Mon avis : Ali Abbasi signe un thriller époustouflant. L’actrice Zar Amir Ebrahimi, exceptionnelle dans « Les nuits de Mashhad » se fait la porte voix d’une jeunesse dénonçant une société des mollahs hypocrite et répressive où le simple fait de prononcer le mot « liberté » peut signer votre arrêt de mort.

Note : 5 sur 5.

Au moment ou j’écris ces mots, 14 000 iraniens progressistes sont emprisonnés, réclamant enfin l’avènement d’une nouvelle ère de liberté et la fin de l’oppression des Gardiens de la révolutions, bras armés du régime des Mollahs en Iran. Près de 400 manifestants (chiffre très certainement sous estimé) ont perdus la vie suite aux manifestations. La torture et les procès truqués, la pendaison en public, voilà les risques encourus. En exil en France, l’actrice Zar Amir Ebrahimi soutient ouvertement le mouvement de protestation étudiant. On peut saluer le choix du Festival de Cannes 2022 qui lui a décerné le Prix d’interprétation féminine 2022. C’est une récompense pour son talent d’actrice car dans le thriller « Les nuits de Mashhad » elle joue une journaliste iranienne enquêtant sur une séries de meurtres commis dans cette ville. Le point commun, toutes ces jeunes femmes se prostituent à la nuit tombée, le hijab et l’hypocrisie des mollahs, la condamnation de la société qui les ostracisent. Pour elles, nul avenir alors pour tenir et supporter le calvaire enduré, elles se droguent. L’héroïne est une véritable plaie en Iran où la jeunesse n’ayant comme seule espérance qu’une vie d’une tristesse infinie, consomment ces drogues en masse. Bien sûr, la bienséance, l’hypocrisie une nouvelle fois, cache cette réalité. Le réalisateur et scénariste iranien, en exil lui aussi, Ali Abbasi, signe un film absolument bouleversant, un cri, une rage exprimée afin de réveiller les consciences de nos pays occidentaux sur la réalité de la vie en Iran en 2022. C’est pour moi, tout simplement le meilleur long métrage de 2022. Une plongée dans les rues désertées la nuit, où des jeunes femmes en hijab attendent les violences sexuelles endurées pour obtenir de quoi subsister. Une pauvreté endémique. L’enquête est au point mort. La police n’est pas vraiment pressée de retrouver le serial killer car après tout, il ne tue que des « femmes de mauvaises vies » et en Iran elles ne sont d’aucune importance. Mais la journaliste n’est pas une femme à renoncer. Elle va se battre pour trouver vérité et la justice au nom de ces jeunes femmes martyrisées. C’est à la fois un thriller époustouflant, un portrait saisissant de la condition des femmes iraniennes, les menaces qu’elles subissent, sexuelles et physiques, verbales. « Les nuits de Mashhad » résonne bien évidemment d’une façon plus grande encore avec les manifestation progressistes et la répression féroce endurée en Iran. Zar Amir Ebrahimi est une actrice incroyable et c’est aussi une femme qui se bat depuis son exil en France pour faire avancer la cause des femmes iraniennes. Il faut une sacrée dose de courage pour mener ce combat. Tout a été tenté pour nuire à sa réputation en Iran et elle a dû fuir son pays la veille d’un procès inique. Elle parle plusieurs langues et possède une intelligence, un regard d’une justesse confondante. Le regard porté sur la société iranienne du réalisateur iranien Ali Abbasi est sans aucune concession pour l’oppression vécue à tous les niveaux, depuis la rue jusqu’au cœur du foyer, s’immisçant dans l’intimité du foyer. La façon de s’habiller, de parler librement, de vivre une sexualité pleine et entière sans ce regard inquisitorial des fondamentalistes islamistes. Triste temps pour l’Iran qui subit depuis 1979, une dictature au nom d’une vision rétrograde de l’Islam, du terrorisme d’un Etat corrompu à un degré phénoménal. Vraiment, je félicite le jury du Festival de Cannes 2022 pour cette mise en lumière, ce focus bouleversant sur l’Iran, la vie des femmes là-bas. L’actrice Zar Amir Ebrahimi est un modèle de liberté, un espoir pour un jour pouvoir prononcer le mot « liberté » sans être exécuté. Car l’Iran, la culture perse est riche de multiples facettes, il y a toute une communauté d’exilé(e)s qui démontrent qu’une société alternative est possible, que l’immense majorité de la jeunesse iranienne souhaite ce changement en profondeur afin de pouvoir montrer au monde le véritable visage de la culture persane. « Les nuits de Mashhad » c’est mon coup de cœur de l’année, regardez le, parlez en autour de vous, ce film le mérite amplement.