L’Histoire : Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivotent dans un immeuble d’East Oakland. Livrés à eux-mêmes, ils ont vu leur famille fracturée par la mort et par la prison. Si Marcus rêve de faire carrière dans le rap, sa sœur se démène pour trouver du travail et payer le loyer. Mais les dettes s’accumulent et l’expulsion approche. Un soir, ce qui commence comme un malentendu avec un inconnu devient aux yeux de Kiara le seul moyen de s’en sortir. Elle décide de vendre son corps, d’arpenter la nuit. Rien ne l’a pourtant préparée à la violence de cet univers, et surtout pas la banale arrestation va la précipiter dans un enfer qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Mon Avis : Une auteure Leila Mottley qui, avec son roman « Arpenter la nuit« , touche notre âme et nous foudroie. Un grand livre à découvrir en cette rentrée Littéraire !

Note : 5 sur 5.

Je remercie chaleureusement les éditions Albin Michel et sa collection « Terres d’Amérique » pour cette cette lecture ainsi que pour leur confiance.


Leila Mottley est une auteure afro-américaine très remarquée par la critique littéraire aux Etats-Unis. « Arpenter la nuit« , Leila l’a pensé et écrite alors qu’elle n’avait que dix sept ans. Quand on se plonge dans ce roman on ressent ce cri de douleur d’une communauté afro-américaine pour qui le principe d’égalité devant la loi, la Constitution, n’est encore pour beaucoup d’entre eux, qu’une vaine chimère. Etre noir aux Etats-Unis, c’est dès son départ dans la vie, un manque cruel de reconnaissance et de chance de réussir dans la vie. Ceux sont des chances accrues de finir en prison, de se détruire avec la drogue pour oublier un contexte social et économique très difficile. Lelia Mottley aborde toutes ces thématiques avec une acuité saisissante. Son histoire est celle de Kiara, dix-sept ans et de son frère Marcus. Ils vivent dans un immeuble insalubre d’East Oakland, ghetto noir où se côtoie toutes les misères. La mère de Kiara et Marcus est emprisonnée, leur père est mort et il a subit lui aussi une longue peine de prison pour avoir été proche des Black-panthers. Il n’ont plus de famille. Marcus, l’aîné, se plonge dans la musique reine, le rap des ghettos, la musique comme échappatoire pour crier sa colère à la face du monde. Malheureusement, non seulement Marcus n’a pas le talent nécessaire pour percer dans ce milieu, mais gravite autour de lui des paumés qui deal pour vivre. Kiara est la seule qui travaille. Mais ce n’est pas suffisant pour payer le loyer vu que Marcus est incapable de trouver du travail. Il y a bien cet ami de son frère qui l’aime mais Kiara, elle, le voit comme un ami. Il est néanmoins là et puis il y a ce petit garçon d’une voisine accroc au crack. Une mère défoncée qui ne revient presque plus chez elle, laissant son enfant seul pendant plusieurs semaines. Une triste réalité. Kiara protège cet enfant qui lui fait oublier le drame de son existence. Kiara arpente la nuit, elle n’a pas d’autres choix que de se prostituer, la nuit, avec des hommes qui abusent d’elle alors qu’elle n’a que dix sept ans. La description des passes fais d’autant plus mal, qu’ici on nous ne sommes pas voyeur, tout est métaphorique, tel un cauchemar où l’on mesure la souffrance de Kiara. Leila Mottley choisit une description des conséquences psychiques, du dégoût de Kiara pour son corps, pour ce qu’elle est contrainte de supporter, ces hommes qui ne voient en Kiara qu’un objet sexuel, un corps jetable. Elle n’est rien pour eux. Cette plongée dans la rue, dans cette réalité sordide de la rue fait profondément mal au cœur. Comment se reconstruire après avoir été abusée, violée à un âge aussi précoce. La pauvreté, l’absence d’issue pour s’en sortir, le manque d’estime de soi, d’une enfant sans parent. Et puis un jour, la descente aux enfers se poursuit lorsqu’elle rencontre une patrouille de police. Rarement un roman ne m’aura autant percuté tel un coup de poing en plein cœur. L’écriture est sublime et poétique, elle nous prend aux tripes avec une telle force que je dois bien reconnaître avoir essuyé des larmes. Le supplice de Kiara et puis cette rédemption en la personne de cet enfant en qui Kiara se reconnaît. Tout l’amour, la tendresse, la gentillesse qu’elle offre à ce petit bonhomme qui lui permet de ne pas plonger définitivement. Le mal rôde dans les rues de Californie à East Oakland. La description de la jungle que peut-être la rue est poignante. Kiara est une victime mais il lui faudra un long cheminement pour l’accepter. Son dégoût qu’elle éprouve pour ces hommes qui l’abusent, pour elle-même. Un roman sombre, magnifié par une forme de poésie, de réalisme avec une pointe de mystère, une plongée dans la psyché de Kiara et de tous ces oubliés crevant dans la rue, elle qui dévore tout les êtres arpentant la nuit. Le sordide côtoie l’amitié inaltérable entre cet enfant et Kiara, perçu par ce petit être comme une maman de substitution. Un roman qu’il faut absolument découvrir en cette rentrée littéraire. Un coup de cœur. Le roman s’intitule « Arpenter la nuit » de Leila Mottley paru en cette rentrée littéraire chez Albin Michel dans la collection « Terres d’Amérique » dirigée par Francis Geffard.