« Ceci n’est pas un fait divers« ; Philippe Besson ; 208p. ; Julliard (5 janvier 2023)

Je remercie chaleureusement les éditions Julliard ainsi que Babelio pour ce service presse.

Ma chronique : On ne présente plus Philippe Besson. Une nouvelle fois, l’auteur marque cette rentrée littéraire 2023 de son sceau avec « Ceci n’est pas un fait divers » à paraitre le 5 janvier aux éditions Julliard. Le titre est révélateur du message que souhaite nous adresser Philippe Besson en abordant un sujet malheureusement très présent, celui du féminicide. Ce que l’on a coutume de réduire à un fait divers, n’en est en réalité pas un, car derrière chaque victime se cache une souffrance indicible pour ces femmes et pour les enfants qui assistent impuissant aux coups, aux humiliations verbales et physiques, sexuelles infligés par des tortionnaires maquillés en époux, en conjoint. Le rituel est répété inlassablement, les menaces verbales, les premiers coups, les excuses lamentables et perverses de manipulateurs pathologiques appelés communément « pervers narcissiques. » L’inversement des rôles, si l’homme frappe son épouse c’est parce qu’elle l’a provoqué, de coupable celui qui assène les coups devient une victime des supposés méfaits de leurs épouses. « Ceci n’est pas un fait divers » décrypte avec talent, une finesse de l’analyse, le ressort de ces violences subies par les femmes battues. Deux enfants, une petite de 13 ans, un frère à peine majeur parti sur Paris pour réaliser son rêve d’être danseur étoile pour conjurer les moqueries et quolibets d’un père violent. Un mari, une épouse, une mère, une femme. Un pavillon d’apparence tranquille, des voisins et ami(e)s. Un jour, le coup de fil fatidique de la sœur appelant son frère et prononçant ces mots : « Papa vient de tuer maman. » Philippe Besson place son regard à hauteur des victimes, une mère et ses deux enfants. Un père jugé colérique par les gens mais sans que cela n’attire le moins du monde le soupçon. L’homme est malin, bonimenteur, hypocrite, narcissique à un degré tel qu’il en méprise sa femme, celle qui est la cause de sa rage, de sa colère. La cause, un mot qui dissimule l’empreinte du pervers narcissique. Il ne fait que réagir et il n’est pas le moins du monde coupable. L’empathie ne fait pas partie de son vocabulaire et son comportement n’est que bassesse et violence sans à aucun moment se remettre en question. Dix-sept coups de couteau portés, dans la cuisine, à cette épouse qui lui dit qu’elle n’en peut plus et qu’elle souhaite partir. Il en faut du courage pour se rendre à la gendarmerie, un an avant le terrible drame. Aucune prise en compte de son témoignage des violences conjugales subies. Rien n’est fait. Rien. Le père assassin et deux enfants détruits pour toujours. Cette petite sœur, les images s’imprimant dans sa rétine, les coups de couteau portés à sa maman, l’horreur, le traumatisme, le puit sans fond où l’on chute et se débat. Philippe Besson délivre un formidable roman, profondément émouvant, à la description chirurgicale des mécanismes psychiques en jeu suite à ce crime épouvantable. Le cœur du roman est constitué des répercussions physiques et psychiques sur les enfants du couple. Un frère souhaitant soutenir de son mieux sa petite sœur, alors que lui-même avance à tâtons ne sachant plus le moyen d’orienter sa vie, « ce comme avant » cachant ce qu’il n’a pas voulu voir lui qui était si jeune. La culpabilité de ne pas avoir pu mesurer l’étendue du danger encourue par sa propre mère. Comment aurait-il pu voir, lui qui était si jeune. Du père, on ne mesure que l’étendue de la haine, l’aspect pathétique de celui qui au procès cherche à se faire passer pour fou… Un roman à lire absolument pour dénoncer et décrypter les répercussions du féminicide, car derrière chaque drame, ce n’est pas le fait divers qui doit s’ajouter à une litanie de meurtres et d’actes épouvantables choquant l’opinion publique, avant que chacun(e) ne reviennent au quotidien, c’est bel et bien une lutte, un combat à engager pleinement par l’ensemble de la société pour que justice soit faite. A ce titre, le roman de Philippe Besson « Ceci n’est pas un fait divers » est un « bréviaire » plus que salutaire.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.