Ma chronique : Qu’il est douloureux ce livre, habité de fantômes, ceux d’une enfance meurtrie à jamais, saccagée, détruite, piétinée. D’emblée Neige Sinno nous immerge dans ses réflexions sur les conséquences de l’inceste commis par son beau-père durant de nombreuses années, les plus importantes, celles de l’enfance. Le langage ici est cru, l’autrice voulant nous faire comprendre ce qui ne se peut pas. Tout juste peut-on subodorer les souffrances inqualifiables causées par ce pédophile. Nulle résilience, nulle thérapie, l’écriture elle-même est démasquée comme un faux fuyant, une illusion, un outil imparfait mais néanmoins le seul permettant de témoigner de sa colère, d’une révolte qui consume. Comment ne pas comprendre l’effroyable ? L’autrice nous remet à notre juste place, nous lisons son ouvrage, nous compatissons mais comprenons nous réellement ce que constituent les abus sexuels sur des enfants. Les scènes sont éprouvantes, on est à la limite d’abandonner ce témoignage tellement l’envie de vomir nous saisis. Comment peut-on faire cela à des enfants ? Qui sont ces monstres aux visages de papa, de beau-père, d’oncle, d’ami, de cousin, de frère… Parler s’est prendre le risque de détruire la cellule familiale, d’avouer ce que l’on ne comprend pas encore à cet âge si précoce. L’enfant ne peut dire non, Neige Sinno insiste sur ce point. C’est essentiel de comprendre cet élément. Le témoignage se fait aussi étude de la littérature traitant de l’inceste. Les pensées se font sans concession, abruptes, douloureuses. On ne guérit pas de telles blessures. Jamais. Le récit se veut le témoignage d’une enfant broyée par les actes inqualifiables de ce beau-père. Mais justement, comme durant son procès rendu public, il est question ici de ne pas passer outre et de qualifier ces actes, de les décrire jusque dans leur horreur. Le beau-père se demande d’ailleurs pendant le déroulement du procès pourquoi il faut insister à ce point sur les faits commis. Quelle importance pour lui, il ne peut comprendre et admettre, entendre la liste des supplices infligés à cette petite fille. Les violences sexuelles sont impardonnables et imprescriptibles car inscrites à jamais dans la psyché des petites victimes. A l’heure d’être mère, Neige Sinno ne peut s’empêcher de penser à sa fille et aux autres enfants pouvant être l’objet des sévices de ces prédateurs sexuels pédophiles. Toujours aux augets. C’est un livre-témoignage absolument bouleversant, terrifiant aussi dans sa façon d’aborder frontalement les faits. Loin des clichés éculés, « Triste tigre » de Neige Sinno est un livre incontournable de cette rentrée littéraire.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.