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L’Histoire :
Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort ! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend. Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais ?

« La terre qui penche » est une nouvelle invitation au voyage de l’esprit signée Carole Martinez avec ce conte à l’écriture ciselée, sombre et poétique. Il faut laisser de côté nos certitudes pour aborder un monde peuplé de personnages sortis de l’esprit d’une enfant en ces temps où le merveilleux faisait parti intégrante de l’univers « rationnel » d’alors. Le mot « rationnel » est d’ailleurs ici tout à fait anachronique. C’est une histoire qui prend le temps de s’installer et je dois vous avouez que contrairement à son précédent ouvrage, celui-ci m’a demandé d’atteindre la presque moitié du livre pour apprécier pleinement les subtilités et la beauté de cette histoire d’âmes tourmentées. Nous retrouvons le domaine des murmures deux siècles après la fin de l’histoire de son deuxième roman. Le personnage de Blanche qui est au coeur de ce récit est brossé avec délicatesse. Elle est très attachante. Ici le rêve côtoie le cauchemar, la magie côtoie la violence et les affres de notre condition d’êtres faits de chair et de sang avec tout ce que cela introduit de malaise, de contradiction, de désir.. Les personnages de Carole Martinez sont rêvés, fantasmés par l’esprit d’une enfant et pourtant il semble incroyablement incarné, vivant. Ils sont les fantômes, nos fantômes de cette enfance qui se voudrait être un état éternel et qui se voit soudain rattrapé par les lois de la nature, de la vie. « La terre qui penche » c’est donc aussi le récit d’une corporéité mouvante, d’une immuabilité de façade qui cache dans ses entrelacs les secrets d’une maturation irrépressible nous rappelant notre condition d’être mortel. La mort est au fond la seule réalité tangible au milieu des fantômes peuplant ce roman. Loin d’être cruel, de cette lecture l’on ressort avec cette idée que la vie dans sa soif d’éternité n’est jamais aussi précieuse, aussi touchante.

Ma note:5 /5.