L’Histoire : « Le domaine Marchère lui apparaîtrait comme un paysage après la brume. Jamais elle n’aurait vu un lieu pareil, jamais elle n’aurait pensé y vivre.  » C’est un mariage arrangé comme il en existait tant au XIXe siècle. À dix-huit ans, Aimée se plie au charme froid d’un riche propriétaire du Jura. Mais très vite, elle se heurte à ses silences et découvre avec effroi que sa première épouse est morte peu de temps après les noces. Tout devient menaçant, les murs hantés, les cris d’oiseaux la nuit, l’emprise d’Henria la servante. Jusqu’au jour où apparaît Émeline. Le domaine se transforme alors en un théâtre de non-dits, de désirs et de secrets enchâssés (…). »

Mon Avis : 

Note : 4 sur 5.

Cécile Coulon nous revient avec son huitième roman faisant suite au succès impressionnant de « Une bête au paradis« , qui a obtenu le prix littéraire Le Monde en 2019. « Seule en sa demeure » paraît aux éditions de L’Iconoclaste, pour cette rentrée littéraire 2021, où Cécile Coulon fait d’ores et déjà figure de « valeurs sûres » et cela depuis de nombreuses années déjà. Ici nous sommes dans la veine du roman gothique anglais se caractérisant par la présence d’un certain nombre d’éléments de décor, de personnages formant une atmosphère si particulière où la menace est sous-jacente. Cécile Coulon nous tisse ici une histoire originale à l’atmosphère inquiétante, emplie de secrets et de non-dits. Le style d’écriture de l’auteure est à la fois poétique et, dans un même élan, crue, réaliste et nimbée de mystère, sans que cela ne provoque de distorsions. C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve une auteure, une nouvelle fois inspirée, même si ce roman me paraît être un ton en dessous de son prédécesseur. Loin des errances nombrilistes de certain(e)s auteur(e)s, Cécile Coulon nous immerge dans un XIXème siècle très codifié, fantasmé avec tous les éléments propres au genre littéraire de cette époque. Tapi dans l’ombre, il y a ce personnage à part entière de la forêt d’Or et de ses hauts arbres. La riche famille Marchère possède ce domaine avec cette demeure perdue au fond de ces bois qui l’enchâsse. Une scène ouvre le livre et donne le ton de l’ambiance propre à ce roman. Jeanne Marchère, mère de Candre (le fils unique du couple Marchère), meurt dans la travée principale de la petite église du village des Saints-Frères, terrassée par une crise cardiaque tel un arbre touché par la foudre. Une nouvelle fois, le destin a frappé durement cette famille. C’est Henria, la servante, qui l’éleva, lui l’orphelin, en compagnie de son fils Angelin. A vingt six ans, Candre est orphelin et veuf, car comble de malheur, il a perdu sa première épouse. Au village, on considère Candre comme une âme pieuse et austère même s’il est immensément riche.

Candre va chercher à se remarier et c’est vers Aimée que son cœur se tourne. N’y allons pas trop vite non plus, le cœur y est pour peu de chose car c’est un mariage arrangé comme il y en avait tant dans la bourgeoisie ou la noblesse à cette période. Aimée a dix huit ans et c’est son père Amand et sa mère Josèphe qui l’ont élevé avec son cousin, l’impétueux Claude, avec qui Aimée a une très belle relation de confiance. Un personnage important ce Claude, qui va percevoir le malaise dans lequel s’enfonce peu à peu sa cousine. Elle doit quitter son foyer pour rejoindre cette mystérieuse propriété des Marchère, dans une demeure où elle sombre peu à peu dans une forme de mélancolie teinté d’un soupçon de fantastique. Là encore, l’allusion et l’hommage au genre littéraire en vogue à cette période est criante. Peu à peu on s’enfonce en compagnie d’Aimée, dans l’atmosphère suffocante de la propriété. Cette dernière est un personnage à part entière du récit. Cet isolement du domaine, cette profonde solitude d’Aimée, sa mélancolie qui peu à peu s’insinue en elle, tout concoure à rendre ce lieu néfaste. Candre est très respectueux bien sûr, mais c’est un homme dont la foi ardente régie tous les aspects de sa vie. Malheureuse, Aimée voit comme un rayon de lumière l’arrivée d’Emeline, professeure de musique que Candre a autorisé à venir en sa demeure. Je dis « sa » demeure car Aimée ne s’y sent pas chez elle. Tout l’oppresse. Et puis il y a cette bonne qui dirige tout en sous main. Qui est cette Henria ? Pourquoi ne veut elle pas présenter son fils Angelin qui semble apeuré dès qu’on l’approche et préfère fuir dans les bois ? Mais surtout, l’énigme s’est Candre lui-même, cet époux si consciencieux, doux, affable, respectueux. Qui est-il au fond ? Aimée pressent qu’en cette demeure des secrets sont enfouis et qu’il ne fait pas bon les déterrer..

La suite je vous laisse la découvrir en lisant ce roman addictif, au style affirmé et pleinement réussi. Malgré tout, il m’a manqué ce grain de folie qui m’a empêché d’être pleinement emporté par ce récit. Je suis resté spectateur de ce qui se déroulait, un peu comme si l’ambiance primait sur l’histoire en elle-même. J’ai tellement aimé son précédent roman que la comparaison m’a semblé tourner en défaveur de « Seule en sa demeure. » Mais, il est certain que même un « bon cru » de Cécile Coulon vaut mieux que nombre d’auteur(e)s surcoté(e)s. Si vous aimez les atmosphères mystérieuses à la Sarah Waters, je songe à son joli roman « L’indésirable », vous risquez d’être comblé. Les nombreux lecteurs de Cécile Coulon retrouveront sa plume avec plaisir.

Auteur : Cécile Coulon

Editeur : L’Iconoclaste

Date de parution : 19/08/2021

Nombre de pages : 333