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L’Histoire :
Deux siècles de révolte, métaphysique ou historique, s’offrent justement à notre réflexion. Un historien, seul, pourrait prétendre à exposer en détail les doctrines et les mouvements qui s’y succèdent. Du moins, il doit être possible d’y chercher un fil conducteur. Les pages qui suivent proposent seulement quelques repères historiques et une hypothèse de lecture. Cette hypothèse n’est pas la seule possible ; elle est loin, d’ailleurs, de tout éclairer. Mais elle explique, en partie, la direction et, presque entièrement, la démesure de notre temps. L’histoire prodigieuse qui est évoquée ici est l’histoire de l’orgueil européen.
Les idées défendues dans cet essai majeur de l’œuvre d’Albert Camus « L’homme révolté » sont aujourd’hui admises par l’essentiel des intellectuels et hommes de bonne volonté du XXIème siècle. Pourtant, il est important de se souvenir combien il était courageux, périlleux dans ces années de l’immédiat après guerre, de s’engager philosophiquement contre tous les totalitarismes, contre les nations et le nationalisme. « L’homme révolté » publié en 1951, est le grand livre anti-totalitaire et antifasciste dans un temps où la plupart des intellectuels communient dans le totalitarisme marxiste léniniste. Le caractère anticapitaliste et anticommuniste de l’ouvrage lui vaut des inimités de la gauche, de la droite et des extrêmes bien sûr. Un essai aux accents prophétiques, impressionnant d’érudition, une relecture par Camus des évolutions de l’esprit de révolte, des penseurs qui l’ont façonnés. La révolte est abordée sous ses aspects métaphysique, historique, et artistique. Camus écrit dans l’introduction de « L’homme révolté » ces mots que je trouve sublime : «  Le jour ou le crime se pare des dépouillements de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications. L’ambition de cet essai serait d’accepter et d’examiner cet étrange défi. » Face aux attaques des surréalistes et de Sartre, Camus défend ainsi ses idées avec le courage de celui qui est seul contre tous ou presque. Pour Faulkner « Camus disait que le seul rôle véritable de l’homme, né dans un monde absurde, était de vivre, d’avoir conscience de sa vie, de sa révolte, de sa liberté. » Un Camus placé « à mi-distance de la misère et du soleil » comme il aimait à le rappeler. Au « Je me révolte, donc nous sommes », il ajoute, méditant de prodigieux desseins et la mort même de la révolte : « Et nous sommes seuls. » J’apprécie également tout particulièrement cette idée lumineuse qui semble si évidente où il nous invite à dépasser le nihilisme : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » Un ouvrage qui nous ouvre les portes d’une réflexion qui aujourd’hui, plus que jamais, à toute sa place.

Ma note:5/5.

1L’Histoire : Dans une petite ville du Berry, écrasée par la chaleur de l’été, en 1919, un héros de la guerre est retenu prisonnier au fond d’une caserne déserte. Devant la porte, son chien tout cabossé aboie jour et nuit. Non loin de là, dans la campagne, une jeune femme usée par le travail de la terre, trop instruite cependant pour être une simple paysanne, attend et espère. Le juge qui arrive pour démêler cette affaire est un aristocrate dont la guerre a fait vaciller les principes. Trois personnages et, au milieu d’eux, un chien, qui détient la clef du drame… Plein de poésie et de vie, ce court récit, d’une fulgurante simplicité, est aussi un grand roman sur la fidélité. Être loyal à ses amis, se battre pour ceux qu’on aime, est une qualité que nous partageons avec les bêtes. Le propre de l’être humain n’est-il pas d’aller au-delà et de pouvoir aussi reconnaître le frère en celui qui vous combat ?

Jean Christophe Rufin est un auteur que j’apprécie tout particulièrement. « Le collier rouge » confirme le talent de ce dernier. L’histoire est toute simple mais ne manque néanmoins pas de profondeur, les personnages sont mus par des sentiments qui permettent d’aborder avec intelligence la question de la loyauté, de l’attachement. Ce contexte particulier de la fin du Premier conflit mondial est propice à cette mise en abîme. Peut-on rester fidèle à ses idéaux au risque de passer à côté de sa vie ? Doit-on tout sacrifier au nom d’un idéal, fût-il le plus beau ? L’ensemble est toujours aussi bien écrit, le récit est court et se lit avec délice. Une interrogation certes pas nouvelle mais qui est ici appréhendée avec une profonde intelligence. Ma note:5/5.

2L’Histoire : Sous le règne de saint Louis, Caterina exerce la médecine à Paris, à l’Hôtel-Dieu, malgré l’hostilité de ceux qui l’entourent. Libre, devenue enceinte, elle découvre trop tard que son amant est déjà marié, et elle décide alors d’assumer seule son destin. C’est l’époque où la dissection des cadavres, interdite par l’Eglise, se fait en cachette. Mais le groupe auquel elle appartient est dénoncé et ses confrères masculins décident lâchement de lui faire porter l’entière responsabilité du délit. Abandonnée par tous, Caterina parvient à s’enfuir en Italie où, plus passionnée que jamais par son métier qu’elle reprend à l’hôpital, elle lutte jusqu’au bout de ses forces contre la jalousie et la misogynie de ses confrères. C’est une vie extraordinaire qu’évoque ce magnifique roman de Valeria Montaldi qui s’est fondée sur des documents authentiques. Car, contrairement à ce qu’on croit, il y eut bel et bien des femmes médecins au Moyen Age !

« La Rebelle, femme médecin au Moyen Age » est le premier ouvrage traduit de cette auteure italienne Valeria Montaldi. L’atmosphère de ce livre est un de ses points forts. C’est prenant et l’histoire gagne même en intérêt au fur et à mesure de la lecture. Le style n’est pas transcendant certes mais qu’importe, les amateurs de romans historiques y trouveront leur compte. La reconstitution est plutôt bien vue et les personnages assez finement décrits. Un livre d’été en somme. Ma note:4/5.