Ma note : Attention Chef d’œuvre !

Note : 5 sur 5.

Publié chez Grasset, le roman graphique, adapté et illustré par Fido Nesti, est une véritable prouesse tant ce chef d’œuvre dystopique intemporel signé George Orwell est magnifié ici. Nous connaissons tous « Big Brother », « la novlangue » ou « néoparler », la langue officielle d’Océania inventée par Orwell dans son roman « 1984« . Tous ces mots sont rentrés dans le langage commun. Publié en juin 1949, quelques semaines avant la mort du grand auteur visionnaire, c’est ce dernier mot qui ressort de l’adaptation de Fido Nesti, la modernité, le caractère terriblement actuel de cette histoire. Car Big Brother est devenu la métaphore d’une société totalitaire inspirée du stalinisme et du nazisme et qui, aujourd’hui est reprise dans la critique de la faillite de nos régimes politiques démocratiques, et de nos sociétés consuméristes et ultra-libérales. C’est cela la force de 1984, chacun(e) peut y puiser matière à pourfendre les nouveaux serviteurs zélés de Big Brother dont le slogan est « Big Brother is watching you ». La novlangue qui fait appelé « Ministère de la Vérité » le ministère de la guerre, et tant d’autres mensonges, dont cette guerre interminable contre Eurasia, justifiant toutes les privations de liberté, mais aussi de nourriture, de logements insalubres et d’amour. Ainsi Winston Smith devient la figure métaphorique de la révolte silencieuse de cet homme qui décide de résister, tout en se sachant condamner, à très court terme, par la machine oppressive du régime totalitaire. Les purges se succèdent, des hommes et des femmes disparaissent du jour au lendemain, comme sous le stalinisme qui à mon sens est le modèle totalitaire ultime dénoncé par Orwell. « 1984 » est, et le mot n’est pas galvaudé, un chef d’œuvre ultime contre la bien-pensance, les compromissions et les lâchetés de nos dirigeants et de leurs serviteurs zélés. Ainsi « 1984 » a plusieurs degrés de lecture et la force de ce roman graphique c’est d’amener un nouveau public plus jeune à lire « 1984 ». Pour ceux qui l’ont déjà lu, l’expérience est-elle aussi très forte tant les illustrations de Fido Nesti et l’adaptation du texte sont riches. Le choix des couleurs, ce gris souligne l’aspect déprimant, triste, morne du quotidien à Océania. La première partie du roman graphique installe l’atmosphère de suspicion propre à Big Brother qui surveille tout et tout le monde tout le temps. Le climat est angoissant et Winston Smith commence à se rendre compte que quelque chose ne va pas. Il le ressent au fond de lui, au delà de cette privation de liberté, il lui manque ce quelque chose si essentiel : l’amour. La seconde partie va nous conter l’histoire d’amour impossible, condamnée d’avance, secrète et pourtant si belle entre Winston Smith et Julia, si courageuse, véritable figure féminine forte qui ouvre les yeux à Winston Smith. Les illustrations de cette seconde partie sont mes préférées. L’amour est placée au cœur de cette histoire comme pour mieux souligner son aspect si précieux. Mais il ne pouvait en être ainsi et tôt ou tard ils le savaient, ils se feraient prendre par la machine à broyer de Big Brother et leurs noms seraient jetés dans l’oubli comme tant d’autres. A Rome déjà, durant l’antiquité, la damnatio memoriae était la pire des peines et elle visait les empereurs tyrans qui au delà de leur mort physique sont condamnés à l’oubli. Ainsi, cette troisième partie vous la connaissez tous, nous la connaissons tous. Je ne peux que vous inviter à lire et relire cette adaptation en roman graphique absolument exceptionnelle de 1984 de George Orwell adapté et illustré par Fido Nesti. C’est un évènement dans le monde de l’édition, publié chez Grasset, une réussite totale que je vous invite à découvrir si ce n’est déjà fait.