J’ai choisi cette couverture du journal « L’humanité » parue il y a quelques jours de cela. Au delà du prisme politique qui ne m’intéresse nullement, considérant que la lecture de journaux de différentes obédiences est d’une grande richesse, je souhaite mettre en lumière l’anniversaire tragique de l’exécution des 23 membres des F.T.P-M.O.I (Francs-Tireurs et Partisans-Main d’Œuvre Immigrée), une émanation du parti communiste français. La réalité est complexe, officiellement le parti communiste français entre en résistance contre les nazis le jour de l’attaque allemande contre l’URSS, le 22 juin 1941, avec l’opération Barbarossa. Manouchian, de son prénom Missak est arménien d’origine. C’est un aspect des F.T.P-M.O.I qui regroupent des résistants d’origine étrangères (éléments bien mis en évidence par les nazis et les collaborateurs de Vichy). Ceux sont des personnes éprises de libertés, des combattants acharnés du nazisme et de leurs collaborateurs français. Le courage des 23 membres arrêtés est admirable car les risques pris étaient considérables et quasi suicidaires. Il y eût des résistants de tout bords politiques : aussi bien royalistes, de droite, de gauche, des communistes, des personnes « apolitiques », leur point commun à tous, l’amour de la France et de la liberté. Manoukian est devenu une figure de la résistance communiste en France. Arrêté le 16 novembre 1943, son réseau de résistance sur Paris est responsable d’actions spectaculaires contre l’occupant, notamment le 28 septembre 1943 avec l’attentat contre le général SS Julius Ritter. Les collaborateurs des brigades spéciales, des Français zélés et vouant une haine viscérale des étrangers, tout particulièrement des juifs, des communistes (systématiquement associé au nom du fameux « complot judéo-bolchévique »), des gaullistes etc.. Après un simulacre de procès (on parla du « procès des 23 »), des tortures atroces subis en détention, ils sont exécutés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Ils sont demeurés particulièrement connus du fait de la fameuse et terrifiante « Affiche-rouge » qui concentre tout ce que le nazisme exècre, leur haine, leur racisme, leur négation de tous droits humains, la propagande de Goebbels avec l’accent mis sur cette affiche sur les origines des 23 résistants. Les collaborateurs parlèrent de « complot anti-français » et « d’armée du crime. » Affichée en mars 1944, cette affiche est devenue à la Libération le symbole de la résistance au nazisme en France. Manoukian et les membres de son réseau cristallisent le courage absolu d’hommes et de femmes éprises de liberté et de justice, prêtent au sacrifice ultime de leur vie. A quelques jours de cette date anniversaire tragique, je trouvais important de rappeler que les origines des uns et des autres n’ont pas d’importance, l’amour de la France, de la liberté, de la démocratie, des droits humains qui fondent nos sociétés post-seconde guerre mondiale ont primé. Vichy et les nazis voulaient par cette affiche cloués au piloris ces hommes, ces résistants. C’est tout l’inverse qui s’est produit. A jamais dans nos mémoires dans les heures sombres que nous traversons avec le retour de la guerre en Europe et son lot d’atrocités commises par les Russes face aux courageux Ukrainiens. La liberté n’est pas acquise à jamais, c’est une lutte perpétuelle, un combat, une vigilance de tous les instants.

Voici « l’Affiche rouge » :

Le texte d’Aragon mise en musique par Léo Ferré en 1955 :

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants.
(..) Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant
(strophes 2 et 7)

Dernier point pour terminer, je souhaitais mettre aussi en évidence le courage de la résistante Olga Bancic, d’origine roumaine, juive et communiste membre des F.T.P-M.O.I (Francs-Tireurs et Partisans-Main d’Œuvre Immigrée). Sous le pseudonyme de « Pierrette », elle est chargée de l’assemblage des bombes et des explosifs, de leur transport et de l’acheminement des armes avant et après les opérations. Elle aurait participée à une centaine d’actions de résistance. Elle est arrêtée le 6 novembre 1943 avec, dans les jours qui suivent, près de 68 de ses camarades de combat. Affreusement torturée, elle est transférée en Allemagne le 19 février 1944. Elle est guillotinée, à seulement 32 ans, à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.

Sa dernière lettre datée du 9 mai 1944 est adressée à sa fille unique Dolorès Jacob :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour.
Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite fille, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.
Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J’ai toujours ton image devant moi.
Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.
Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.
Tu ne sentiras pas le manque de ta mère. Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde.
Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.
Adieu mon amour.
Ta mère.»