Je remercie très chaleureusement les éditions Actes Sud ainsi que Babelio pour ce service presse.

Ma chronique : Laura Ulonati signe avec « Double V » publié chez Actes Sud un roman proprement fascinant d’une écriture poétique et charnelle mais aussi âpre, rugueuse, sans compromission quand il s’agit de nous confier, tantôt comme un murmure soufflé au creux d’une oreille ou bien au contraire comme le cri de rage, de colère de deux sœurs : Virginia Woolf et Vanessa Bell. Il y a ce qui est écrit et ce qui se lit entre les lignes, un mélange de pudeur et d’effronterie, une histoire tragique concomitante d’un talent exceptionnel pour l’écriture de la cadette Virginia et d’une reconnaissance en pointillée pour Vanessa, la sœur aînée. Deux enfants marquées très tôt par la violence sexuelle de leurs deux ignobles demi-frères. Une tragédie qui hantera Virginia, qui accentuera sa sensibilité exacerbée, son mal-être, la dépression, les tentatives de suicide entrecoupées de séjour dans des asiles qui n’avaient de « psychiatrique » que le nom. Virginia est celle qui dira non et vivra sa bisexualité de façon libre et provocante aux yeux des bonnes consciences britanniques du premier tiers du XXème siècle. Une autrice exceptionnelle, une intellectuelle qui, dès la prime adolescence, dame le pion aux pédants et prétentieux savants des salons de la bonne société dont fait partie la famille Stephen. L’écriture est son bréviaire, son exutoire, le lieu où ses voix prennent une forme concrète débouchant sur des romans où la tragédie pointe toujours. L’écriture comme le prolongement de soi-même, une béquille pour soutenir, un manteau pour se réchauffer le cœur et les mains. Virginia et Vanessa, deux trajectoires intellectuelles et artistiques, deux caractères, deux visions mais une relation unique faite de braise et de souffre mais aussi de douces caresses et confidences, d’élan du cœur. Virginia Woolf connu un succès littéraire exceptionnel, une œuvre d’une modernité incroyable faite de combats féministes précurseurs, d’une vie sexuelle librement vécue, d’une bisexualité assumée en femme libre qu’elle était. Les relations entre Vanessa, l’ainée et sa cadette Virginia vont évoluer avec le temps. Vanessa souffre d’être l’éternelle absente, celle qu’on oublie, celle qui doit demeurer dans l’ombre du succès fulgurant des romans de Virginia. Un roman sur les relations intra familiales, la jalousie, la rancœur mais aussi l’amour et la tendresse. La rivière où s’écoule nos vies est rarement calme mais furieuse, en colère, tumultueuse et prête à l’insoumission dans une période de l’histoire britannique où le quand dira t’on et la bonne conscience, la bien-pensance, le patriarcat et la religion font offices de cloche recouvrant les aspirations émancipatrices des femmes. L’écriture sublime de Laura Ulonati se rapproche d’une autrice que j’apprécie beaucoup : Carole Martinez. Un roman poignant, envoûtant, c’est un des grands textes à découvrir en cette rentrée littéraire 2023 ! J’ai rarement lu un roman aussi puissamment évocateur, avec un souffle romanesque étourdissant.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.