Mes meilleurs vœux pour cette année 2022 à vous toutes et tous qui faites vivre ce blog avec tous ces échanges, ces partages, ces découvertes.. Je vous souhaite la santé et les bonheurs qui font le sel de la vie. Profitez bien des fêtes ! ✨🎅🎄🎁Je voulais vous remercier chaleureusement pour cette belle aventure Blog qui se poursuit en 2022 avec un immense plaisir ! En 2022, cela fera 12 ans que « La culture dans tous ses états » existe sur WordPress ! Que 2022 soit riche, pour vous et moi, en coup de cœurs littéraires, cinéphiles, musicaux et séries !

Bises bretonnes et amitiés ! 😊

Frédéric.

Voici venu l’heureux moment des bilans de l’année, quels sont les romans qui ont pour moi marqué l’année 2021. Je ne vais en retenir que 5 mais cette année fût particulièrement riche en terme de qualité des sorties littéraires. En attendant la rentrée littéraire de Janvier 2022, voici les livres que je vous recommande en cadeaux sous le sapin à Noël ! Je glisse également quelques idées de BD et de livres d’histoire à offrir !

1 « Lorsque le dernier arbre » de Michael Christie (Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique »)

L’Histoire : D’un futur proche aux années 1930, Michael Christie bâtit, à la manière d’un architecte, la généalogie d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts. 2038. Les vagues épidémiques du Grand Dépérissement ont décimé tous les arbres et transformé la planète en désert de poussière. L’un des derniers refuges est une île boisée au large de la Colombie-Britannique, qui accueille des touristes fortunés venus admirer l’ultime forêt primaire. Jacinda y travaille comme de guide, sans véritable espoir d’un avenir meilleur. Jusqu’au jour où un ami lui apprend qu’elle serait la descendante de Harris Greenwood, un magnat du bois à la réputation sulfureuse.

« Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde –, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure. »

C’est de très loin, selon moi, LE roman de cette année 2021 à ne surtout pas manquer. Si vous ne deviez en lire qu’un, c’est bien celui-ci qu’il faudrait acheter en librairie, afin d’engloutir ensuite ses 608 pages absolument époustouflantes. Avec Lorsque le dernier arbre, l’écrivain canadien Michael Christie s’inscrit d’ores et déjà comme l’un des plus grands auteurs contemporain nord américain. La construction narrative est des plus originale, en effet tel des dendrologues, nous allons remonter le temps de cerne annuel (ou de cerne de croissance) en cerne annuel, formant un cercle concentrique sur la section transversale du tronc d’un arbre, formé chaque année par le cambium. Le roman est structuré à la manière d’un tronc d’arbre : plus on s’approche des pages du milieu, et plus on recule dans le temps. Puis, une fois arrivé en 1908, on repart dans le sens inverse pour retrouver l’année 2038. Une histoire sur plusieurs générations, d’une ambition folle et pleine de souffle. Une fresque familiale d’une rare beauté. L’auteur a mis cinq longues années à l’écrire et cela s’en ressent. Son parcours atypique, Michael Christie a exercé plusieurs métiers avant d’être auteur, renforce ce côté protéiforme de son histoire, avec des personnages d’une rare densité psychologique ayant chacun leur part d’ombre et de lumière.

Lorsque le dernier arbre est un roman-monde, mélange de préoccupations écologiques, sociales et de dystopie dans sa description d’un futur où la Terre, en 2038, est confrontée aux changement climatiques entraînant des épidémies fongiques et autres invasions d’insectes ayant tués presque tous les arbres de la Terre. Ces nuages de poussières dans une Terre devenue inhospitalière renforce le clivage entre deux mondes : celui d’une minorité d’ultra riche pouvant se payer un séjour à la Cathédrale arboricole de Greenwood, et la grande masse des miséreux affamés. Les maladies se sont développées renforçant le chaos et l’apocalypse écologique. L’histoire nous raconte la généalogie des Greenwood, une famille dont Jake Greenwood ou Jacinda ignore tout, elle, la lointaine descendante et dendrologue de formation ayant la chance de travailler dans l’une des dernières forêts primaires de la terre, une île transformée en complexe de luxe au large de la Colombie-Britannique. Guide forestière, elle doit présenter quotidiennement à ces groupes de touristes richissimes, la magie des lieux. Un jour, Silas débarque sur l’île, c’est un juriste et il prétend que Jake n’est autre que l’arrière petite-fille de Harris Greenwood, un magnat du bois de la côte ouest qui aurait acheté l’île en 1934.

Le récit ne nous perd jamais en route et ces changements d’époques forment un arc narratif passionnant à suivre. On y côtoie le père de Jake, charpentier menuisier fauché, sa grand mère Willow, militante écologiste radicale ou bien encore l’oncle de Jake, Everett (le frère de Harris futur magnat du bois) qui trouvera un nourrisson abandonné au cœur des bois. Certains événements vont s’inscrire durablement dans les interstices du temps. La découverte de ce bébé par Everett fait partie de ces événements qui font basculer une existence. A chaque fois, on est bouleversé et on s’attache drôlement à ces personnages qui ont une profondeur et une authenticité rare. Michael Christie fait défiler le temps en suivant les circonvolutions des cernes d’un arbre comme représentation de l’arbre généalogique de la famille Greenwood. Le style d’écriture est remarquable, profond car il nous fait méditer sur la vie, la mort, l’idée que nous ne sommes que des hôtes de passage sur Terre, tandis que les arbres nous contemplent, de leur hauteur gigantesque pour certains d’entre eux, et voient défiler les siècles et les hommes. Un livre qui sonne comme une mise en garde sur l’ampleur de la catastrophe qui nous menace si nous n’agissons pas. Un roman précieux pour ce qu’il a à nous dire servi par cette écriture vertigineuse de Michael Christie. Un roman indispensable à offrir pour ces fêtes

Auteur Michael Christie

Traduction Sarah Gurcel

Editeur Albin Michel

Date de parution 18/08/2021

Collection Romans Etrangers

Nombre de pages 608

2 « Hamnet » de Maggie O’Farrell (Belfond )

L’Histoire Un jour d’été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l’aide car aucun de leurs parents n’est à la maison…

« Il est mort et parti, madame. Il est mort et parti; à sa tête une étendue de gazon vert; à ses talons une pierre. » Hamlet, acte IV, scène 5.

Maggie O’Farrell signe son huitième roman publié aux éditions Belfond. Son titre « Hamnet« . Immédiatement ce prénom fait résonance, écho dans un coin de votre esprit, alors vous songez à Hamlet le chef d’œuvre de William Shakespeare. En effet, Hamnet et Hamlet sont liés par le destin. Dans les années 1580, un couple qui habitait Harley Street, dans la ville de Stratford, eut trois enfants : Susanna, puis Hamnet et Judith, des jumeaux. Le jeune enfant, Hamnet, mourût en 1596 à l’âge de onze ans. Quatre ans plus tard, Shakespeare, son père, écrivit une pièce de théâtre qui allait marquer pour l’éternité le paysage littéraire : Hamlet. Il faut savoir que Hamnet et Hamlet sont en fait le même prénom dans les registres de Stratford de la fin du XVIème et du début du XVIIème siècle. Quel livre sublime, d’une sensibilité, d’une délicatesse rare qui nous emporte, nous envoûte pour ne plus nous lâcher grâce à cette plume merveilleuse de Maggie O’Farrell. J’ai rarement lu un roman d’une telle beauté sur le fond comme dans la forme, alors oui j’ose le mot chef d’œuvre car je pense qu’il n’est pas galvaudé ici bien au contraire. Vous allez plonger dans l’histoire d’un précepteur de latin, William Shakespeare, fils d’un père gantier de son état prénommé John, violent et irascible qui battra son fils et n’aura de cesse de l’humilier pour lui faire payer le déshonneur qui pèse sur la maison familiale. William n’y est pour rien mais les affaires louches de John ont fini de ternir la réputation de ce dernier. La description de ses colères, véritables tempêtes, tornades qui emportent tout sur leur passage sont des moments terribles. J’ignorais pour ma part, cette facette de la vie de William. On nous parle aussi très longuement d’Agnès, l’épouse de William et la mère d’Hamnet. Agnès a perdu sa mère très jeune mais elle tient d’elle son amour inconditionnel pour la liberté d’être femme, son amour inconditionnel de la nature qu’elle apprivoise mieux que personne. Il y a avec Maggie O’Farrell, tout un vocabulaire des sensations, des senteurs avec une nature omniprésente, presque magique où l’on puise les moyens de se soigner, de se nourrir, de se chauffer et tant d’autres choses essentielles du quotidien. Il y a même une sorte de paganisme dans les rituels d’Agnès qui est vue par la communauté comme une excentrique, une jeteuse de sorts tout comme sa mère avant elle. Les pages sur Agnès sont parmi les plus poétiques du roman et elles sont d’une puissance d’évocation, d’une beauté, peu commune. Bartholomew est le frère d’Agnès et il aime celle-ci inconditionnellement. C’est un des personnages secondaire que j’ai le plus aimé dans ce roman. Il est toujours là, tel un arbre gigantesque et protecteur sous lequel Agnès peut se sentir en sécurité. Les chapitres alternent donc et nous permettent de suivre la vie de William dont le prénom n’est jamais cité, celle d’Agnès et celle d’Hamnet, leur fils. Hamnet est un garçon rêveur, intelligent mais étourdi dont l’esprit vole au gré du vent et des bruits qu’il entend dans la rue. Hamnet a un amour indéfectible pour sa sœur jumelle Judith. Lorsque celle-ci tombe malade, il court chercher de l’aide. Son désarroi est total, sa tristesse égale à l’amour immense et à l’admiration qu’il voue à Judith. Ces deux êtres sont liés dans la vie comme dans la mort. Là encore, la description de la lente progression de la pestilence par bateau d’Egypte jusqu’en Angleterre a rarement été décrite avec autant d’acuité. Lorsque Judith tombe malade, Agnès cueille chez son frère des plantes médicinales et ne se doute de rien. William est à Londres pour son travail. Ils vont devoir affronter l’épreuve la plus atroce, celle que tout parent redoute : la mort d’un enfant. Les mots de Maggie O’Farrell sur le deuil, sur la douleur incommensurable de perdre un enfant, sont parmi les plus beaux qu’il m’ait été donné de lire. « Hamnet » est un roman magnifique, déchirant sur l’amour, sur le deuil, sur le poids de la communauté, sur la nature, sur notre état d’être fragile sujet à la maladie, à la mort. Celle-ci rôde, la faucheuse est en éveil et cueille son dû. On ressent toutes les émotions qui traversent Agnès et son époux, cette douleur qui transperce le cœur, foudroyante. J’ai été marqué par la description des accouchements, moment fatidique où la future mère est, plus que jamais, sur ce fil ténu entre la vie et la mort. C’est incontestablement un des très grands livres de cette année 2021 ! N’hésitez pas, « Hamnet » c’est publié chez Belfond et c’est le tout nouveau et merveilleux roman de Maggie O’Farrell.

3 «Sidérations » de Richard Powers (Actes Sud)

L’Histoire Dans une Amérique au bord du chaos politique et climatique, un père embarque son jeune fils souffrant de troubles du comportement dans une sidérante expérience neuroscientifique. Richard Powers signe un nouveau grand roman questionnant notre place dans le monde et nous amenant à reconsidérer nos liens avec le vivant.

L’immense auteur américain Richard Powers vient de publier chez Actes Sud son nouveau chef d’œuvre intitulé « Sidérations. » Après « L’arbre-monde », récompensé du prix Pulitzer en 2019, Richard Powers continue son exploration du monde et c’est, cette fois-ci, vers les étoiles et l’espace que se tourne, le regard pleins d’acuité de l’auteur. « Sidérations » est, tout d’abord, une tragédie humaine , une porte d’entrée sur la souffrance de deux êtres, un père Theo Byrne, un astrobiologiste élevant seul son fils Robin qui a neuf ans. Robin est en souffrance, son comportement à l’école où les épisodes de colère, dû aux moqueries de ces camarades, succèdent aux moments de dépression. Robin a perdu sa maman. Theo et Robin sont passionnés par la nature, les êtres vivant qui la composent mais aussi l’univers entier avec cette question ô combien existentielle et longuement débattue de savoir s’il y a de la vie ailleurs dans L Univers. C’est là, la dimension métaphysique de ce roman. Dans cette Amérique du chaos qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Donald Trump, des lois liberticides sont votées et la science attaquée de toutes parts. Une toile de fond angoissante, celui d’un monde qui s’enferme sur lui-même, où les catastrophes naturelles, les maladies s’enchaînent. La mère de Robin était une grande protectrice de la nature qui avait, à de nombreuses reprises parlée devant le congrès américain afin de mettre en garde sur l’effondrement d’une nature épuisée par l’exploitation de l’homme au seul profit de l’argent. Père et fils, face aux injustices, vont se recréer un monde, un infini, un champs des possibles à eux. Theo refuse les psychotropes que l’on veut prescrire à son fils. Un ami neurologue, lui propose un jour une thérapie expérimentale utilisant l’intelligence artificielle pour rééduquer le psychisme de Robin. Au bout de quelques séances, les résultats sont stupéfiants. Mais tout cela a un prix.. « Sidérations » est un roman sur l’acceptation de la différence, sur la nécessaire sauvegarde de la nature, de la biodiversité. Ce duo père-fils est un sommet d’émotion d’une grande justesse. L’amour d’un père pour son fils. Un père prêt à tout pour offrir une vie plus paisible à Robin. Un roman sur le deuil, celui d’une épouse et d’une maman. On est profondément ému par ce roman qui laissera une trace pendant longtemps dans l’esprit et le cœur de ses lecteurs. L’écriture est sublime, l’émotion au rendez-vous, l’histoire plus accessible que son précédent roman que j’ai pourtant adoré. Si vous aimez Richard Powers, vous allez vous régaler.

Auteur : Richard Powers Editeur : Actes sud Date de parution : 22/09/2021 Nombre de pages : 400

4 « La Porte du voyage sans retour » de David Diop (Seuil)

L’Histoire : « La porte du voyage sans retour » est le surnom donné à l’île de Gorée, d’où sont partis des millions d’Africains au temps de la traite des Noirs. C’est dans ce qui est en 1750 une concession française qu’un jeune homme débarque, venu au Sénégal pour étudier la flore locale. Botaniste, il caresse le rêve d’établir une encyclopédie universelle du vivant, en un siècle où l’heure est aux Lumières. Lorsqu’il a vent de l’histoire d’une jeune Africaine promise à l’esclavage et qui serait parvenue à s’évader, trouvant refuge quelque part aux confins de la terre sénégalaise, son voyage et son destin basculent dans la quête obstinée de cette femme perdue qui a laissé derrière elle mille pistes et autant de légendes.« 

Les mots se bousculent dans mon esprit à l’heure de vous livrer mon sentiment sur ce troisième roman de David Diop, qui fait suite (est-il besoin de le rappeler ?) au « Frère d’âme », lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2018 et du prix international Man-Booker en 2021.  Paru aux éditions Du Seuil, « La porte du voyage sans retour » est non seulement un sublime roman mais je pense qu’il marquera autant que son prédécesseur les esprits, les consciences des lecteurs. Le style d’écriture est envoûtant, ciselé, magnifié par un David Diop qui nous entraîne au Sénégal, dans le pays où il a grandi, pour nous parler de l’esclavage au milieu du XVIIIème siècle. Un sujet fort et qui est abordé ici avec une puissance d’évocation peu commune. David Diop s’inspire de la vie de Michel Adanson, naturaliste français (1727-1806) qui séjourna à partir de 1750 et pendant cinq années au Sénégal. « La porte du voyage sans retour » fait référence au surnom donné à l’île de Gorée, lieu d’horreur et de terreur, d’où partirent des millions d’Africains au temps de la traite des Noirs. Au début de cette histoire racontée par David Diop, nous sommes en 1806 et Michel Adanson sent ses dernières forces le quitter. La mort rôde et sa fin est proche, il le sait alors il convoque les fantômes qui le hantent depuis près de cinquante longues années. un prénom revient sur ses lèvres, répété inlassablement tel un mantra sacré : Maram. Celui qui n’aura jamais achevé son rêve de chef d’œuvre encyclopédique botanique, souhaite offrir les moyens à sa fille Aglaé, de mieux le comprendre, lui l’homme de science, muré dans ses écrits et ses ambitions académiques. Qu’a t’il voulu fuir, oublier ? Que cache son silence avec sa fille, son divorce avec son épouse délaissée ? Il désirait rester dans la mémoire de sa fille tel qu’en lui-même. Aglaé découvre les carnets son père, un louis d’or, une fleur d’hibiscus, un bout d’indienne et un collier de perles de verre blanches et bleues. Cet homme, qu’elle connaissait si peu au fond, allait lui confier le secret qui pesait sur son cœur depuis tant d’années. Elle commença à lire ces cahiers débutant par ces mots : « Pour Aglaé, ma fille bien aimée (…). » Nous remontons le fils du temps pour revenir en août 1752, au Sénégal, Adanson décide de retrouver la trace d’une jeune africaine promise à l’esclavage et qui se serait évadée. L’histoire lui semble si folle qu’il ressent le besoin irrépressible de retrouver cette jeune femme, aidé de Ndiak, le fils du roi du Waalo. Son voyage va l’emmener à découvrir ce Sénégal intime, pays aux multiples croyances, l’islam bien sûr, mais aussi celles encore ancrées de l’animisme, des esprits, le « rab » protecteur. Michel Adanson va ainsi découvrir peu à peu l’histoire de Maram Seck, la nièce de Baba Seck, chef d’un village au Sénégal. Qui était Maram ? Où se sont-ils rencontrés Adanson et elle ? Quels souvenirs si essentiels sont attachés à sa personne ? Dans cette quête d’absolu, Adanson va perdre ses illusions et découvrir un pays gangréné par la soif inextinguible des esclaves emmenés pour être vendu aux blancs avant de partir pour les Amériques. L’horreur de l’esclavage, de ces femmes, enfants, hommes enlevés à leur terre et arrachés à leur sol natal, aux droits foulés au pieds par ceux qui font de l’argent, la compagnies des Indes dont dépendait la concession du Sénégal. Jamais manichéen, David Diop souligne avec clarté, limpidité, la bassesse de ceux qui profitent de ce commerce de la honte, hommes blancs et complices noirs. Ces royaumes, ces traditions ancestrales, la faune et la flore du Sénégal et cette meurtrissure faite à l’Afrique avec ces déportations de millions d’esclaves.. On ressort de cette lecture le cœur serré, bouleversé par la confession de Michel Adanson à sa fille Aglaé, bouleversé par cette histoire de deux êtres que je vous laisse le soin de découvrir.. C’est un roman que l’on n’oublie pas, un livre remarquablement écrit et pensé par David Diop. « La porte du voyage sans retour » est une odyssée brillante et mélancolique aux confins de la vie et de la mort, à mi chemin entre les fantômes et les esprits, entre l’histoire de Maram et celle de Adanson, avec en toile de fond la terrible blessure de l’esclavage. Sublime.

Littérature française
Romans
Date de parution 19/08/2021
19.00 € TTC
320 pages

5 « L’embuscade » de Emilie Guillaumin (HarperCollinsTraversée)

L’Histoire Nuit d’août. Dans la chambre flotte le parfum de Cédric. Un mois et demi que ce soldat des forces spéciales est en mission. Un mois et demi que Clémence attend son retour avec leurs trois garçons. Au petit matin, une délégation militaire sonne à la porte. L’adjudant Cédric Delmas est tombé dans une embuscade avec cinq de ses camarades. Aux côtés d’autres femmes, épouses de soldats elles aussi, Clémence se retrouve malgré elle plongée dans la guerre secrète menée par la France au Levant. Avec ces questions lancinantes : que s’est-il réellement passé lors de l’attaque ? Et pourquoi l’armée garde-t-elle le mystère ? L’Embuscade dessine avec justesse et émotion le combat d’une femme, mère et épouse puissante et courageuse, pour découvrir la vérité.

Emilie Guillaumin, après des études de lettres à la Sorbonne, a passé deux ans dans l’armée de terre française. Son second roman, « L’embuscade« , publié aux éditions Harper Collins, est une immersion plus vrai que nature au sein de la grande muette. Le style d’écriture est d’une rare sensibilité, beau, mélancolique, poignant à l’image de ce récit, sur une opération des forces spéciales de l’armée française qui tourne mal. Nous sommes en Syrie, dans un lieu indéterminé, Cédric Delmas et cinq de ses camarades soldats, tous membres du 13ème RDP (régiment de dragons parachutistes), unité d’élite s’il en est, chargée des missions les plus périlleuses, sont attaqués par une katiba de l’EI aux effectifs bien trop important pour que les soldats français puissent décrocher. Nous sommes en août, en Syrie, l’Etat islamique ou l’EI est en train de perdre la guerre mais les plus fanatiques d’entre eux refusent toute idée d’être pris vivant. Voilà un mois et demi que Cédric est parti et que Clémence son épouse vit dans l’attente de son retour. Elle a trois enfants de Cédric et elle vient d’apprendre qu’elle est toute juste enceinte d’un quatrième petit bébé. Un matin, une délégation du 13ème RDP, vient frapper à sa porte. On lui annonce ce que toute femme de militaire redoute le plus. L’adjudant Cédric Delmas est tombé dans une embuscade avec cinq de ses camarades. Cédric et Clémence connaissaient les risques inhérents à ce métier des armes pas tout à fait comme les autres. La douleur est atroce et Clémence souhaite épargner aux enfants la réalité de ce qui s’est passé pour leur père. Une cérémonie est organisée avec les officiels politiques et militaires. Mais Clémence apprend que seuls quatre corps ont été rapatriés. Cédric et un autre de ses camarades sont portés disparus. Il s’en suit une vertigineuse plongée dans les méandres des Opex, les opérations extérieures secrètes des forces spéciales française menées en Syrie contre l’EI. Ce livre est incandescent, un brûlot sur le courage de ces femmes prêtent à tout pour connaître la vérité. Clémence ne vit plus, ne dort plus et pourtant il faut tenir pour les enfants. Ne rien montrer ou presque. Elle va se battre contre la hiérarchie militaire pour connaitre la vérité sur ce que l’on lui cache. J’ai trouvé ce roman d’une puissance d’évocation folle. J’ai rarement lu une histoire aussi forte, poignante, juste, réaliste sur ce qui se passe lorsqu’un homme est disparu en Opex. Je vous laisse découvrir toute la teneur de cette histoire qui va vous mener très loin, aux confins de la vérité, du mensonge, de ce que la grande muette souhaite cacher à tout prix. Le prix accordé à la vie de ces hommes, tous préparés à mourir, à se sacrifier pour leurs camarades, leurs pays. Emilie Guillaumin ne nous décris pourtant pas des machines de guerre façon héros américains, mais des hommes au plus près de leurs convictions, de leurs sacrifices le cas échéant. « L’embuscade » m’a énormément touché, ému. La langue de Emilie Guillaumin est d’une justesse, d’une précision exceptionnelle. J’ai dévoré ce livre en trois jours. Ce n’est surtout pas un récit d’action, mais bien une plongée dans l’envers du décor et le poids du manque, du deuil pour ces femmes de militaires. C’est aussi et surtout une quête de vérité ainsi qu’une belle leçon de courage face à l’adversité. Un des grands romans de cette rentrée littéraire, « L’embuscade » signé Emilie Guillaumin et qui vient de paraître aux éditions Harper Collins dans la très belle collection « Traversée. »

Éditeur ‏ : ‎ HarperCollins (25 août 2021)

Broché ‏ : ‎ 304 pages

Quelques autres idées cadeaux pour Noël :

En BD et romans graphiques :

L’Histoire 2046 Derniers nés des laboratoires Tomorrow Foundation, Carbone et Silicium sont les prototypes d’une nouvelle génération de robots destinés à prendre soin de la population humaine vieillissante. Élevés dans un cocon protecteur, avides de découvrir le monde extérieur, c’est lors d’une tentative d’évasion qu’ils finiront par être séparés. Ils mènent alors chacun leurs propres expériences et luttent, pendant plusieurs siècles, afin de trouver leur place sur une planète à bout de souffle où les catastrophes climatiques et les bouleversements politiques et humains se succèdent…

Après le phénomène SF que constituât « Shangri-La », sélection officielle du FIBD d’Angoulême 2017, c’est peu dire que l’on attendait le nouveau projet de Mathieu Bablet avec impatience ! Lauréat du prix BD France Inter/Fnac, le jeune prodige de la SF a une nouvelle fois réussi son pari avec un roman graphique « Carbone & Silicium » d’une ambition et d’une grâce folle. En près de 300 pages il redessine et repousse les frontières de la SF avec une œuvre post apocalyptique et philosophique convoquant aussi bien Asimov et ses lois sur la Robotique, que Blade Runner de Philip K Dick, entre autres sources d’inspirations. Car de l’inspiration Mathieu Bablet n’en manque pas tant cette BD est traversée par le souffle de l’histoire, celle de notre futur, de notre avenir à l’heure où le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources de la planète, l’apocalypse nucléaire, les pandémies et la surpopulation menacent de toutes parts. C’est à une odyssée robotique à laquelle nous assistons. Carbone et Silicium sont deux entités, deux IA fabriqués dans la Silicon Valley en 2046. Ils seront les témoins de tous les déchirements de l’humanité, de toutes les compromissions, de toutes les lâchetés de notre espèce. Deux IA dont on promettaient une espérance de vie de quinze ans afin de pouvoir vendre plus de robots, toujours plus et les renouveler sans cesse, sans fin. Oui mais voilà, lors d’un voyage d’essai en Inde, Silicium, qui a le corps d’un Robot homme, s’échappe et s’en va découvrir le monde, son obsession. Carbone, dans son corps de Robot femme, n’aura qu’une idée en tête le retrouver et vivre à ses côtés. On suit les évolutions de l’intelligence artificielle à l’heure des réseaux sociaux, des téraoctets de données échangées en quelques secondes. On contemple l’abîme dans lequel l’homme s’effondre. Ses braises et ce feu ardent de la guerre et des révoltes d’abord entre hommes puis entre robots et hommes ne sont qu’une étape dans la perception visionnaire de Mathieu Bablet. Ce monde qu’il bâtit sous nos yeux est aussi effrayant que fascinant et les planches des illustrations sont absolument sublimes. On a le vertige, surtout dans le dénouement de ce roman graphique puissamment évocateur. A lire aussi, la magnifique postface d’Alain Damasio (La Horde du Contrevent) qui offre des clés aux lecteurs pour analyser ce roman graphique dantesque. On est ébloui, tout simplement par cette immersion dans les scénarios possibles du futur de l’homme et du robot. Les hommes sont de plus en plus connectés, se perdent dans les couloirs du temps et les robots sont appelés à exercer des tâches qui autrefois incombaient aux premiers. Mais il y a une chose que l’homme ne pourra jamais avoir et concevoir c’est l’immortalité. La finitude du corps, sa lente et inexorable décomposition, Mathieu Bablet l’imagine aussi pour le robot, mais ce dernier peut changer de corps grâce aux réseaux connectés. Avec « Carbone et Silicium » Mathieu Bablet tutoie les sommets du genre. C’est inconcevable quand on aime la BD, de passer à côté de ce qui est un classique instantané de la BD SF ! Culte et visionnaire.

Carbone & Silicium, par Mathieu Bablet, éd. Ankama, coll. Label 619, 272 p., 22,90 €.

« Je me suis promené sur des frontières. Entre un château et une forêt de crayons, j’ai trouvé des signes qui m’ont raconté des histoires. Ou qui à eux seuls étaient une histoire » (Lorenzo Mattotti)

Quelle ne fût pas ma joie quand j’ai appris que je recevrais le tout nouveau livre de l’artiste si talentueux Lorenzo Mattotti « Rites, rivières, montagnes et châteaux » publié chez Actes Sud BD que je remercie chaleureusement pour cet envoi ainsi que Babelio. Lorenzo Mattotti est un artiste aux multiples talents : peintre, auteur de BD, illustrateur, coloriste de génie, c’est peu dire que l’homme a de multiples cordes à son arc. Exposé à la fondation Leclerc de Landerneau, cinéaste accompli et auteur du film d’animation La « Fameuse Invasion des ours en Sicile » (2019), le dessinateur Lorenzo Mattotti ne cesse de se renouveler. Dans ce nouveau recueil d’illustrations absolument sublime regroupant des dessins enfiévrés, rêveurs, oniriques, tour à tour sombres et lumineux issus de ses carnets de recherche graphique, Mattotti nous embarque dans un voyage pleins d’émotions qui ne peut laisser indifférent le lecteur, fasciné par ses pastels couleurs ou noir et blanc. C’est de ses carnets qu’il nomme les « lignes fragiles », où il dessine tous les jours depuis une quarantaine d’années et n’en a montré une partie au public qu’à partir de 1999, qu’est issu ce travail graphique merveilleux, source de son approfondissement de la recherche graphique, notamment dans le travail de la couleur. Un auteur qui se renouvelle encore dans le très beau livre Rites, rivières, montagnes et châteaux (Actes Sud BD). L’artiste italien a son atelier Rue de Paris, dans le IXe arrondissement, au deuxième étage d’un vieil immeuble. Il travaille entouré de murs blancs, « pour qu’aucune couleur ne vienne parasiter celles que je vais peindre ». Il raconte ses histoires qui sont de véritables voyages d’introspection, de recherches picturales. Ses dessins sont ou très coloré ou tout noir et blanc en fonction de ses états d’âmes : « Les couleurs vives ouvrent sur les relations avec l’extérieur et donnent une belle dynamique ; les sombres expriment une grande énergie et incarnent davantage le mystère et l’imaginaire. » Un livre magnifique qui m’a totalement transporté. On ressent dans notre âme toute la puissance de l’art lorsqu’il est aussi bien exprimé. Je vous recommande chaudement ce livre « Rites, rivières, montagnes et châteaux » publié chez Actes Sud BD. Il ne vous laissera pas indifférent c’est une certitude. Je terminerais cette chronique enthousiaste avec quelques citations de l’artiste Lorenzo Mattotti sur son art et sa façon de concevoir l’acte créatif :

« Mon obsession est un mot difficile. Ce sont plutôt des sujets, des thèmes présents périodiquement. D’abord, c’est sûrement la relation homme-femme, la relation fragile, et l’homme et la femme avec leurs rituels secrets et leurs relations conflictuelles. Comment un homme et une femme arrivent à créer…? Une autre obsession est l’amour pour le paysage, la nature et la contemplation« . (Lorenzo Mattotti) 

« Ce ne sont pas des brouillons : chaque dessin est une étape, une variation, comme dans la musique. Je fais un dessin et une autre idée arrive, je tourne la page et j’en fais une autre. Par un détail, je commence et ça devient autre chose« . (Lorenzo Mattotti) 

« Savoir dessiner, c’est avoir la sensation de contrôler ce que l’on est en train de faire : c’est avoir dans les mains le métier de savoir s’exprimer. Aujourd’hui, je l’ai, mais je cherche toujours comment mettre le savoir en discussion, puis qu’autrement ça mène à la facilité, au maniérisme. Le dessin ne ment pas. On voit tout de suite quand quelqu’un bluff, fait de la fiction : je continue à avoir mes problèmes et mon dessin doit parler de ça« . (Lorenzo Mattotti) 

Chronique à venir prochainement en janvier 2022 (…) : Précédées par des critiques élogieuses !

L’Histoire : Windsor Smith fait remonter la personnalité complexe de ce monstre iconique à une enfance maltraitée, doublée d’expérimentations scientifiques menées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à partir d’essais scientifiques nazis. Autrement dit : comment la société américaine des années 1950 a engendré un monstre à partir d’autres monstres.

Auteur Barry Windsor-Smith Editeur Delcourt Date de parution 27/10/2021 Collection Outsider Format21cm x 29cm

Les Livres d’histoire : Chroniques à venir en 2022 ! Vous pouvez d’ores et déjà les offrir car ces nouveautés sont des livres d’histoires majeurs réunissant les meilleur(e)s spécialistes de ces questions.

Les Fêtes de Noël approchent à grand pas. Pour les férus d’histoire, je vous parle aujourd’hui d’un ouvrage qui ravira public averti et néophyte. 🎄✨🎁🎅

Alain Billard est architecte, il est aussi docteur en archéologie. « La belle histoire des cathédrales » est paru aux éditions Bock-Sup et Adept-Snes que je remercie chaleureusement, ainsi que Babelio pour cette lecture. A noter que la maison d’édition Adept-Snes est une association de professeurs du second degré publiant des ouvrages de vulgarisation, notamment d’histoire, à l’adresse du grand public et plus particulièrement des jeunes. J’applaudis ici à la fois le fond et la forme. L’érudition d’Alain Billard est mise au service de son envie de partager, de transmettre et de rendre accessible ce savoir sur l’évolution de l’Art des cathédrales depuis leur naissance à l’ère paléochrétienne jusqu’aux réalisations architecturales les plus récentes. En sept chapitres denses et riches en savoir, l’auteur développe cette formidable histoire des cathédrales, ces vaisseaux de pierres qui ont traversés les siècles nous offrant un héritage architectural inestimable. On a bien vu et l’auteur en parle dans un article, l’attachement des Français à ces fantastiques monuments historiques lors de l’incendie en 2019 de Notre-Dame de Paris. Ce dernier à vu une mobilisation et une sorte d’union sacrée pour rebâtir le monument le plus visité de Paris. L’iconographie est somptueuse, des photos, des reconstitutions qui alliées à une frise chronologique des plus clairs, accessibles, permettent aux lecteurs, à chaque article, de suivre ce récit passionnant. Un glossaire, contenant les différentes définitions des termes techniques utilisés, est disponible en fin d’ouvrage. Les différents articles sont concis et expliquent de façon, là encore très clair, le propos. La forme est des plus réussie avec un très bel ouvrage à la lecture agréable et aux textes aérés sur le plan visuel qui est très travaillé. On ressent et mesure le travail de l’Adept-Snes pour la mise en pages. La couverture est splendide et elle est à l’image du contenu très vivifiant sur le plan intellectuel et qui éveillera l’intérêt aussi bien du public érudit que du grand public. C’est je pense la profonde qualité de ce très bel ouvrage « La belle histoire des cathédrales. » Autant d’atouts rendant attrayant ce sujet passionnant. Je vous recommande ce bel ouvrage qui ferait un formidable cadeau de noël au passionné(e)s d’histoire. Remarquable.