Ma chronique : Paris, le 13 novembre 2015. Une brasserie où Mia décide de s’arrêter, juste le temps de prendre un café. Elle est traductrice à la radio. Elle a un compagnon. Ils s’aiment. Au même endroit, au même moment un homme fête son anniversaire avec quelques ami(e)s. Leurs regards se croisent et puis plus rien. Les premières salves de kalachnikovs, les cris, les corps qui s’écroulent, le sang, la terreur, la stupéfaction, comment réagirions nous en ces instants, ces minutes semblant des heures, une distorsion du temps et des lieux, la page blanche, l’oubli. Recueilli par le Samu, les pompiers, la police et l’armée, l’urgence car il y a des blessé(e)s plus ou moins graves mais de toutes les façons marqués par le sceau du survivant, du traumatisme implacable qui ne vous lâche plus. La résilience, le deuil, juste des coquilles vides, des mots de proches qui sonnent creux. Comment peuvent-ils comprendre Mia ? On pense pouvoir se raisonner mais comment parler de raison là où il n’y en pas. Appelons ça le hasard, le karma, le mauvais endroit au mauvais moment. Tout cela n’est que la projection de gens n’ayant pas vécu cette atrocité. Désormais, il y a Mia et les autres. Mia veut se souvenir. Qui lui a tenu la main ? Cet homme dont elle a croisé le regard, fait-il parti des victimes ? « Revoir Paris » est un immense film, une réussite alliant émotion et pudeur. A aucun moment, le visage des terroristes n’apparait, la menace est là, l’effroi aussi, juste le bruit des balles et des râles, les pleurs, le silence, la mort. Il faut énormément de talent pour arriver à bâtir un récit sur ce qui constitue un événement aussi traumatisant. Virginie Efira est de tout les plans. Elle interprète Mia. Son regard perdu, les cauchemars qui reviennent, ces visages ancrés dans la rétine. L’actrice est d’une véracité dans son jeu proprement stupéfiant. Benoît Magimel est lui aussi, en survivant blessé gravement, un homme détruit intérieurement et pas seulement physiquement. Ces deux âmes blessées vont se rencontrer. Il y a une association qui se retrouve sur les lieux de l’attentat pour tenter de mieux saisir ce qu’ils ou elles ont fait, pourquoi ont-ils survécu ? pourquoi eux et pas les autres ? L’éternelle question propre aux survivants de traumatismes psychiques ou physiques à des événements d’une violence si brutale. Émotion, sensibilité de Virginie Efira, son regard perdu dans le lointain et puis cette volonté farouche de comprendre. Un Benoît Magimel lui aussi exceptionnel avec sa gueule cassé marquée par les abus d’alcool et de drogues qui lui confèrent une profondeur d’âme, de jeu qui se peaufine d’année en année. Deux immenses acteurs et une histoire qui va vous mener au delà des idées préconçues. Alice Winocour réalise la prouesse de n’être jamais dans le faits divers, le sordide, la haine ou la colère. Les deux personnages principaux sont liés par quelque chose qui les rapprochent et qui aussi les dépassent. Un film a ne manquer sous aucun prétexte. Du grand cinéma.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.