Mon avis : Qu’il est bon de retrouver Terrence Malick dans un long métrage ascétique où il revient à la substantifique moëlle de l’ADN d’un cinéma d’auteur contemplatif et majestueux !

Note : 5 sur 5.

Depuis sa palme d’or à Cannes pour « The Tree of life », j’avoue que ce réalisateur, pour qui je voue une admiration presque sans faille, m’avais incontestablement déçu. Des casting cinq étoiles, tout ce beau monde à Hollywood s’étant passé le mot afin de tourner dans un Terrence Malick. C’est un réalisateur clivant, l’aspect contemplatif de son cinéma, presque évanescent où la musique et la nature sont au cœur de tous ses long métrages. Le cinéaste s’était perdu, il ne filmait plus une histoire, mais se regardait filmer une histoire. L’ADN de son cinéma s’étiolant désespérément au fil des années. Avec « Song to song », on atteint là une rupture totale de ma part avec un réalisateur présomptueux, pompeux, sans idée, bref Malick touche le fond. Il faudra attendre 2019 et la sortie de « Une vie cachée » pour retrouver le Terrence Malick que l’on aime, celui de « La ligne rouge » et du « Nouveau monde. » « Une vie cachée » est le film que l’on attendait plus. La bande annonce déjà offrait quelques signaux plus qu’encourageant : des paysages majestueux, des acteurs non tape à l’œil, une musique envoûtante, une histoire vraie déchirante au cœur de l’Autriche durant la Seconde guerre mondiale. L’Anschluss qui débute en mars 1938, voit Hitler mettre son plan à exécution : rattacher sa patrie d’origine au Reich allemand. Ce sont les fameuses images d’Hitler dans sa voiture blindée, saluant la foule autrichienne, au bord des routes, jetant moult bouquets de fleurs et autres salut nazi, que ne manquèrent pas de mettre en avant la propagande du Reich de Goebbels. Dans les montagnes reculées, un petit village autrichien voit son quotidien évoluer peu à peu. La population exhibe la croix gammée comme brassard. On organise des collectes de fond tout en criant sa haine des Juifs, des intellectuels, des démocrates.. Le Reich achète la paix, une forme de sérénité en offrant de nombreuses aides sociales aux Autrichiens nazis. Peu regardant, la population du village se rue sur cet argent inespéré qui achète les consciences, les fameux trente deniers offert à Judas pour sa trahison et l’arrestation de Jésus Christ par les Romains. On oublie vite les idéaux moraux, l’argent corrompt presque tout. Mais une famille ne mange pas de ce pain là. C’est une histoire vraie que Terrence Malick nous raconte. Les paysages sont majestueux, les montagnes enserrant le village dans une vallée paisible où tous vivent de l’agriculture. Franz Jägerstätter est catholique, sa femme Fani et leurs enfants aussi. L’arrivée des nazis est une confrontation entre deux idéaux inconciliables pour Franz. Il hait les nazis, leur violence, leur arrogance, leur tenues vert de gris et leur haine transpirant par tous les pores. Hitler a besoin d’hommes, l’attaque de l’URSS de Staline, en juin 1941, est un puit sans fond de soldats tombés au front. La folie meurtrière nazi, Franz et Fani la refusent. Nous sommes là face à un homme qui choisi le chemin le plus ardu, conserver son humanité, refuser le serment de s’engager dans l’armée allemande et de jurer fidélité et mort pour le dictateur allemand. Les prêtres qu’il interroge au nom de sa foi catholique, lui disent de taire ses doutes et de s’engager dans cette guerre pour servir la patrie. Franz, le refuse. Il doit abandonner sa famille et entamer son chemin de croix de prisons en prisons, torturé, moqué, humilié, les nazis et leurs sbires veulent non seulement le condamner à mort, mais le détruire complètement, le faire expier sa foi, cracher sur la croix du Christ et démontrer combien Hitler et les nazis avaient une sainte horreur du catholicisme. L’Eglise se fourvoie, les prêtes trahissent ici, manquent du courage énoncé pourtant dans leurs sermons. L’eucharistie n’a plus de sens, le vin est le sang des innocents parqués comme des bêtes et massacrés par millions dans toute l’Europe occupée. On lui répète que personne ne se souviendra de lui, que son choix de mourir au nom de sa foi et de son dégoût profond du nazisme, ne servira à rien. Bientôt les adieux avec Fani, les enfants, scènes poignantes avec deux acteurs exceptionnels : August Diehl interprétant Franz et Valérie Pachner Fani. Ses trois petites filles Fani qu’il chérit tant, Fani sa compagne, leur amour, leur vie de simples paysans à laquelle ils tenaient tant. A Berlin, un tribunal allemand le condamne à mort. Le 9 août 1943, dans la prison de Brandenbourg, Franz Jägerstätter est guillotiné. Un mois plus tôt, en France, Jean Moulin est torturé puis assassiné. La guerre continue, à l’Est, au même moment, la bataille de Koursk est un nouveau désastre pour la Wehrmacht après Stalingrad. La folie meurtrière nazie continuera, le grand brasier flambera encore presque deux longues années. Terrence Malick, en près de trois heures, réussit magnifiquement à exprimer cette idée que, contrairement aux propos des bourreaux nazis, un homme, un seul homme qui dit « non » vaut bien plus. Une réflexion sur le sens du sacrifice pour une cause dépassant la vie simple de ce paysan autrichien qui sera béatifié en octobre 2007 par le pape Benoît XVI. Une fresque bouleversante, magnifiée par ses acteurs, ses paysages, sa BO, un rappel de ce qui fait l’essence d’un être humain au delà des temporalités historiques, l’amour de la liberté, l’amour et le respect de la vie de son prochain. Un message qui peut paraître simpliste et crédule, on ne parle plus ici de religion, Franz Jägerstätter aurait tout aussi bien pu être juif, protestant, musulman, athée et que sais je encore, c’est le message universel transmis qui est intemporel et beau. Un très grand film signé Terrence Malick qui semble décidément réfléchir à la question de la foi, puisque son prochain film « The Way of Wind », qui sortira en 2023, racontera la vie de Jésus à travers une série de récits.

Franz Jägerstätter