Tout d’abord, laissez-moi vous souhaiter de joyeuses fêtes de Noël. Cette année a été une nouvelle fois riche en échanges, en partages, avec toujours cet amour des mots, de la poésie, des romans en tout genre. J’ai fait de belles découvertes grâce à vous et je vous en remercie chaleureusement. Quelques déceptions au niveau de mes lectures, mais aussi de gros coup de cœur dont je vais vous parler à présent. Un classement très subjectif bien évidemment. Il y aura certains oublis, j’ai néanmoins essayé de faire de mon mieux afin de bâtir un classement éclectique.

Mon top 6 des livres de l’année 2025

1) « Les étoiles errantes«  de Tommy Orange.

Synopsis : Colorado, 1864. Bird, survivant du massacre de Sand Creek, est envoyé à la prison de Fort Marion en Floride. Soumis à une impitoyable discipline, le jeune Cheyenne est forcé d’apprendre l’anglais, de se convertir au christianisme et de se choisir un nouveau nom – Star. L’idéologue de ce « processus de civilisation » se nomme Richard H. Pratt, un ancien soldat qui a fondé la tristement célèbre Carlisle Indian School, une institution vouée à l’éradication de la culture et de l’identité autochtones. « Tuez l’Indien, sauvez l’homme » : telle est sa devise. Des années plus tard, Charles, le fils de Star, rejoint cet établissement, où il est à son tour brutalisé par le geôlier de son père. Son unique consolation, ce sont les moments passés en compagnie d’une jeune camarade de classe, Opal Viola, avec qui il rêve d’un avenir commun, pour eux et les générations futures, loin de la violence qui les poursuit. Mais l’espoir leur est-il seulement permis ?

Ma chronique : Une merveille de roman américain par l’un des auteurs amérindiens les plus important.

Tommy Orange avait fait sensation avec son tout premier roman vendu à plus d’un million d’exemplaires. Son successeur « Les Etoiles errantes«  a suivi le même chemin du succès. C’est amplement mérité tant cet auteur, membre de la tribu des Cheyennes du Sud, diplômé de l’Institute of American Indian Arts, où il a eu comme professeur Joseph Boyden, a fait sensation sur la scène littéraire. Louise Erdrich, immense autrice américaine s’il en est, dit de lui : « Personne ne sait exprimer la tendresse et la nostalgie comme Tommy Orange. » Difficile d’avoir plus beau compliment. A l’image de son titre éminemment poétique « Les étoiles errantes », on voyage à travers les époques en partant du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui, suivant les pas d’une famille amérindienne qui souhaite trouver le difficile chemin de l’apaisement. Tout commence dans le Colorado en 1864 où Bird, survivant du massacre de Sand Creek, est envoyé à la prison de Fort Marion en Floride. Le jeune Cheyenne y subit des sévices terribles. En plus, on le force notamment à adopter l’anglais comme langue, à se convertir au christianisme et à choisir un nouveau nom : Star. Pour l’idéologue Richard H. Pratt, il faut « Tuez l’Indien (et) sauvez l’homme », un processus visant à l’assimilation forcée, d’une rare violence. C’est le point de départ des blessures perpétrées contre cette famille amérindienne. Les générations se succèdent, avec toujours ce mal-être, cette honte, ce sentiment d’infériorité. L’alcool et les drogues n’arrangent rien. L’absence de perspective d’avenir est source de souffrances. Mais la force de Tommy Orange réside dans le fait de ne jamais tomber dans le sordide, le glauque. La réalité décrite est difficile, mais la poésie de l’écriture de l’auteur transcende tout cela. C’est assurément l’un des tous meilleurs auteurs amérindiens. Sa description des liens familiaux est d’une rare finesse. Il questionne l’identité indienne, le racisme prégnant aux Etats-Unis. Qu’est-ce qu’être Indien aujourd’hui ? Une minorité qui souffre du regard encore plein de préjugés portés sur elle. Le chômage et la pauvreté, les problèmes d’addiction, mais aussi une soif de résilience, même si elle n’est pas évidente à trouver. Face au phénomène d’acculturation forcée portée par les différents gouvernements américains, jusqu’à très récemment, il a fallu beaucoup de courage aux peuples autochtones pour maintenir leurs traditions et leurs langues. Les personnages de ce livre sont attachants jusque dans leurs faiblesses, leurs tourments. J’ai adoré ce roman d’une rare sensibilité. Le style d’écriture est magnifique. Tommy Orange est décidément un auteur qui compte dans le paysage littéraire américain. Lisez-le, vous ne le regretterez pas.

Date de publication : 20 août 2025 ; Éditeur : Albin Michel ; Nombre de pages : 368 p.

2) « Nous serons tempête » de Jesmyn Ward

Synopsis : Annis est encore une enfant quand sa mère est vendue à un autre propriétaire. Et n’est guère plus âgée quand son maître, qui est aussi l’homme qui a violé sa mère, se débarrasse d’elle avec d’autres esclaves. Lors de leur terrible marche vers les plantations de La Nouvelle-Orléans, Annis tente de se raccrocher à la vie et aux enseignements de sa mère : se battre, toujours, avec les armes et les sagesses qu’elle lui a transmises. Avec la mémoire aussi, celle de ces femmes qui, avant d’être arrachées à leur terre, ont été les guerrières des rois du Dahomey. Et avec la seule force qui lui reste, sa connaissance des plantes, des abeilles, de cette nature qui semble si hostile aux yeux des Blancs et qui pourtant est nourricière pour qui l’honore. Et puis, quand Annis se sent sombrer, elle peut encore implorer Aza, l’esprit de sa grand-mère, capable de faire gronder l’orage et tomber la pluie. Celle qui, quand la faim et la douleur se font trop fortes, lui murmure qu’un jour, elle et ses frères et sœurs de malheur seront tempête…

Ma chronique : Une autrice que j’admire énormément pour son combat contre le racisme. Elle ressuscite la mémoire de l’esclavage et la souffrance du peuple noir. J’ai adoré !

Alors aujourd’hui, je vais vous parler du nouveau livre d’une romancière que j’adore par-dessus tout : Jesmyn Ward. Il aura fallu six ans d’attente pour voir débarquer en cette rentrée littéraire « Nous serons tempête » qui parait aux éditions Belfond. Seule femme double lauréate du National Book award, c’est peu dire que Jesmyn Ward a marqué de son empreinte le paysage littéraire américain contemporain. « Nous serons tempête » nous raconte l’indicible horreur de l’esclavage dans un style d’écriture habité, ciselé, magistral, organique. Elle nous raconte l’histoire d’une jeune esclave dans les plantations de canne à sucre de la Nouvelle-Orléans. Cette ville s’illustre rapidement comme un marché d’esclaves fort réputé. Des milliers d’hommes et de femmes y sont amenés de force. Annis est la narratrice et elle n’est qu’une enfant lorsque sa mère, violée par son propriétaire, est vendue dans une autre exploitation. Annis est seule et quelques années plus tard, c’est à son tour d’être vendue à un autre propriétaire d’esclaves. Cette marche jusqu’à la Nouvelle-Orléans va la conduire jusqu’aux portes de la mort. Annis a un don, elle peut ressentir les vibrations de la nature, et même voir des entités comme Aza, l’esprit de sa grand-mère. Aza est capable de faire gronder l’orage et de faire tomber la pluie. le monde des esprits n’est jamais loin dans ce roman. La terre nourricière, celle où l’on enfouit ses mains, l’odeur de l’humus, des feuilles qui se décomposent. Ce versant, célébrant la nature virginale, est une des très belles réussites de ce livre. Annis va devoir écouter les esprits. Aza va la guider et lui parler de ses ancêtres venus d’Afrique et plus particulièrement du royaume du Dahomey où Aza était une guerrière du souverain, avant de connaître la déportation sur un bateau négrier vers l’Amérique. J’ai adoré ce roman de Jesmyn Ward, magnifiquement écrit, on est emporté par le souffle incantatoire d’un texte sombre, mais où pointent néanmoins des moments oniriques entre cauchemars et rêves. L’amour est présent même au cœur des ténèbres. Annis parle aux esprits et cela nous offre des moments de littérature absolument sublimes. C’est l’un des grands romans de cette rentrée littéraire, à ne surtout pas manquer. À mon sens, ce nouveau roman de Jesmyn Ward est d’ores et déjà un classique de la littérature contemporaine américaine.

Date de publication : 21 août 2025 ; Éditeur : Belfond ; Nombre de pages : 240 p.

3) « Les filles de la famille Stranger » de Katherena Vermette.

Synopsis : Après avoir enchaîné les passages en familles d’accueil, Cedar part vivre avec son père. Peinée de quitter sa mère, Elsie, et sa soeur, Phoenix, elle espère tout de même tourner une nouvelle page de sa vie. De son côté, Phoenix donne naissance à un enfant dans un centre pour jeunes délinquants. Elsie, quant à elle, lutte contre la toxicomanie, dans l’espoir de retrouver ses filles.

Ma chronique : C’est un roman que j’ai adoré cette année. Un sujet difficile mais tellement bien écrit !

Katherena Vermette nous revient avec un tout nouveau roman « Les filles de la famille Stranger ». Son premier roman « Les femmes du North End » m’avait déjà bouleversé, c’est à nouveau le cas avec celui-ci. Katherena Vermette est une autrice amérindienne et l’une des voix les plus importantes de la littérature canadienne contemporaine. C’est une œuvre chorale, un roman à quatre voix, quatre femmes qui sont mères et filles et qui sont issues de la communauté amérindienne du North End. Il y a tout d’abord Elsie, mère de trois enfants, de trois pères différents et qui a perdu la garde de ses enfants parce qu’elle est accro aux drogues dures et aux médicaments. Elle n’arrive pas à se sortir de ses addictions et c’est une réelle souffrance pour elle. Elle tente de s’en sortir, mais replonge à chaque fois. Margaret est la mère d’Elsie. Nous retrouvons également Phoenix, le personnage qui m’a le plus touché. Phoenix est dans une prison pour mineur, car elle a commis des actes particulièrement graves. C’est une jeune fille qui cache ses tourments et ses problèmes psychologiques derrière une violence exacerbée. En prison, son comportement erratique n’arrange rien à sa situation. Elle a accouché d’un bébé, mais son enfant lui a été pris. Elle a officiellement signé des papiers pour autoriser l’abandon de son bébé. Mais que peut comprendre une gamine aussi paumée à ces formulaires et à ce que cela entraîne. Phoenix est dépressive et solitaire. Son seul lien avec sa famille est sa sœur Cedar. Cette dernière est une jeune fille sérieuse et sensible qui va réussir à vivre avec son père, sa belle-mère et la fille de cette dernière. Cedar veut faire des études. Elle s’en donne les moyens. Elle aime sa sœur Phoenix et sa mère Elsie mais elle doit tracer son chemin et se sauver elle-même. Une nouvelle fois, Katherena Vermette nous dépeint les tourments de la population amérindienne dans une fresque magnifique, très bien écrite, avec un souffle romanesque puissamment évocateur. Le transgénérationnel est à nouveau convoqué pour expliquer les tourments de cette famille. La longue litanie des foyers d’adoption, des familles d’accueil, le poids des addictions, la misère sociale et affective. Il y a ceux qui s’en sortent et les autres qui restent sur le bas-côté, à ruminer leurs échecs, leurs faiblesses. L’autrice tisse la toile d’une tragédie grecque, mais avec un humanisme qui transcende les difficultés de la famille Stranger. Les liens entre ces quatre femmes sont brillamment analysés. Il y a toujours une part de lumière au cœur des ténèbres et c’est là toute la magie de l’écriture de Katherena Vermette. C’est vraiment une autrice qui a ce talent en plus. La traduction d’Hélène Fournier est particulièrement réussie. C’est à souligner. C’est un formidable roman que je ne peux que vous recommander. Une autrice à suivre.

Date de publication : 5 février 2025 ; Éditeur : Albin Michel ; Nombre de pages : 464 p.

4) « Vous parler de mon fils » de Philippe Besson

Synopsis : « Je vous demande de vous mettre à notre place. Un instant. Rien qu’un instant. Votre enfant vient vous raconter l’humiliation, la persécution, le bannissement. C’est votre fils, votre fille, il a douze ans, elle en a huit ou quatorze. C’est la chair de votre chair, ce que vous avez de plus précieux au monde. C’est l’être que vous devez protéger, défendre, soutenir, aider à grandir. Et il vient vous avouer cela. Vous y êtes ? Vous la devinez, votre stupéfaction ? votre culpabilité ? votre douleur ? votre colère ? Ça vous envahit, pas vrai ? ça vous submerge, ça vous dépasse, ça vous anéantit. Et ça, ce n’est que le début. Que les toutes premières minutes. »

Ma chronique : Un sujet difficile sur le suicide d’un adolescent harcelé dans son école. Mais quand c’est Philippe Besson qui nous en parle, le résultat est forcément probant.

Je me faisais la réflexion en terminant ce nouveau roman de Philippe Besson « Vous parler de mon fils », et si c’était son tout meilleur roman à ce jour. Une chose est certaine, ce livre vous bouleverse et vous marque durablement pour de nombreuses raisons. Les sujets abordés ici sont multiples : le harcèlement scolaire, le suicide et le deuil. Philippe Besson a toujours eu l’envie de se confronter à des sujets de société difficiles. Ici, il nous raconte le harcèlement scolaire de Hugo, un adolescent de 14 ans qui au collège subit un martyr parce qu’il a une sensibilité différente des autres. Il est question d’homophobie et de toutes sortes de brimades, d’insultes commises par deux élèves particulièrement abjectes. Le narrateur de ce roman est le père de Hugo, un homme brisé qui a découvert le corps sans vie de son fils et qui vit dans le remord, qu’aurait-il dû faire pour éviter ce drame ? En effet, face au harcèlement, sa femme Juliette et lui ont eu deux façons différentes d’aborder le problème. La colère, le courroux de Juliette face à l’inertie du directeur du collège, à tous ceux qui ont vu, mais n’ont rien dit. Les parents des deux adolescents tortionnaires qui défendent bec et ongle leurs enfants. Ils n’auraient pas pu commettre de tels actes, ils sont gentils. C’est révoltant, mais hélas très révélateur de l’aveuglement de ces parents. Pour le père de Hugo, c’est différent, il ne mesure pas tout de suite la gravité des faits et la souffrance de son fils. Il est maladroit et pense que cela passera. Le récit se déroule un peu avant et pendant une marche blanche organisée un mois après le suicide de Hugo. Nous sommes à Saint-Nazaire, mais cela pourrait malheureusement se passer partout. Le deuil est abordé ici avec une finesse d’analyse, une acuité saisissante. On a la gorge serrée, nouée face à la souffrance de ce couple et de ce petit frère, Enzo, qui perd celui qu’il admirait tant. C’est bien écrit et très juste sur les causes et les conséquences du harcèlement au collège. Philippe Besson dresse un réquisitoire contre l’absence de réaction des institutions qui minimisent les faits de harcèlement. Le fameux : « cela passera, ils sont jeunes, ce n’est pas méchant ». La marche blanche, ces centaines de personnes réunies et puis la solitude du foyer une fois celle-ci terminée. Perdre un enfant est sans doute la pire des souffrances qui puissent arriver. On ne se remet jamais d’une telle perte, on apprend juste à vivre avec, à la tolérer, cette peine infinie qui vous tenaille. J’ai trouvé ce roman profondément émouvant sans tomber dans le pathos. Une plume d’une sensibilité rare. C’est une famille plongée dans l’affliction où chacun tente d’apprivoiser sa souffrance indicible. Une nouvelle fois, Philippe Besson vise juste et nous délivre un message profondément humaniste, mais également un cri de colère face au harcèlement scolaire qui est la cause de tant de drames. J’ai adoré ce roman que je ne peux que vous recommander.

Date de publication : 2 janvier 2025 ; Éditeur : Julliard ; Nombre de pages : 208 p.

5) « Everglades » de R.J. Ellory

Synopsis : Août 1976. Garrett Nelson est shérif adjoint en Floride. Lors d’une arrestation qui tourne mal, il est grièvement blessé. C’en est fini pour lui du service actif. Suivant les conseils de sa thérapeute, Hannah Montgomery, il rejoint le père et le frère de celle-ci à Southern State, en tant que gardien au pénitencier d’État. Édifiée sur l’emplacement d’une ancienne mission espagnole située au beau milieu des Everglades, la prison est censée être d’une sécurité absolue. Et pourtant… Entre un étrange suicide et une curieuse évasion, l’instinct d’enquêteur de Nelson reprend vite le dessus. Dans ce milieu clos, cerné par une nature hostile, il va bientôt se rendre compte que les murs renferment des secrets aussi dangereux que bien gardés.

Ma chronique : Une nouvelle fois l’auteur américain R.J. Ellory m’a subjugué avec ce livre sur la peine de mort. J’ai adoré.

Nous sommes en août 1976, dans les Everglades, en Floride. Lors d’une intervention, Garrett Nelson, qui est shériff adjoint, est gravement blessé à la jambe par un tir d’arme à feu. Il riposte en tuant l’homme qui l’a si violemment agressé. Pour Garrett, le service actif dans la police n’est plus possible du fait de sa blessure. Garrett est un homme qui n’a plus de famille. Son père était un policier corrompu qui s’est suicidé, il ne voit plus sa mère et il n’a ni frère, ni sœur. Pas d’enfant, pas de compagne, alors son métier, c’est sa vie. À l’hôpital où il est soigné, il fait la rencontre d’Hannah Montgomery. Elle est kiné et s’occupe de sa rééducation, car Garrett va garder des séquelles de cette tentative de meurtre, notamment une jambe qui boîte. Hannah et lui vont se rapprocher peu à peu. Garrett cherche du travail et c’est en rencontrant la famille d’Hannah, qu’il va vouloir intégrer la prison de Southern State où travaille déjà le père et le frère d’Hannah. Au sein de ce pénitencier au beau milieu des Everglades, il va découvrir un autre monde, surtout lorsqu’il deviendra surveillant pénitentiaire dans le couloir de la mort. En apparence, c’est une prison d’une très haute sécurité, mais un étrange suicide et une évasion vont bouleverser l’ordre établi.

R.J. Ellory dans « Everglades » réussit une nouvelle fois à nous dépeindre toute la complexité du rapport entre le bien et le mal. Ces personnages sont toujours d’un réalisme saisissant, ils sont complexes, sans manichéisme, avec leurs failles, leur part d’ombre et de lumière. Garrett est le personnage principal de ce thriller, il est pétri d’humanité. Il a des convictions, mais la prison, et surtout le couloir de la mort, vont bouleverser certaines de ses croyances. Ellory construit un récit qui prend son temps afin d’installer un climat, une ambiance. Son histoire avec Hannah est belle et apporte de la douceur qui fait le contrepoids de l’univers carcéral très difficile dans lequel évolue Garrett. Le style d’écriture, comme toujours avec cet auteur, est soigné et il touche juste. Il y a une âme dans les romans d’Ellory, chose que l’on ne rencontre pas toujours avec d’autres auteur(e)s. La description des exécutions de prisonniers condamnés à la chaise électrique m’a particulièrement touché. Si certains sont dans le couloir de la mort pour de bonnes raisons, d’autres nous font douter. La peine de mort est un des sujets importants de ce thriller. N’est-elle pas inique en ce sens où elle descend directement de la célèbre loi du talion ? Aux États-Unis, ce débat est loin d’être tranché. Un style puissamment évocateur convoquant les fantômes d’une Amérique divisée sur son modèle judiciaire. On s’attache profondément à Garrett et Hannah, à leur force de vie face à la cruauté du monde tel qu’on la côtoie en prison et ailleurs. Ellory joue sur le réalisme des situations qu’il dépeint. Garrett ne pourra pas changer le monde, lui qui n’est qu’un simple gardien de prison, mais il essaiera de faire de son mieux pour être au plus près de ses convictions les plus intimes. Avec « Everglades », R.J. Ellory signe un magnifique roman à la confluence du ténébreux et du lumineux. Si, tout comme moi, vous aimez les livres de R.J. Ellory, jetez-vous sur celui-ci, car c’est un grand cru.

Date de publication : 10 avril 2025 ; Éditeur : Sonatine ; Nombre de pages : 456 p.

6) « Acide D. » de Céline Picard

Synopsis : Une femme hospitalisée dans une clinique psychiatrique oppressante. Réalité ou hallucination ? Un étrange entrepôt désaffecté où des activités suspectes auraient eu lieu. Rumeur ou vérité ?
Rien ne semble relier ces deux histoires. Et pourtant !Une enquête, pour disparition inquiétante, menée par la capitaine Charlie Meunier, la propulse dans l’univers trouble du biohacking, et lève le voile.

Ma chronique : Un des tous meilleurs polars lu cette année ! Un seul conseil, lisez Céline Picard !

Après « Homéostasie » qui m’avait fait l’effet d’un coup de boomerang, j’ai tout de suite enchaîné avec « Acide D. » de l’excellente autrice de polar Céline Picard. Cette dernière réitère ce petit miracle qui nous fait tourner les pages avidement, sans que l’on puisse lâcher l’ouvrage avant d’en connaître la fin. Ne vous fiez pas au fait que Céline soit auto-éditée. Elle écrit bien mieux qu’un nombre incalculable d’auteur(e)s de grandes maisons d’édition. Ici, cet ouvrage aurait sa place dans bien des maisons d’édition. J’avoue ne pas comprendre la logique de ces dernières. Sans doute préfère-t-on les errances nombrilistes sur la mère ou le père d’un auteur. C’est très subjectif bien sûr et d’autres lecteurs/lectrices apprécient cela. Nulle volonté de jugement de valeur. Mais, j’arrête là ma digression pour aborder le fond. Nous sommes dans un hôpital psychiatrique. Chloé Duval souffre de dépression et, dans cette clinique, elle fait la rencontre d’Alice, une jeune schizophrène souffrant d’hallucinations. Lorsque cette dernière s’ouvre à Chloé sur les agissements bizarres d’un infirmier, la nuit, dans une partie reculée de l’hôpital psychiatrique, il n’en faut pas davantage pour que Chloé enquête au côté d’une Alice loin d’être folle. Que se passe-t-il dans cette partie de l’hôpital ? Que cache-t-on dans ces couloirs désertés ? Nous retrouvons ensuite Charlie, capitaine de gendarmerie, au caractère de feu. Charlie enquête de son côté, tandis que Chloé et Alice poursuivent leur enquête de l’autre. Avant une fin qui vaut le détour, mais je n’en parle pas davantage pour ne pas trop dévoiler de l’intrigue. Charlie était l’héroïne du « Châtiment du sang », ici elle est un peu plus en retrait pour laisser la place à de nouveaux personnages. Céline est une scientifique et cela se ressent dans les descriptions passionnantes sur la science et joue forcément sur l’intrigue. On apprend et on dévore ces pages qui offrent un suspense implacable. J’ai aimé le style, le fait que l’autrice sache manier le suspense avec autant de brio dans une histoire machiavélique. Cela se lit très bien, on peine à décrocher. Qu’est-ce que le biohacking qui est au cœur de cette intrigue ? J’ai appris beaucoup de choses, moi qui n’ai pas une formation scientifique mais littéraire, je ne me suis pourtant jamais ennuyé. Vous l’aurez compris, j’ai adoré et je ne peux que vous encourager à découvrir ce polar haletant qui s’appelle « Acide D. » et qui est signé Céline Picard.

Date de publication : septembre 2025 ; Éditeur :  Auto-édition