Ma chronique : « The Fabelmans » synthétise toute la magie d’une époque ou cinéma rimait avec émerveillement. L’inventeur du Blockbuster, Steven Spielberg est l’incarnation même du savoir-faire artisanal, d’une industrie capable de produire des œuvres à grand spectacle, aussi bien que des pépites fabuleuses, pour un public restreint de cinéphile averti. Le cinéma n’était pas une science exacte, on ne parlait pas encore de « part de marché », « box-office », « budget », chose considérée comme étant secondaire. Ne vous y trompez pas, si un film fonctionnait les investisseurs étaient plus qu’heureux, mais ce n’était pas non plus l’alpha et l’oméga d’une industrie, permettant à des réalisateurs inconnus comme Georges Lucas de « fabriquer » Star Wars avec un budget de série B. Spielberg est un génie mais une fois qu’on a dit ça, cela n’enlève pas le travail incessant depuis son plus jeune âge pour bâtir son approche si reconnaissable, si singulière entre toute, du cinéma. Etre réalisateur dans les années 1970 c’était être bricoleur et inventif, astucieux. Aujourd’hui, n’importe quel Blockbuster est conçu sur fond vert par des ordinateurs ultrapuissants, des intelligences artificielles, des « IA » nom d’un des nombreux films célèbres de l’ami Spielberg. Avant d’être ce grand père rassurant, ce patriarche du cinéma, au même titre que des Scorcese, Coppola etc., Spielberg était un enfant entouré d’amour, un avenir prometteur au coin du rétroviseur. Une famille avec une maman concertiste ayant dû renoncer à son rêve pour élever ses enfants. Un père inventeur et touche à tout chez IBM, concevant les toutes premières machines de calculs qui aboutiront aux ordinateurs et autres consoles de jeux dans les années 1980. Une famille juive américaine, cette dernière appartenance ceux sont les autres qui le lui rappelleront notamment à l’université. Un antisémitisme constituante de l’ADN de la société américaine. Autrefois comme aujourd’hui. Spielberg c’est « ET », « Indiana Jones », « Rencontre du troisième type », « Les dents de la mer » et j’en passe, un cinéma révolutionnaire des années magiques 1970, 1980, 1990. Des décennies où le talent hors norme du réalisateur ont fait basculer l’industrie du cinéma populaire dans une autre dimension. Sans Spielberg et quelques autres inventeurs fous, créateurs géniaux d’effets spéciaux, de scénaristes, nous n’aurions pas le même rapport au cinéma. Capable aussi bien de produire et réaliser « La liste de Schindler », « Il faut sauver le soldat Ryan » des classiques incontournables pour les cinéphiles, mais également des films révolutionnaire sur le plan des effets spéciaux comme « Jurassic Park », Spielberg s’invite à tous les styles . Le film « The Fabelmans » n’a pas fonctionné aux Etats-Unis. A peine 12 millions de dollars. Le public américain gavé de supers héros, de films MacDo aussitôt consommé, aussitôt oublié, ne semble plus capable de respirer, de prendre le temps de se poser dans une salle pour voir un long métrage sans combats ou effets spéciaux toutes les cinq minutes. Cela en dit long sur l’état du cinéma américain aujourd’hui. « The Fabelmans » s’est aussi la blessure de l’adolescent découvrant un monde des adultes plus complexe qu’il le pensait. Les fissures dans cette famille modèle, notamment avec cette mère (magnifiquement interprétée par Michelle Williams) aimante avec ses enfants, en manque d’élan amoureux pour un mari terne, principalement concentré sur ses intuitions créatives géniales. Spielberg montre ses failles, ses blessures d’enfance, d’adolescence, du jeune adulte qu’il deviendra et qui s’inviteront au gré de son œuvre. Un film sensible, tendre, une carte postale d’une époque révolue, d’un monde où internet, les réseaux sociaux, les smartphones n’existaient pas. J’ai connu, moi aussi, cette époque. Les VHS qu’ont empruntaient, les films qu’ont se pressaient d’aller découvrir au cinéma. Pas de copie, pas de 4K, d’écrans plat gigantesques, de service de streaming mais la communion des cinéphiles et spectateurs grands public qui n’auraient jamais manqué la sortie d’un Spielberg. La sortie d’un film était tout un art, les avants premières prestigieuses, les affiches gigantesques, les prix décents des places de cinéma permettant aux classes populaires d’aller au cinéma. Une autre époque. « The Fabelmans » est tout sauf suranné, c’est un immense film témoin de l’émergence de l’un des plus grands réalisateurs de septième art. Spielberg se livre avec une poésie, une tendresse, une sincérité désarmante, mais aussi avec une colère, une révolte sous-jacente. N’hésitez pas, c’est du très grand cinéma.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.