Je remercie chaleureusement Albin Michel et sa si belle collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture enrichissante !

Ma chronique :

Nana Kwame Adjei-Brenyah est de retour, quatre ans après « Friday Black« , avec une dystopie sous forme d’uppercut littéraire, tant la démonstration de son talent, dans le fond comme dans la forme, est évidente. « Le Dernier Combat de Loretta Thurwar » nous décrit un monde où les prisons américaines sont privatisées, aux mains de puissants actionnaires qui ont eu pour idée de créer le « Divertissement pénal d’action criminelle » (DPAC). C’est une téléréalité où les condamnés ont la possibilité d’être libéré à condition de survivre à un tournoi de gladiateurs 2.0, des combats à mort filmés et diffusés à la télévision et qui ont lieu dans des lieux où les gens paient pour assister à ces massacres. Si au bout de trois ans de combat à mort, on est toujours en vie, alors on peut être libéré définitivement. Mais c’est une chose qui n’arrive que très rarement. Loretta Thurwar est afro-américaine et elle est en passe de réaliser cet exploit, elle qui est considérée comme une véritable machine à tuer. Elle aime une autre combattante et fend l’armure qu’elle s’est forgée, avec elle. Mais le DPAC qui ne songe qu’aux profits souhaitent profiter de cette idylle pour construire un scénario des plus retors pour leur télé-réalité. Un roman choral où l’on suit différents personnages et où l’auteur, par son talent d’écriture et la force de ses convictions politiques, nous décrit un monde où l’argent est roi et où la vie n’a plus de valeur. La dignité humaine n’est plus surtout lorsque l’on est considéré comme des moins que rien, des prisonniers. Son roman est un pamphlet contre la peine de mort, contre les abus policiers, ceux de la justice qui n’est plus ici qu’une coquille vide, un mot creux. L’auteur cite en note de bas de pages des statistiques éloquentes sur le taux d’incarcération de la population afro-américaine. Le racisme n’est jamais bien loin. Nana Kwame Adjei-Brenyah est un auteur engagé, avec une vraie conscience politique. Ce roman appuie là où ça fait mal. Une histoire où la violence est légion et surtout légitimé par un État que l’on devine autoritaire. À l’heure où Donald Trump vient de devenir le 47ᵉ président des États-Unis d’Amérique, on ne peut s’empêcher d’y voir un signe d’opposition radical de ce jeune auteur, à cette vague néo-conservatrice. C’est une nouvelle fois très bien écrit, le récit est enlevé. C’est un roman violent, mais il ne faut pas s’effrayer de cela, car l’auteur ne décrit que ce qui est nécessaire pour comprendre la souffrance de ces prisonniers pris au piège de ces combats organisés par le DPAC. L’humain n’est plus qu’un bout de chair qui vaut des dollars et puis que l’on jette une fois le jouet cassé. Une déshumanisation totale. On est dans la lignée d’un Colson Whitehead qui lui aussi dénonce ce racisme et cette violence dans ses romans. Nana Kwame Adjei-Brenyah a eu un accueil dithyrambique de la presse anglo-saxonne. La fin m’a beaucoup plu. Enfin, comment ne pas oublier de parler des spectateurs avachis qui assistent à ces mises à mort en allant voir ces combats en vrai ou à la télévision. Il nous questionne sur le côté voyeur et morbide, sadique des spectateurs. Un roman dense, riche, car il nous fait nous interroger, nous questionner sur l’évolution de nos sociétés dites civilisées. Il dresse un constat sans concession en appuyant là où cela fait mal. Si vous voulez lire un roman qui secoue, qui bouge les lignes, alors Le Dernier Combat de Loretta Thurwar de Nana Kwame Adjei-Brenyah est fait pour vous. Une lecture salvatrice à plus d’un titre. N’hésitez pas.

Date de publication : 5 mars 2025 ; Éditeur : Albin Michel ; Nombre de pages : 464 p.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.