Mon Avis :

Note : 4.5 sur 5.

Je remercie chaleureusement les éditions Albin Michel et sa très belle collection Terres d’Amérique pour cette lecture et leur confiance

David Treuer est né en 1972, d’un père juif autrichien et d’une mère indienne, sur la réserve ojibwé de Leech Lake dans le Minnesota. Il est le fruit d’une double culture qui va lui apporter un regard singulier sur son appartenance à la Nation indienne. Auteur de romans tous publiés chez Albin Michel et unanimement salués par la critique, son essai, Notre cœur bat à Wounded Knee, a figuré parmi les finalistes du National Book Award et a été salué comme l’un des meilleurs ouvrages de l’année 2019. Dès le prologue, David Treuer met les points sur les I et combat les clichés. Il nous raconte l’histoire des Indiens des Etats-Unis depuis le massacre de Wounded Knee, en 1890 dans le Dakota du Sud, jusqu’à aujourd’hui. Il insiste sur ce fait important, essentiel, qui forme la colonne vertébrale de ce texte : il ne traite pas de la mort des Indiens mais bien plutôt de la vie de ces derniers. Il va ainsi à contre-courant de l’histoire habituellement fondée sur cette idée de déclin et de mort, qui conduit jusqu’aux réserves, où sévissent drogues, alcools, pauvreté et chômage. Mais pour David Treuer, il faut aller au delà de cela et voir ce qui a renforcé la Nation indienne depuis ces cinquante dernières années. A Wounded Knee, 150 Lakotas sont assassinés, hommes femmes et bébés.. par les soldats américains. C’est un crime abominable. David Treuer en fait le point de départ de sa réflexion, non l’année 1890 n’est pas la fin, mais bien le départ, où la vie indienne et américaine contemporaine a émergé. Il s’oppose en cela à Dee Brown qui écrivit « Enterre mon cœur à Wounded Knee. » Treuer décrit ainsi dans une première partie passionnante, l’histoire des Indiens de la préhistoire au premier jours de l’entreprise coloniale en Amérique du Nord. Un livre qui est le fruit de ses voyages et de ses réflexions sur son attachement à la culture indienne. C’est un texte magnifique empli de lyrisme et surtoutc’estun langage de vérité. En 1890, le Bureau des recensements des Etats-Unis, estimait à 200 000 la population indienne contre un peu plus de 20 millions d’habitants à l’arrivée des Européens. C’est dire l’ampleur du génocide. La seconde partie du livre va de 1891 à 1934 et l’auteur l’intitule « Le purgatoire. » La troisième partie aborde le thème des combats de 1914 à 1945. Treuer parle des soldats indiens dont le plus célèbre fût durant la Seconde Guerre mondiale, Ira Hayes qui participa à la bataille d’Iwo Jima. Il posa sur la photo la plus célèbre de la guerre, le 23 février 1945, le moment où des Marines érigent le drapeau sur cet îlot japonais. Il y aura aussi les codes talkers, des Indiens qui serviront à coder les messages transmis par l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Il fait témoigner de nombreux indiens sur leurs expériences de vie, de guerre.. Puis il y aura la migration massive des familles quittant les réserves pour les villes, la montée du Red Power, de l’American Indian Movement (AIM), le capitalisme tribale au XXIème siècle avec les casinos et enfin les indiens numériques. L’histoire défile sous nos yeux et nous emporte dans son courant avec ce récit sur la résilience, les doutes et les espoirs de la Nation indienne. Un livre salutaire, à contre-courant de la politique de victimisation de certaines minorités aux États-Unis. David Treuer en prend le contre pied exact et apporte un regard différent, un point de vue original sur l’Amérique indienne. C’est à découvrir absolument. Le style est remarquable et l’ensemble passionnant.