Je remercie très chaleureusement les éditions Albin-Michel et sa formidable collection Terres d’Amérique, dirigée par Francis Geffard, pour ce service presse.

Ma chronique : Avec « Somnambule », Dan Chaon réalise un road trip futuriste sous substance hallucinogène, dans un monde dystopique où les drones-robots côtoient des humains et des animaux au potentiel modifié. Une Amérique où les groupes sectaires, les milices et autres organisations ont supplanté Washington et les pouvoirs fédéraux. Dans un monde en déliquescence parfaitement décrit, Dan Chaon nous parle d’un homme qui sillonne les routes américaines, il s’appelle Will Bear et il est accompagné de son fidèle pitbull, Flip. Will Bear n’est qu’une des nombreuses identités de cet homme au travail peu commun. Il possède des dizaines d’identités différentes, un nombre de portables tout aussi important correspondant à chacune d’entre elles. Son boulot consiste à assassiner, transporter des otages ou autres choses insolites comme poser des explosifs. Il ne se pose pas trop de question. La vie n’a pas été tendre avec lui. Sa mère était une psychopathe, une manipulatrice de haut vol qui a tout fait pour détruire la vie de son fils, jusqu’à l’irréparable. Un jour, alors que Will est dans son camping car, plusieurs portables sonnent en même temps, une chose impensable car chacun d’entre eux est relié à une identité bien précise. Will finit par décrocher et son choc est à la mesure de l’annonce faite au bout du fil : une jeune femme prétend être sa fille biologique et elle se dit en grand danger. Will va devoir choisir entre la poursuite d’une vie solitaire comme homme à tout faire au service d’organisations criminelles, ou prendre sa vie en main et assumer son passé pour sauver sa fille. Bien sûr, l’irruption dans sa vie de sa fille biologique, réveille en lui les traumas de son enfance et de sa relation toxique (le mot est faible) avec sa mère. C’est un roman dystopique magnifiquement écrit, dense, où l’on ressent une ambiance folle et anxiogène avec des descriptions saisissantes d’une société américaine en décomposition. La relation qui se tisse entre cette jeune femme et Will est au cœur du roman, mais pas seulement car en piratant les portables, la fille de Will met sa vie en danger, et celle de son père biologique par la même occasion, qui se retrouve poursuivi, de toute part, par plusieurs organisations qui lui veulent la peau. Un roman sombre mais non dénué d’un humour noir bien senti. L’amour pour son cher Flip est tendre, l’animal représentant énormément pour lui. Dan Chaon interroge le lien filial de façon touchante. Un cocktail de tendresse et de violence au fur et à mesure de l’avancée de ce road trip, sorte de thriller futuriste. On est ému par ce pauvre type, n’ayant pas eu d’autres choix, vu son enfance, que d’emprunter la voie d’un criminel de bas étage. Méprisé et jamais véritablement compris de ses congénères, l’irruption dans sa vie de cette jeune femme se disant sa fille, est une bouffée d’oxygène pour Will. Il va s’y accrocher comme jamais auparavant dans sa vie. Le climat violent et anxiogène n’est pas sans émotion, sans élan d’amour même maladroit. J’ai aimé cette alternance et ce beau lien qui se tisse au fil des pages entre le père et ses filles. Laura Kasischke, autrice que j’apprécie tout particulièrement, parle d’une expérience de lecture unique. J’ai eu le même ressenti. Un monde très sombre mais avec ces bulles de vie, d’humour et même d’amour. Le potentiel cinématographique de « Somnambule », de Dan Chaon, est indéniable. Je recommande cette lecture. Un des tous meilleurs romans dystopiques américain de ce premier trimestre 2024.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.