9782253164265_1_75L’Histoire : La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire. La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence. Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti.

« Rien ne s’oppose à la nuit » est d’une puissance d’évocation qui confine au sublime. Vertigineuse plongée dans les sombres méandres de la folie, de la psychose qui a touchée sa maman, réflexion sur le poids du mensonge, sur la portée des drames familiaux et leurs conséquences au-delà des générations, sonde explorant les confins de la méthode analytique, récit d’insomnie, d’êtres écorchés vifs coupable d’être en vie, anamorphose géniale transfigurant cet éther qu’est la maladie, inlassable rongeur dévorant le psychisme des damnés. Là où beaucoup ce serait limité à un stricte déballage des histoires de famille, Delphine de Vigan, nous dresse le portrait sans concession, à visage humain, des écueils que la vie dresse sur le chemin de chacun. Avec délicatesse, esthétique d’une écriture ciselée, elle soulève un par un les draps recouvrant les êtres comme autant de fantômes que la vie, toujours elle, n’aura pas épargné. Delphine de Vigan nous exprime sa vérité mise à nu et elle en concède la limite tout au long d’un récit âpre que je n’ai pu qu’achever le souffle court, aux petites lueurs d’une matinée de Printemps. Sans jamais céder aux facilités livresques de notre époque (j’évoque par là la dérive nombriliste), l’auteure revisite avec une grâce rarement égalée un genre pourtant maintes fois vu et revu. Un très grand roman à n’en pas douter.

Ma note :5/5.

L’Histoire : Marina a la fragilité d’une jeune fille et un fils de deux ans, Marco. Une9782253162308_1_75 maternité qu’elle n’assume pas : elle se sent maladroite, impatiente, brutale. Pour se reposer, elle loue un appartement dans les Dolomites et part avec l’enfant… Manfred est le propriétaire de cet appartement. Sa mère les a abandonnés, lui, son père et ses frères, puis sa femme l’a quitté. Il est aigri et misogyne. Ils n’ont rien pour se plaire, sinon un noyau de solitude qu’ils partageront, brutalement quand la nuit vient, alors que montent le désir et l’absence de l’autre.

Cristina Comencini signe avec « Quand la nuit » un roman qui sonne comme très actuel de par sa forme. C’est un peu sa force ou sa faiblesse selon que l’on soit sensible ou non à ce style qui souhaite nous faire ressentir au plus près l’intensité d’une rencontre amoureuse improbable. N’est ce pas là le début de bien des passions ? L’histoire en elle-même, sans être exceptionnelle de par son originalité, est pourtant suffisamment bien amenée pour nous tenir attentif jusqu’au dénouement que je vous laisse le soin de découvrir. Là où le bat blesse, c’est vraiment dans la propension qu’ont certains écrivains femmes d’aujourd’hui de vouloir à tout prix écrire des romans crus de par le choix des termes décrivant les émois d’une passion. Je préfère pour ma part la suggestion, l’esquisse, qui nous laissent maître de notre imaginaire. Les scènes d’amour sonnent du coup un peu toc, comme si on était obligé d’en passer par là pour dire « voilà j’ai écris un roman d’amour. » Un roman bien dans son époque donc et qui se lit sans déplaisir même si j’eus préféré pour ma part un traitement de la forme différent.

Ma note :3,5/5.