Je remercie très chaleureusement les éditions Albin-Michel et sa très belle collection Terres d’Amérique pour ce service presse

Ma chronique : « Chadrac le Messie » est un personnage intervenant au cours du roman. Il est étrange et, derrière son apparente folie, il dissimule le contre-poison du démagogue dont le discours est soudain réduit à ce qu’il est fondamentalement : du bruit. « La Petite famille » d’Ishmael Beah est un chant distordant, un vacarme assourdissant couvrant les voix jugées insignifiantes des gagne-petit, des légions de miséreux. Une petite famille reconstituée, enfants et adolescents dormant dans leur carcasse d’avion valant toutes les propriétés à leurs yeux. Leur repère à eux. La seule chose qu’ils « possèdent. » L’écriture d’Ishmael Beah nous fais saisir les variations, les notes différentes jouées selon que l’ont soient riches ou « moins que rien » (pour paraphraser les propos polémiques d’un Président de la République française). En Afrique, il y a cette culture informelle permettant aux plus grands nombres de survivre mais dans des conditions de pauvreté et de détresse extrême. La faim et la soif, le dénuement le plus total, la petite famille connaît cela par cœur. C’est son unique réalité, le jour le jour, survivre du lever au coucher du soleil et remettre cela le lendemain, relancer les dés et jouer sa vie. La corruption est endémique, les principales ressources minières du pays appartenant à des dignitaires africains mains dans la mains avec des multinationales occidentales, russes ou chinoises, etc. Les militaires font offices de « polices » mais surtout de rapaces faisant pression sur ce qui peut toujours être remisé dans leurs poches. Ishmael Beah ne fait pas de moral, il n’incrimine pas, il témoigne de ce qu’il se passe avec un sentiment de liberté dans le ton. Le récit se teinte de différentes couleurs. Au détour d’une séquence, on a mal, on a honte de voir ces blancs bedonnants profiter de la misère crasse et de ces enfants ou préadolescent(e)s subissant les agissements de pédophiles à la vue de tous. L’argent n’a pas d’odeur mais on peut dire aussi qu’il n’a pas de couleur de peau. La prostitution des mineur(e)s est un fléau, les disparités exponentielles de richesse sont un autre fait majeur. Khoudiemata est membre de cette petite famille et c’est une jeune fille. Elle va peu à peu apprendre à connaître les codes de ceux pour qui tout est dû. Un portrait saisissant, poignant, qui dévoile par petites touches, comme l’on peint une toile, cette part d’ombre d’une Afrique décolonisée mais où demeure les arrangements entre puissants qu’ils soient noirs ou blancs, asiatiques. Si vous voulez lire un grand roman sur l’Afrique d’aujourd’hui, sur ces rues défoncées, le confort le plus minimal absent, la pauvreté extrême. Cette dichotomie entre quartiers huppés protégés par une meute de gardes du corps et de tueurs à gage et le reste. Ce roman va vous plaire. Ishmael Beah s’inscrit comme l’une des plus belles voix de la littérature africaine.

Mon avis :

Note : 4 sur 5.