L’auteur : Jean Paul Bled est un historien, spécialiste de l’Autriche du XIXème siècle, il est bien évidemment un germaniste brillant. Il a signé de nombreuses biographies sur des figures de l’Allemagne et de l’Empire Austro-Hongrois. Parmi les livres les plus marquant de l’historien, la biographie de « François-Joseph« , « Marie Thérèse d’Autriche » et surtout celles de « Bismarck » et « Hindenburg. » Dans « Les Hommes d’Hitler » il s’intéresse tout particulièrement à l’entourage, plus ou moins proche, gravitant autour du Führer Adolf Hitler. Sans eux, rien eût été possible dans la mise en œuvre de la politique nazie.

Précisions sur l’édition présentée : Jean Paul Bled, Collection Tempus-Perrin, Poche, 2021, 512 pages, 10 euro.

Mon avis : Pourquoi s’intéresser aujourd’hui au nazisme et à la figure diabolique d’Adolf Hitler entourée de ses séides, les paladins du IIIème Reich qui devait durer mille ans ? La volonté de ne pas oublier, de préserver la mémoire alors que les derniers survivants de cette période sont de moins en moins nombreux. Les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, termes usités pour la toute première fois lors du procès des principaux dignitaires nazi à Nuremberg de novembre 1945 à octobre 1946. La visée pédagogique pour les adolescents, le travail de transmission (mission loin d’être évidente) des professeurs d’histoire-géographie en collège-lycée et plus tard à l’université. L’histoire est une discipline qui évolue sans cesse de strates en strates, génération d’historiens l’une après l’autre. Il questionne aussi notre époque à l’heure où Vladimir Poutine use de la terminologie nazie pour qualifier « son opération spéciale », une façon de masquer les crimes de guerre, utilisées par les nazis pour parler du massacre systématique des juifs à l’arrière du front de l’Est par les Einsatzgruppen. La Shoah est masquée par l’utilisation des mots « Solution finale » pour qualifier la réalité des camps de concentration et des camps d’extermination. Poutine parle de « dénazifier » l’Ukraine, c’est peu ou prou l’exact opposé de la lutte à mort des nazis contre le judéo-bolchevisme. Le résultat est le même et les civils en paient le prix fort. « Les hommes d’Hitler » a pour intérêt de décrire la conjonction entre les visées raciales et expansionnistes d’Adolf Hitler avec ses séides fanatisés prêt à tout pour contenter leur Führer. Jean Paul Bled signe en six parties la biographie condensée de l’entourage du dictateur. Le nazisme est un « chaos organisé » où le dictateur tire les ficelles en accentuant les sentiments exacerbés, la lutte, les coups bas, l’orgueil démesuré, la soif de pouvoir, la volonté de plaire au maître quitte à s’asseoir sur toute forme de résistance ou tout du moins de questionnement sur les horreurs de la machine à broyer nazie. Le nazisme, à sa source, dès les années de pain noir et d’obscures complots des années 1920, est un mouvement politique cristallisant la haine de la défaite allemande en 1918, la honte du Traité de Versailles, l’humiliation des anciens soldats, la croyance forcenée et fanatique du coup de couteau dans le dos menée par le judéo-bolchevisme, qualifié d’ennemis mortels du Reich. Hitler sans le soutien de Göring, Hess, Bormann et surtout de Himmler et Goebbels sans compter Speer, n’aurait pas pu accomplir « sa mission » de conquête de l’espace vital, le « Lebensraum », d’élimination systématique des opposants, des juifs, tziganes, handicapés, homosexuels, communistes, résistants. Jean Paul Bled insiste aussi sur la docilité de la Wehrmacht de Keitel et tant d’autres officiers, simple soldats. Si tous ne sont pas des nazis fanatiques, il faudra attendre la reddition de la VIème armée du maréchal Von Paulus à Stalingrad en Janvier-Février 1943. La guerre est perdue et pourtant la machine autodestructrice nazie est prête à plonger corps et âme quitte à sacrifier le peuple allemand tout entier. La propagande d’un Goebbels appelant à « La guerre totale » suite à l’effroyable échec de Stalingrad va mobiliser les plus fanatiques, pour les autres seuls le serments de fidélité prêté au dictateur semble retenir les hauts gradés de la Wehrmacht de participer au complot du 20 juillet 1944. Hitler s’en sort miraculeusement. Les neufs derniers mois de la guerre fissurent de plus en plus les positions des uns et des autres. Le 20 avril 1945, sous la chancellerie, dans le bunker, on célèbre « l’anniversaire d’Hitler. » Dans ce climat crépusculaire, Hitler et son ombre noire Goebbels ont jurés de se suicider plutôt que de se rendre aux troupes russes. Himmler rencontre Hitler pour la dernière fois ce 20 avril. Il s’empresse ensuite de fuir Berlin pour sauver sa peau. Goering et Himmler sont à la lutte pour prendre la succession d’Hitler à la tête du régime nazie. Le monde s’écroule autour d’eux, mais l’on assiste à la déconnexion totale entre utopie, faux espoir et réalités. Himmler espère négocier avec les américains. Comment peut-il, ne serait ce une seule seconde, croire que les Alliés vont s’abaisser à discuter des termes de la reddition, avec l’un des pires criminels du XXème siècle. Il se suicidera finalement après son arrestation par les forces britanniques. Tous ces personnages ne cessant de crier la supériorité de « la race aryenne », demandant le sacrifice suprême de leurs soldats, de leurs populations civils, sont en réalité des pleutres refusant d’admettre leur complicité avec le dictateur. Le procès de Nuremberg, met à jour ce que l’on se doutait déjà. L’essentiel des proches d’Hitler sont globalement des hommes médiocres intellectuellement, des personnages sans aucun charisme mais tenaillé par une seule et même soif du pouvoir. L’absence de tout scrupule sous couvert d’obéissance totale à Hitler est une constante chez ces hommes. L’historien, Jean Paul Bled, signe ici un livre passionnant, une synthèse permettant une première approche pour les étudiants en histoire, les passionnés de la période et les esprits curieux d’en apprendre davantage sur les pontes du régime nazi.

Ma note critique :

Note : 4 sur 5.