L’histoire : Une petite ville de Pennsylvanie, jadis haut lieu de la sidérurgie, désormais à l’agonie. Isaac, vingt ans, est désormais seul pour s’occuper de son père invalide, sans pour autant renoncer à son rêve d’étudier à Berkeley. Avec l’aide de son meilleur ami Billy, ancienne star de l’équipe de football locale, il se décide à prendre la route, direction la Californie. Mais un mauvais hasard, et le drame qui s’ensuit, va faire voler en éclats leur fragile avenir.

Je remercie chaleureusement, pour cette lecture, les Éditions Albin-Michel et leur formidable collection Terres d’Amérique

Mon Avis :

Note : 5 sur 5.

David Joy, Taylor Brown, Michael Christie, Willy Vlautin, peuvent être considérés comme quelques uns des nombreux auteurs de cette génération influencés par l’univers, le style d’écriture, la maestria d’un Philipp Meyer dont le livre emblématique « Le Fils » fût publié quatre ans plus tard que le sublime et culte « American Rust » paru en 2010. « American Rust » ou « Un arrière-goût de rouille » qui était le titre français utilisé lors de sa première parution. Aujourd’hui, Albin Michel et sa formidable collection Terres d’Amérique dirigé par Francis Geffard, ont eu l’excellente idée de rééditer dans une traduction révisée signée Sarah Gurcel, ce roman majeur de la littérature américaine contemporaine. Philipp Meyer dépeint dans American Rust un terreau social délite, une société en déliquescence, sa violence envers les plus fragiles, cette cruauté de la société Nord Américaine telle qu’elle se dessinait déjà il y a dix ans. Une Amérique qui allait accoucher, quelques années plus tard, d’un certain Donald Trump. Un roman sombre, d’une rare intensité ponctuée de scènes déchirantes comme autant de cris du cœur du peuple des oubliés, cette Amérique qu’on ne voit pas ou peu dans les médias. « Un arrière-goût de rouille » évoque cette petite ville de Pennsylvanie dévastée par la crise de la sidérurgie, des délocalisations laissant, derrière elle, chômage, désespoir, alcool, drogue, violence. Ces grandes usines vidées et abandonnées telles des vaisseaux fantômes, épaves d’un temps révolu, avant les délocalisations, où Pennsylvanie rimait avec prospérité. C’est dans ce cadre là que se déroule ce drame. L’histoire se dessine telle une tragédie dans l’Amérique contemporaine en plus d’être une description d’une rare acuité sur l’état de déliquescence du système américain, la fin du rêve en quelque sorte et ce cruel retour sur terre des citoyens les plus modestes autrefois membre de la classe moyenne et qui à présent luttent pour leur survie. L’histoire nous dépeint donc le sort réservé, par le poids du destin et de la fatalité qui s’abattent sur Isaac et Billy Poe. Ils rêvent de Californie et sont paumés dans une vie qui ne les a pas épargné. Isaac s’occupe seul de son père invalide. Il rêve de l’université de Berkeley. Dans son esprit, émigrer vers la Californie est sa seule chance de briser les lourdes chaînes du destin. Pour Billy Poe, le sort n’a pas été plus clément. Grace, sa mère l’aime beaucoup mais elle ne peut combler les failles laissées par un père absent, se contentant de courir toutes les femmes de la région. Pour Isaac et Lee sa sœur parti vivre loin de cette ville, il faut vivre avec cette idée que leur mère s’est bel et bien suicidée. Un roman social, engagé qui nous amène à changer notre regard sur ces gamins paumés. Poe était une star de l’équipe locale mais le sort, là encore ne fût pas clément avec lui. La Californie représente cet eldorado, ce petit coin de paradis où nos deux amis pourraient ouvrir un nouveau chapitre de leur vie. Malheureusement, un soir, sur leur chemin, un drame qui va bouleverser leurs vies. Harris le chef policier de cette petite ville connaît très bien Isaac et Billy Poe, mais cette fois-ci, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus grave. La loyauté, la rédemption, le sentiment de culpabilité, sont autant de thèmes forts de ce roman. C’est un roman magnifiquement écrit, une histoire qui serre le cœur, un drame en plusieurs actes. Le constat de Philipp Meyer sur la société américaine est toujours valable dix après sa parution. Je vous recommande ce sublime roman d’un immense auteur Nord Américain : Philipp Meyer. « American Rust » est paru en novembre, c’est une réédition qui devrait marquer les esprits des lecteurs et des lectrices.