Ma Note : Un roman épique d’une ambition folle, servi par une écriture sublime. Vertigineux. A lire absolument !

Note : 5 sur 5.

Je remercie très chaleureusement les Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture et leur confiance !

Taylor Brown s’est imposé, en l’espace de quelques années, comme un écrivain majeur de la nouvelle génération d’auteurs américains. « Le Fleuve des Rois«  est son troisième roman à paraître en France, le second aux éditions Albin Michel dans la collection Terres d’Amérique. Un roman foisonnant, puissamment évocateur et envoûtant, s’embarquant dans deux histoires distinctes, à quelques siècles d’intervalle, mais ayant pour point commun de suivre les méandres de l’Altamaha River, un fleuve de Géorgie aux Etats-Unis. Profondément ambitieux et même vertigineux tant dans sa forme que sur le fond, « Le Fleuve des Rois » ne nous perd jamais en route. Le récit s’écoule tel ce fleuve, limpide et les chapitres alternent d’une histoire à l’autre sans que l’intérêt du lecteur ne fléchisse. De nos jours, deux frères, Lawton et Hunter décident de descendre l’Atamaha River en Kayak afin de disperser les cendres de leur père, Hiram Loggins, mort dans des circonstances mystérieuses, un an plus tôt, sur ce fleuve qu’il aimait tant. Lawton est nageur de combat dans l’Us Navy et Hunter étudie l’histoire à l’université. Leur père était un homme colérique, violent avec ses enfants et sa femme, un pêcheur de crevettes raté qui détestait l’océan mais adorait ce fleuve qui l’avait vu grandir. Quels secrets cachait donc ce père ? De quel puit sans fond venait cette rage contre tous ou presque ? Un roman qui aborde aussi la question de la relation fraternelle, comment se construit-on, quel homme devient-on lorsque l’on a subit un tel déchaînement de violence physique ? Taylor Brown décrit magnifiquement les paysages de cette région fluviale. Il est au plus près des sentiments, de la psychologie des deux frères qui sont des personnages très attachants. Le manichéisme n’a pas sa place ici. Chacun des protagonistes à ses zones d’ombre et de lumière. Car l’Altamaha River est un endroit propice aux légendes notamment celle du premier fort européen construit sur ses berges au XVIème siècle, ce qui donne lieu à un second récit aussi violent, qu’hypnotique, un flash insensé à l’ADN d’un Terrence Malick absolument indéniable. On y raconte le destin de Jacques Le Moyne De Morgues, dessinateur et cartographe du roi de France Charles IX qui prit part à l’expédition de 1564 au cœur de cette Nouvelle France comme ils l’appelaient alors. La découverte de ce monde, la relation aves les amérindiens, ce choc entre deux perceptions de la nature, de ses richesses, la guerre enfin inévitable… Une histoire magnifique, pleine d’aventure, de souffle, de violence mais aussi de moments de grâce comme autant d’instantanés d’un monde qui se corrompait déjà. La question du bien et du mal transcende les époques et les sortes d’hommes. Comparé à juste titre à Cormac Mc Carthy et Ron Rash, Taylor Brown signe un roman épique, ambitieux, magnifiquement écrit. Le tragique et le sublime se conjuguent au passé, au présent et on l’imagine au futur. Les hommes et les époques peuvent passer, les terres être ravagées ou bien repeuplées, seul au fond le fleuve poursuis indistinctement son chemin vers l’océan. Nous ne sommes que poussières, même les rois ne sont que de passage mais le seul souverain en ces terres est le fleuve lui-même : l’Altamaha River. Taylor Brown est un auteur à découvrir absolument. « Le Fleuve des Rois » fait partie de ces romans que l’on n’oublie pas de sitôt. Un énorme coup de cœur !

Éditeur Albin Michel (12 mai 2021) Broché464 pages