Ma chronique :

Philippe Douroux, journaliste à Libération, remonte le fil de son histoire personnelle dans cet essai, un récit historique poignant et salvateur sur un père engagé volontaire dans la Waffen SS. Un livre cathartique où l’auteur fait preuve d’une grande lucidité sur ce père qu’il a haï et qu’il n’a jamais appelé papa. L’engagement fasciste, d’Alfred Douroux, son père, laisse le lecteur pantois. C’est en mars 1943 qu’Alfred, dit Freddy, s’engage sous l’uniforme allemand dans la Légion des Volontaires Français, la LVF. Ils seront quelques milliers à faire ce choix suite à l’attaque décidée par Hitler contre l’URSS le 22 juin 1941. Au printemps 1943, le vent a tourné à l’est. La défaite de Stalingrad a laissé des traces et la bataille de Koursk sera déclenchée quelques semaines seulement après l’engagement d’Alfred Douroux. Ce dernier est profondément antisémite et anti-communiste. Le « judéo-bolchévisme » est l’ennemi à abattre. L’exaltation du combat, de la violence accompagnée par des pulsions de mort est un terreau fertile pour les recruteurs de la LVF. Philippe Douroux s’intéresse à ces partis collaborationnistes comme le PPF de Jacques Doriot, ex-communiste devenu le fer de lance de la collaboration avec Hitler et les nazis. Il y a aussi Marcel Déat et son RNP, le Mouvement franciste de Marcel Bucard. Des partis aux effectifs réduits et qui n’ont de cesse de s’affronter pour les miettes de pouvoir laissées par l’occupant. Les inimités sont nombreuses et l’auteur analyse parfaitement cela. On sent la blessure originelle d’un fils ayant dû vivre avec ce passé paternel. Rien d’étonnant à ce qu’il ait fait le choix d’un engagement à gauche et notamment au sein du journal Libération. A l’Est, la LVF mène une lutte acharnée contre les partisans. Nous sommes en Biélorussie, et ce que nous découvrons c’est que derrière cette idée de combat contre la résistance russe à l’arrière du front, se cache une réalité sinistre ponctuée de centaines, de milliers de massacres de villages, laissés aux flammes. Des femmes et des enfants, des vieillards, massacrés dans des conditions atroces. Les Français de la LVF violent les femmes et se comportent exactement comme les Allemands. La Biélorussie devient le réceptacle de toutes les haines des âmes damnées d’Hitler. Nous suivons leurs parcours jusqu’aux ruines de Berlin en 1945, où les Français, engagés dans la Waffen SS, seront les derniers à défendre le bunker du dictateur nazi. J’ai trouvé le récit très dense, trop sans doute par moment. On sent que l’auteur a à cœur de bien resituer dans le contexte les engagements de ces hommes et notamment celui de son père à qui il ne pardonne pas. L’après-guerre est édifiant tant l’on voit ces hommes qui ont survécu, rebondir et reformer des cercles d’anciens camarades de la Waffen SS. Bien sûr, il s’agit d’être discret, mais peu d’entre eux sont réellement inquiétés par la justice. Au final, on obtient un ouvrage très intéressant, sans doute un peu brouillon dans son propos parce que se télescope le rejet du père et celui de son engagement au côté des nazis. La description des crimes commis contre les populations de Biélorussie est terrible. On peine à imaginer le nombre d’Oradour-sur-Glane perpétrés là-bas. Une réflexion sur l’héritage paternel, sommes-nous responsables des crimes perpétrés par un père ? Un roman sur la résilience également. Si vous aimez les essais historiques sur la Seconde Guerre mondiale, nul doute que l’ouvrage de Philippe Douroux vous plaira.

Date de publication : 19 Février 2025 ; Éditeur : Flammarion ; Nombre de pages : 372 p.

Mon avis :

Note : 3.5 sur 5.