9782264060983L’Histoire : Pour oublier la mort de leur bébé, Mabel et Jack s’exilent en Alaska. Mais sur ces terres sauvages, le couple s’enferme dans sa douleur. Jusqu’à ce soir d’hiver ou il sculpte un bonhomme de neige : une petite fille apparaît près de leur cabane, talonnée par un renard roux. Hallucination, miracle ? Et si cette enfant farouche était la clé d’un bonheur qu’ils n’attendaient plus ?
Il y a des livres qui font du bien, qui nous font croire en la capacité d’aimer, de donner, de partager. « La fille de l’hiver » d’Eowyn Ivey, fait parti de cela. Un véritable baume pour les cœurs endoloris par les rigueurs hivernales. A cheval entre le conte et le réel, nous progressons dans cette histoire d’une rare poésie et d’une grande sensibilité, nous découvrons avec ces personnages très attachants, l’Alaska des années 1920. Les descriptions de ce monde où la nature dicte encore sa loi sont particulièrement réussies. Jamais mièvre ou sombrant dans le mélo bas de gamme que personnellement j’exècre, ce premier roman est un vibrant appel à la vie, malgré les souffrances et les avanies qui nous meurtrissent. Hymne à la nature, au pouvoir du rêve, je ne peux que vous le recommander chaudement. Ma note:5/5.

L’Histoire : Un homme jeune, Jean, revient chez lui plusieurs mois après l’armistice de9782072313783-600-600 1918. De ce retour tardif, on apprend peu à peu les raisons. Comme il a été prévu, sa mère attend qu’il reprenne le domaine, dirigé pendant la durée de la guerre par son frère infirme, Aristide. Mais il refusera cette place programmée et partira. Des décennies plus tard, les actes de la vie de Jean seront racontés à une enfant qui elle-même prendra en charge l’histoire et l’écrira.
Soazig Aaron signe avec « La sentinelle tranquille sous la lune » un retour pour le moins contrasté. L’histoire en elle-même est très belle mais à mon sens, elle aurait gagné à n’être qu’uniquement centré sur le personnage de Jean et surtout concentré sur la Grande guerre, celle qui devait être la der des der.. Pourquoi nous parler encore et encore de la seconde guerre mondiale dans la dernière partie du roman ? Pourquoi surtout sur-ajouter des éléments fictifs qui collés les uns aux autres semblent pour le moins surfait. L’ouvrage part dans diverses directions, certaines pistes auraient gagnés à être explorés plus en profondeur. Le style d’écriture est agréable quoiqu’un peu emphatique par moment. Cependant, une fois exposé ces griefs, nous ne pouvons pas non plus nous empêcher de souligner la beauté de certaines pages. « La sentinelle tranquille sous la lune » s’apprivoise avec patience et minutie, à l’image de ces phrases qui n’en finissent plus et qui pourront dérouter certains lecteurs. Un beau roman tout de même et qui témoigne d’une guerre atroce.

Ma note:4/5.

Joseph-de-MaistreL’Histoire : La postérité a retenu de Joseph de Maistre qu’il a été l’un des plus fermes partisans de la contre-révolution. Ses adversaires l’ont peint comme un doctrinaire sectaire, pourfendeur des idées nouvelles. Ce portrait comporte une part de vérité : ennemi déclaré des Lumières, Maistre développe une philosophie de l’autorité, dénonçant l’illusion des droits de l’homme et de la démocratie, qui peut légitimement révolter une conscience moderne. Quelles raisons a-t-on de lire un tel penseur au début du XXIe siècle ? A en croire les meilleurs esprits, ces raisons ne manquent pas. Cioran en propose un usage thérapeutique : il s’agit de parier ironiquement sur les excès d’un dogmatisme « aussi habile à compromettre ce qu’il aime que ce qu’il déteste « . Une autre raison de lire Maistre consiste à chercher dans son œuvre un révélateur, au sens chimique du terme. C’est ce que suggère George Steiner, lorsqu’il affirme que ce penseur est un prophète, qu’il annonce le malaise idéologique de la modernité en montrant la violence inscrite dès l’origine dans l’émancipation révolutionnaire. Mais on peut aussi lire Maistre, comme Valéry, à la façon du dilettante pour la saveur de son écriture. Ses traits d’esprit sont rehaussés par une langue admirable : causticité, imagination, acuité intellectuelle, Maistre séduit jusqu’à ses adversaires. Ce volume s’adresse aux historiens, aux philosophes, aux juristes et aux amateurs de littérature. Il réunit un choix des œuvres les plus célèbres de Maistre – Considérations sur la France, Essai sur le principe générateur…, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Éclaircissement sur les sacrifices -, mais aussi des textes moins connus et partiellement inédits – Six Paradoxes, Sur le protestantisme – établis dans le respect des manuscrits. Et, pour la première fois, sous forme de Dictionnaire, une petite encyclopédie de la pensée maistrienne. A redécouvrir, même si l’on n’est pas un « affreux réactionnaire « . 

Quel joie de retrouver enfin en un seul volume l’essentiel des textes de ce bon vieux Joseph de Maistre, dont la pensée aujourd’hui encore garde une puissance corrosive encore peu égalée. La fougue de son style inimitable en on fait le soldat de l’Esprit-Saint face aux déchaînements de la Révolution régicide, déicide et infanticide. C’est comme cela tout du moins, qu’on l’a souvent présenté, la réalité étant bien sûr beaucoup plus complexe que cela. Mais c’est à croire que De Maistre bouillait d’envie d’en découdre avec les penseurs des Lumières, lui qui les connaissaient si bien dans le texte pour les avoir longuement étudié, afin de n’en retenir que ce qu’il fallait pour mieux les abattre doctrinalement. L’édition et le travail de Pierre Glaudes sont un régal, difficile de faire mieux actuellement sur ce personnage si atypique et essentiel de la pensée contre-révolutionnaire. Ma note:5/5.

416YPZ0E6DLL’Histoire : Qui sont les anti modernes ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contre-cœur, malgré eux, à leur corps défendant, ceux qui avancent en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire. Ce livre poursuit le filon de la résistance à la modernité qui traverse toute la modernité et qui en quelque manière la définit, en la distinguant d’un modernisme naïf, zélateur du progrès. Une première partie explore quelques grands thèmes caractéristiques du courant anti moderne aux XIXe et XXe siècles. Ces idées fixes sont au nombre de six : historique, la contre-révolution; philosophique, les anti-Lumières ; morale, le pessimisme; religieuse, le péché originel; esthétique, le sublime; et stylistique, la vitupération. Joseph de Maistre, Chateaubriand, Baudelaire, Flaubert d’un côté, de l’autre Proust, Caillois ou Cioran servent à dégager ces traits idéaux. Une seconde partie examine quelques grandes figures anti modernes aux XIXe et XXe siècles ou, plutôt, quelques configurations anti-modernes majeures: Lacordaire et le groupe de L’Avenir autour de 1830; Léon Bloy polémiquant. avec l’antisémitisme vers 1892; Péguy et le milieu des Cahiers de la quinzaine avant 1914; Albert Thibaudet et Julien Benda, maîtres à penser de la NRF de Paulhan entre les deux guerres; Julien Gracq en délicatesse avec le surréalisme; enfin, Roland Barthes,  » à l’arrière-garde de l’avant-garde « , comme il aimait se situer. Entre les thèmes et les figures, des variations apparaissent, mais les anti modernes ont été le sel de la modernité, son revers ou son repli, sa réserve et sa ressource. Sans l’anti moderne, le moderne courait à sa perte, car les anti modernes ont donné la liberté aux modernes, ils ont été les modernes plus la liberté.

A lire en complément de l’œuvre intégrale de Joseph de Maistre, ce travail d’une grande rigueur signé Antoine Compagnon sur « Les Anti modernes ». Ce dernier nous fais entrer dans les méandres de la pensée complexe et malheureusement tant de fois caricaturée par des raccourcis aussi fâcheux que faux historiquement parlant, des anti-modernes. Ces idées reçues, Antoine Compagnon les bats en brèche et nous de retrouver avec plaisir ce sentier des idées, en compagnie des plus illustres, au moins connus mais néanmoins tout aussi important représentants de ce courant de réflexion si protéiforme. Ne nous y trompons pas, l’ouvrage est complexe et exigeant, mais n’est ce pas là le prix à payer pour accéder aux félicités de ce grand banquet de l’histoire de la pensée anti moderne ?
Ma note:5/5.