Ma chronique : « Le bâtard de Nazareth » vient de paraître en mars 2023 chez Grasset. Derrière ce titre volontiers provocateur se dissimule une réflexion puissante et éloquente sur la foi. Metin Arditi est écrivain francophone d’origine turque. Il a notamment reçut pour « L’homme qui peignait les âmes« , paru en 2021, le prix de l’Université Catholique de l’Ouest. Ce roman pourrait sentir le soufre pour le catholique que je suis, mais je n’ai vu ici qu’une tentative fort réussit de mieux saisir Jésus, l’enfant, l’adolescent, l’homme qu’il fût. Affirmer que Jésus eût une compagne, Marie de Magdala, avec qui il eût vécu une profonde histoire d’amour charnelle et spirituelle, n’est pas une infâmie. Je rappelle que depuis Paul VI, Marie Madeleine est reconnue comme disciple du Christ par l’Eglise catholique romaine. Les Evangiles apocryphes ont été ignorés volontairement par les Pères de L’Eglise car ils ne correspondaient pas au Credo officiel plaçant la femme comme pêcheresse et tentatrice. Les dernières études historiques et théologiques montrent bien combien cela étaient erronées. Metin Arditi oublie délibérément le dogme de l’immaculée conception de Marie, exempte du « pêché » d’avoir conçu Jésus par voie naturelle. Ici dans le roman, Marie est victime d’un viol par un soldat romain aviné. Elle est impure et tout l’entièreté de la faute lui revient. Elle est condamnée par la communauté juive de son village. Son fils Jésus est appelé par les autres enfants du village : « Mamzer ! ce qui signifie Bâtard. Jésus et sa mère sont recueillis par un homme extrêmement bons, Joseph. Jésus aimera profondément sa famille. Il devînt charpentier comme Joseph. Extrêmement vif d’esprit, le jeune Jésus n’hésite pas à apostropher les rabbins sur des points précis de la Thora. Il grandit avec un feu en lui. Il n’est pas insensible à la colère mais ce qui l’anime est surtout fruit d’une infinie tendresse, d’un amour profond pour son prochain. Adolescent puis jeune adulte il aide à guérir les personnes possédées, les malades, les infirmes. Metin Arditi a la sagesse de ne rien sous entendre, ni menteur, ni réel, chacun peut y voir ce qu’il entend par là. Et puis un jour, il y a cette rencontre avec un homme au visage repoussant, disgracieux, au regard fuyant mais doué d’une extrême intelligence. Il enjoint Jésus de Nazareth de rencontrer un prédicateur juif, Jean le Baptiste, qui baptise ses disciples dans le Jourdain non loin de Béthanie. Un prédicateur qui attend le Sauveur, Celui qui lavera les pêchés du monde. Quand Jean le Baptiste voit Jésus de Nazareth s’avancer dans l’eau, il est stupéfait, foudroyé. Aucun doute, le Prophète est Jésus de Nazareth, le Sauveur qu’il appelait de ses vœux. Jean le Baptiste est condamné à mort par Hérode Antipas qui craint une révolte. Les Disciples emmenés par Jésus de Nazareth multiplient les rassemblements, les prêches. Judas a une part importante dans la stratégie souhaité par lui de promouvoir une révolte juive pour chasser les romains. Les disputes entre disciples sont nombreuses. Jésus lui prend la mesure de sa tâche. Il est prêt au sacrifice de sa vie. La croix, la couronne d’épine précédée de flagellations, Jésus endure cette souffrance sans montrer un signe de faiblesse. Metin Arditi adopte à chaque fois une position d’observateur, de conteur, de penseur laissant, encore une fois, une liberté à chacun, croyant ou non croyant d’y percevoir ce qu’il souhaite. Encore une fois, le but de Metin Arditi n’est pas de choquer. Ce titre abrupte peut laisser penser le contraire mais il n’en est nullement question ici. « Le bâtard », le plus méprisé des méprisé devient le Roi des Roi, le Sauveur, le Christ que l’on traduit par « Le Messie. » Crucifié, la mort la plus infâme, entouré deux larrons. La foule préfèrera Barabbas en scandant son nom par deux fois. J’ai aimé ce mélange intime entre réflexions personnelles, celles d’un romancier et non d’un théologien, avec cette forme de liberté totale quant aux dogmes catholiques romains. Bien sûr, offrir un rôle fondamental à Judas dans la décision de Jésus de Nazareth de se sacrifier par amour, est plutôt radicale. Un Judas qui bâtit même la religion chrétienne en préparant, telle une supercherie, la résurrection de Jésus de Nazareth, Le Christ. « Le bâtard de Nazareth » est un court roman, profond et sensible, une réinterprétation contemporaine d’une religion doublement millénaire, le tout sans volonté de créer la polémique. Metin Arditi bâtit un récit qui a pu être proche de la réalité ou pas. Libre à chacun des lecteurs/lectrices d’y tracer son chemin intérieur.

Mon avis :

Note : 4 sur 5.