L’Histoire : « Un premier livre inoubliable, qui révèle une voix nouvelle et nécessaire. » Tommy Orange, auteur d’Ici n’est plus ici

Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture et leur confiance !

Ma note :

Note : 4.5 sur 5.

Nana Kwame Adjel-Brenyah signe avec son ensemble de nouvelles parues aux éditions Albin-Michel, dans la très belle collection « Terres d’Amérique« , un véritable uppercut que l’on reçoit et qui a pour but de réveiller les consciences citoyennes. « Friday black« , dès la première nouvelle nous met K.O avec « Les 5 de Finkelstein » nous décrivant une histoire très impressionnante sur l’usage de la violence à des fins racistes et les différentes perceptions de la société américaine quant à cette dernière. Ainsi, un homme blanc massacre cinq enfants noirs à la tronçonneuse afin, dit-il, de protéger ses deux enfants du danger qu’ils représentent. Des Afro-Américains décident en réaction de tuer des personnes blanches au hasard. L’impartialité de la justice n’est pas de mise ici. Adjel-Brenyah dépeint une situation de racisme à son paroxysme comme pour mieux nous dévoiler, nous montrer, par effet de miroir grossissant nos compromissions et nos contradictions face au fléau du racisme qui dévore les États-Unis. Ce n’est pas pour rien que Colson Whitehead, figure intellectuelle majeure et incontournable de la lutte anti raciste à l’encontre des Afro-Américains, voit en Adjel Brenyah « une formidable nouvelle voix qui mêle la vérité de la dystopie à une empathie sans limite ». On ne peut pas mieux résumer la puissance, la force de ce livre. La nouvelle « L’ère » est une dystopie particulièrement efficace où le monde est séparé entre les personnes optimisées, qui sont des sortes de surhommes aux facultés multipliées par des logiciels incorporés. Ils s’injectent « du bien » dans le cou et revendiquent le droit de dire tout le temps la vérité, même si cela doit blesser l’autre. Et les autres, qui sont les personnes dites « Têtes baissées » qui sont marquées par leur émotivité, et leur volonté de vivre comme avant l’apocalypse nucléaire. Ils sont considérés comme des bons à rien. Il y a ceux qui sont optimisés avant même leur naissance et les autres qu’ont estiment méprisables et faibles. Une société profondément inégalitaire en quelque sorte avec les gagnants et les perdants. Une lecture et un auteur engagé qui multiplie ses regards acérés et son acuité saisissante à mettre en avant les maux de l’Amérique. Autre nouvelle, « Lark Street » sur l’avortement mais toujours avec cette profonde originalité qui lorgne vers la SF. Une nouvelle comme on en lit très peu. Il sait créé une tension en nous, une sorte de malaise. Un livre qui ne laisse pas indifférent et qui désarçonne parfois son lecteur qui reste pantois devant une telle maîtrise formelle, narrative. Il est doué d’une imagination débordante qui impressionne fortement. Il y a également beaucoup d’émotions dans ces nouvelles avec une écriture chirurgicale, riche. La nouvelle « Zimmerland » imagine un parc d’attraction où un homme noir revêt un exosquelette pour ressentir des sensations et surtout en donner aux racistes qui prennent leur pied en payant pour le tuer plusieurs fois par jour via l’application du parc d’attractions. Où comment se divertir en assassinant des hommes de couleur. Ici c’est une nouvelle fois la violence de la société américaine dans ce qu’elle a de plus abjecte qui est dénoncée. Il éreinte le consumérisme dans « Friday Black » à l’humour très noir en mode « South Park ». Nana Kwame Adjel-Brenyah aborde tous les grands maux de l’Amérique avec maestria. Ma nouvelle préférée raconte l’histoire d’un étudiant rejeté de tous et qui se décide à tuer une étudiante qui est juste là au mauvais endroit, au mauvais moment dans la bibliothèque de sa Fac. Toute la lâcheté de ce crime ignoble est parfaitement rendue. Une fois mort, les deux personnes, l’assassin et la victime, se parlent et tentent de sauver des vies.. Beaucoup d’humanité dans cette nouvelle pourtant terrible à son point de départ. Vous l’aurez compris, j’ai aimé être désarçonné, troublé, enchanté aussi par les nouvelles d’un auteur singulier nous décrivant une Amérique aux abois, prisonnière de ces démons intérieurs. Douze nouvelles comme autant de moyens de dénoncer la conjoncture américaine, son passé, son présent et ce qu’il risque d’advenir dans le futur si l’on ne fait rien. La plume de Nana Kwame Adjel-Brenyah est à découvrir absolument.

Nombre de pages : 272
Collection : Terres d’Amérique
Éditeur : Albin Michel
Stéphane Roques (Traduction)