
Mon avis : Une plongée dans l’univers de la ‘ndrangheta, la mafia calabraise, à travers le vécu d’une famille.
La Calabre et ses paysages à couper le souffle, mais aussi malheureusement, la région la plus pauvre d’Italie souffrant d’un taux de chômage exceptionnellement haut. A l’image de ce qui se passe en Sicile, la Calabre est gangrénée par la corruption, le traffic de drogue, d’êtres humains. Jonas Carpignano pose sa caméra dans ces lieux fantomatiques, ces maisons délabrées, ces rues à peine bitumées, cette crasse, cette pollution, cette souffrance des laissez pour compte. « A Chiara » a été particulièrement remarqué à la Quinzaine des réalisateurs 2021 à Cannes. Sortie en France en avril 2022 et malgré des critiques presse et spectateurs unanime sur la beauté et la tristesse infinie de ce long métrage. A l’mage d’un James Gray qui nous montre de longues séquences de célébrations familiales dans la communauté juive newyorkaise, ici aussi c’est une séquence de 25 mn qui ouvre « A Chiara. » On y voit un clan familial fêter les 18 ans de la sœur aînée de Chiara. Tous sont présents, la fête bat son comble, on parle, on rit, on boit, on mange et puis certains s’absentent pour aller fumer et en profiter pour parler très discrètement des affaires de la famille. Ce qui ressort de ce film, c’est l’emprise de la cellule familiale qui perpétue de génération en génération, un mode de fonctionnement clanique où Cousin(e)s, tantes, oncles, sœurs, frères, père et mère, grand parents et j’en passe vivent de ce que l’on ne prononce pas à voix haute. La ‘ndrangheta tisse sa toile depuis des décennies dans cette Calabre méprisée et oubliée de tous. Une pauvreté qui saute aux yeux et cette chappe de plomb sur les moyens de survivre et parfois d’amasser des sommes colossales avec notamment le trafic de drogue. Ce qui est fascinant, c’est que ces hommes qui brassent des centaines de millions d’euro, pour ne pas dire des milliards, les chefs de clan, qui survivent comme des rats terrés dans des abris de fortunes, sans le moindre confort, dans une misère crasse. Des chefs qui n’ont aucun charisme, des paysans ayant troqués le travail des champs où dans les usines d’autrefois, pour l’habit pouilleux du mafieux local. Chiara est une jeune fille de 16 ans. Elle fait la fête, à des amies, une famille au sens large dans laquelle elle vit et s’épanouit. Une nuit, elle surprend son père s’échappant par le toit du garage attenant à la maison. Les carabiniers arrivent et perquisitionnent la maison. Pour Chiara, c’est le moment de révéler ce que l’ont lui cache. Qui est véritablement ce père silencieux, timide, habillé de modestes habits, vivant dans une maison d’un village calabrais perdu, sans aucun luxe apparent. Que cache sa mère, ses cousins, sa sœur ainée.. Le point fort du film est celui d’avoir choisit des acteurs/actrices d’une même famille : les rotolo. Cela donne une atmosphère et une complicité qui est une pure vérité. Chiara ne va plus au lycée, les gens parlent bas à son passage mais personne n’ose l’affronter. Elle ressent une crainte de ces gens à l’endroit de son nom de famille. Dans les médias, elle découvre la vérité sur ce père aimant, parfait père de famille. Son père est un chef de clan de la ‘ndrangheta et il est activement recherché par les carabinieri pour trafic de drogue et participation à des actes mafieux et forcément illégaux. Aucune scène d’assassinat, nul sang versé, le réalisateur Jonas Carpignano filme l’intime, la vie au quotidien et ce mal qui rôde, cette violence contenue mais dont on sent qu’elle ne demande qu’à exploser. Chiara va devoir affronter la réalité sur sa famille, son clan. Dans la vie, il y a des choix à faire. Chiara s’apprête à changer où à rester, cruel dilemme. La famille, la ‘ndrangheta ou le choix d’une vie honnête loin de la Calabre. Magnifiquement interprété, l’actrice italienne jouant Chiara crève l’écran. Elle possède un charisme. Le cinéma italien prouve une nouvelle fois sa vitalité et sa capacité à s’emparer des thématiques les plus difficiles et qui gangrènent ce si beau pays. Un très grand film. La sortie en DVD lui offre une seconde chance de toucher un plus large public.
Tout à fait d’accord, un grand film . Bonne continuation
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Très attirant! J’aimerais beaucoup voir ce film sur la mafia après t’avoir lu. Surtout que tu soulignes que ce n’est pas un film violent, ce qui est toujours intéressant pour moi ! Bon week-end à toi Frédéric 🙂
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Pourquoi pas, pour s’éloigner un peu du sang et de la noirceur de Saviano, avoir un autre point de vue et regarder les choses via le prisme familial.
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Passionnante chronique une fois de plus ! Le début rappelle celui du « Parrain » de Coppola mais transposé en Calabre. On pense évidemment à Saviano aussi. Le toit traité avec beaucoup de retenu et de dignité. Ça fait envie.
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Vraiment c’est un film où j’ai pensé à toi. ça te plairais je pense et tu nous ferais une magnifique chronique dont tu as le secret ! Ta comparaison avec « le parrain » est très juste. On nage dans un milieu calabrais sordide, d’une pauvreté telle que la seule façon de survivre est de compter sur son clan, la famille envers et contre tous. Pas de code d’honneur ici, d’ailleurs a t’il seulement existé dans la mafia… Je te souhaite une excellente journée, Merci beaucoup princecranoir !
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Oui Cécile, c’est une autre façon de percevoir les contradictions de ce père aimant qui cache une double identité en chef de clan de la ‘ndrangheta. Pour cette jeune fille de seize ans le monde s’écroule. Elle souhaite connaitre la vérité sur son clan, sa famille. La pauvreté de la Calabre est saisissante. 😊
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Aucune violence, pas de sang, de meurtres, de violence. Tout est perçu au travers des yeux de cette adolescente de seize ans qui voit la figure paternelle s’effondrer. Le mythe se lézarde et le sordide prend la place. Le clan est au cœur de la vie de ces membres. On ne parle pas des activités criminelles du clan. Le côté psychologique prend le pas sur l’absence de séquence spectaculaire. Je pense que ça te plairais Marie-Anne 🙂
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Je l’avais manqué au cinéma. La sortie DVD m’a permis de pouvoir enfin découvrir ce film intimiste et anti spectaculaire sur la ‘ndrangheta. Les acteurs sont formidables, notamment cette toute jeune actrice de seize ans qui irradie de son talent « A Chiara » Passe une excellente journée Matatoune, merci de ta visite sur le blog 🙂
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Je pense aussi 🙂 Bonne journée Frédéric !
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