Je remercie chaleureusement les éditions De L’Observatoire ainsi que Babelio pour ce service de presse.

Ma chronique :

Yara est la narratrice de ce nouveau roman d’Etaf Rum « Mauvais Œil ». Elle est issue d’une famille palestinienne qui a immigrée aux États-Unis. Née à Brooklyn, Yara est mariée depuis dix ans avec Fadi, lui aussi Palestinien. Ce n’est pas vraiment un mariage d’amour, même si Yara tente de se persuader du contraire. Ils ont deux enfants. Yara a un poste à l’université, mais un jour un incident avec une collègue raciste plonge Yara dans une colère noire. Convoquée par le proviseur de la Fac, elle perd son poste. C’est la goutte d’eau de trop. Elle entame une thérapie et se rend compte peu à peu que les réminiscences de son enfance au sein d’une famille dysfonctionnelle, déchirée à cause d’un père violent et manipulateur, remontent jusqu’à elle aujourd’hui encore. La résilience ne s’est pas faite. Ce long processus va nécessiter tout un cheminement. Yara ressent le poids des traditions, de celles qui vous font croire que la place de la femme est à la cuisine et qu’elle doit s’épanouir en faisant les tâches ménagères ainsi qu’en élevant les enfants. Fadi n’est d’aucun soutien dans le quotidien et sans le vouloir, il reproduit le modèle patriarcal le plus obsolète face aux demandes légitimes de Yara. Celle-ci souffre de ne pas se sentir exister, elle veut être libre, elle qui est une artiste titulaire d’un master d’histoire de l’art. Yara veut voyager, mais son mari se contente d’une vie ennuyeuse et terne. Yara souffre d’avoir vu sa mère être battu par son père. Un événement en particulier la fait culpabiliser. Fadi ne la bat pas, mais quelque chose s’est brisé dans leur couple.

C’est un roman éminemment psychologique où nous suivons les circonvolutions de l’esprit torturé de cette jeune femme. Le poids du transgénérationnel est prégnant ici. Son parcours est semé d’embûches, mais la rencontre d’un ami à la Fac, Silas, va l’aider, tout comme son travail en thérapie. Un livre d’émancipation, de résilience, très émouvant, avec un personnage féminin pour qui on éprouve de l’attachement, de la compassion. Yara veut comprendre ce qui se passe dans sa vie, d’où lui viennent ses colères et ses crises de larmes. Etaf Rum, dont c’est le second roman après « Silence d’Isra » signe un texte fort, très bien écrit et que l’on ne peut plus lâcher avant d’en connaître l’issue. La tension est réelle et on peut supposer qu’Etaf Rum y a mis beaucoup d’elle-même puisqu’elle est, elle aussi, née à Brooklyn, d’une famille d’immigrés palestiniens. Peut-on guérir des cicatrices du passé ? De cette culpabilité qui nous ronge parfois ? Yara est-elle vraiment touchée par le mauvais œil dont on lui parle depuis l’enfance ? Autant de questionnements qui trouveront une réponse dans ce formidable roman d’Etaf Rum. Une autrice qui analyse avec une grande finesse, une acuité saisissante, le délitement d’un couple et l’aspiration à une légitime libération. Le personnage de Yara fait partie de ceux que l’on n’oublie pas. J’ai adoré.

Mon avis :

Note : 5 sur 5.