L’Histoire : D’un futur proche aux années 1930, Michael Christie bâtit, à la manière d’un architecte, la généalogie d’une famille au destin assombri par les secrets et intimement lié à celui des forêts. 2038. Les vagues épidémiques du Grand Dépérissement ont décimé tous les arbres et transformé la planète en désert de poussière. L’un des derniers refuges est une île boisée au large de la Colombie-Britannique, qui accueille des touristes fortunés venus admirer l’ultime forêt primaire. Jacinda y travaille comme de guide, sans véritable espoir d’un avenir meilleur. Jusqu’au jour où un ami lui apprend qu’elle serait la descendante de Harris Greenwood, un magnat du bois à la réputation sulfureuse.

Je remercie très chaleureusement les Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture et leur confiance !

Mon Avis : Coup de absolu💙!  💙💙💙💙💙/5

« Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde –, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure. »

C’est de très loin, selon moi, LE roman de cette rentrée littéraire à ne surtout pas manquer. Si vous ne deviez en lire qu’un, c’est bien celui-ci qu’il faudrait acheter en librairie, afin d’engloutir ensuite ses 608 pages absolument époustouflantes. Avec Lorsque le dernier arbre, l’écrivain canadien Michael Christie s’inscrit d’ores et déjà comme l’un des plus grands auteurs contemporain nord américain. La construction narrative est des plus originale, en effet tel des dendrologues, nous allons remonter le temps de cerne annuel (ou de cerne de croissance) en cerne annuel, formant un cercle concentrique sur la section transversale du tronc d’un arbre, formé chaque année par le cambium. Le roman est structuré à la manière d’un tronc d’arbre : plus on s’approche des pages du milieu, et plus on recule dans le temps. Puis, une fois arrivé en 1908, on repart dans le sens inverse pour retrouver l’année 2038. Une histoire sur plusieurs générations, d’une ambition folle et pleine de souffle. Une fresque familiale d’une rare beauté. L’auteur a mis cinq longues années à l’écrire et cela s’en ressent. Son parcours atypique, Michael Christie a exercé plusieurs métiers avant d’être auteur, renforce ce côté protéiforme de son histoire, avec des personnages d’une rare densité psychologique ayant chacun leur part d’ombre et de lumière.

Lorsque le dernier arbre est un roman-monde, mélange de préoccupations écologiques, sociales et de dystopie dans sa description d’un futur où la Terre, en 2038, est confrontée aux changement climatiques entraînant des épidémies fongiques et autres invasions d’insectes ayant tués presque tous les arbres de la Terre. Ces nuages de poussières dans une Terre devenue inhospitalière renforce le clivage entre deux mondes : celui d’une minorité d’ultra riche pouvant se payer un séjour à la Cathédrale arboricole de Greenwood, et la grande masse des miséreux affamés. Les maladies se sont développées renforçant le chaos et l’apocalypse écologique. L’histoire nous raconte la généalogie des Greenwood, une famille dont Jake Greenwood ou Jacinda ignore tout, elle, la lointaine descendante et dendrologue de formation ayant la chance de travailler dans l’une des dernières forêts primaires de la terre, une île transformée en complexe de luxe au large de la Colombie-Britannique. Guide forestière, elle doit présenter quotidiennement à ces groupes de touristes richissimes, la magie des lieux. Un jour, Silas débarque sur l’île, c’est un juriste et il prétend que Jake n’est autre que l’arrière petite-fille de Harris Greenwood, un magnat du bois de la côte ouest qui aurait acheté l’île en 1934.

Le récit ne nous perd jamais en route et ces changements d’époques forment un arc narratif passionnant à suivre. On y côtoie le père de Jake, charpentier menuisier fauché, sa grand mère Willow, militante écologiste radicale ou bien encore l’oncle de Jake, Everett (le frère de Harris futur magnat du bois) qui trouvera un nourrisson abandonné au cœur des bois. Certains événements vont s’inscrire durablement dans les interstices du temps. La découverte de ce bébé par Everett fait partie de ces événements qui font basculer une existence. A chaque fois, on est bouleversé et on s’attache drôlement à ces personnages qui ont une profondeur et une authenticité rare. Michael Christie fait défiler le temps en suivant les circonvolutions des cernes d’un arbre comme représentation de l’arbre généalogique de la famille Greenwood. Le style d’écriture est remarquable, profond car il nous fait méditer sur la vie, la mort, l’idée que nous ne sommes que des hôtes de passage sur Terre, tandis que les arbres nous contemplent, de leur hauteur gigantesque pour certains d’entre eux, et voient défiler les siècles et les hommes. Un livre qui sonne comme une mise en garde sur l’ampleur de la catastrophe qui nous menace si nous n’agissons pas. Un roman précieux pour ce qu’il a à nous dire servi par cette écriture vertigineuse de Michael Christie. Indispensable en cette rentrée littéraire.

Auteur Michael Christie

Traduction Sarah Gurcel

Editeur Albin Michel

Date de parution 18/08/2021

Collection Romans Etrangers

Nombre de pages 608