Je remercie chaleureusement Albin Michel et sa si belle collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture enrichissante !

Je salue la traduction particulièrement réussit d’Hélène Fournier

Mon Avis :

Note : 5 sur 5.

« Les Femmes du North End » du nom d’un quartier défavorisé de Winnipeg d’où est originaire l’autrice Katherena Vermette, est un roman avant tout chorale marquant, magnifiquement écrit et qui permet de mieux comprendre les liens transgénérationnels qui concernent ici une même famille à travers le prisme strictement féminin. Les chapitres alternent les points de vue des différentes membres de cette famille métis mi blanche, mi indienne. Les hommes ont une autre place, ils sont en périphérie de l’histoire notamment Tommy, le jeune policier métis qui est appelé sur les lieux d’une agression d’une rare violence. La victime a disparu. C’est Stella, qui a assisté au drame depuis sa fenêtre et qui décide d’appeler les forces de l’ordre. Quelques heures plus tard, une toute jeune fille, est conduite à l’hôpital. Elle saigne abondamment et aurait été victime d’un viol cette nuit là. Qui a pu commettre un tel acte ? C’est une histoire de résilience à laquelle nous convie l’autrice. Des portraits de femmes de tous âges ayant chacune leur part de drames, leur lot de souffrances, de non dit et de secrets de famille inavouables. Lorsqu’elles apprennent que la victime n’est autre que leur Emilie, chacune d’entre elles vont réagir à leur façon, la tragédie humaine faisant remonter des abysses jusqu’à la pleine conscience des évènements qui les ont touchés dans leur chair. Car les générations se succèdent sous le sceau du poids du racisme, de la violence verbale et physique des conjoints, les problèmes d’alcool, la drogue partout et cette mort que l’on voit venir et qui vous brûle à petit feu faisant de vous une proie. Ces femmes sont chacune à leur façon des rescapés, des survivantes de la pauvreté, des addictions, de la violence qui enivre, des coups. Néanmoins, face au drame de leurs existences, elles vont se battre, chacune à leur façon, afin de briser le poids de leurs destinées, celles qui voudraient faire d’elles uniquement des victimes. Elles vont se battre, aimer, haïr, partager, s’entraider et ne rien céder dans leur combat pour l’affirmation de leur identité de femmes métis, nées dans la pauvreté mais nullement prête à subir le lot de leurs conditions. C’est un roman de femmes révoltés, refusant les injonctions de leur époque. Des femmes libres, qui le vivent comme tel, même si certaines d’entre elles n’en ont pas tout de suite conscience, de leur force de résilience. Oublier n’est pas forcément pardonner mais c’est aussi et surtout une façon d’apprendre à vivre avec les drames vécus dans leur chair. Un roman puissamment évocateur, habité par le combat, la lutte pour l’émancipation, la liberté d’être tour à tour forte et fragile, enchaîné ou libre. Une quête émancipatrice, un voyage aux confins de cette mince frontière entre le bien et le mal. A ce titre, la fin est un modèle du genre. L’émotion, la colère, l’amour, la haine autant de sentiments qui nous traversent durant cette lecture. Katherena Vermette s’inscrit avec ce roman sublime comme l’une des autrices majeures au Canada. Une témoin à l’acuité saisissante sur ce qui fonde l’âme amérindienne mais aussi celle des êtres fruits de l’union entre deux cultures qui ont tant à apprendre l’une de l’autre.