Il y a de la lumière dans ce texte. Michelle Good laisse aux lecteurs le soin d’imaginer les sévices, tout en conservant une forme de pudeur salvatrice. Le plus important pour l’autrice étant de démontrer, la prise de conscience autochtone de la nécessité de se défendre en tant que communauté ayant des droits. Pour ces jeunes ayant échappé au pire, c’est un choc. Ce qui a été inculqué aux pensionnats, est battu en brèche. On peut être fier de ses racines, se battre pour un mode de vie, des traditions, se souvenir pour ne jamais oublier, ni pardonner. Comment le pourrait on face aux crimes de ces prêtres pédophiles et de ces sœurs d’une rare méchanceté, traitant avec mépris « ces indiens ». La renaissance, l’espérance de pouvoir, en s’entraidant, bâtir un nouvel avenir. Le soutien de la communauté autochtone et la nécessaire demande de justice, de réparation face à l’indicible. C’est tout un mouvement qui s’instaure dans cette fin des années 1960, les prémices d’une renaissance, d’une fierté nouvelle bâtant en brèche la honte longtemps ressentie par les Autochtones. Un roman absolument magnifique, très bien écrit. C’est un des meilleurs romans lus ces dernières années. Laissez vous tenter, ce roman en vaut la peine.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.