L’Histoire : L’auteure a connu au sein de l’Eglise catholique un parcours dramatique, dont elle a fait le récit dans son ouvrage précédent. Elle analyse ici la cause de l’une des plus grandes souffrances éprouvées par les victimes d’abus : un triple silence. Silence, bien connu, de la hiérarchie. Silence de l’entourage, proche ou lointain. Jusqu’au silence que les victimes s’imposent à elles-mêmes. Après avoir lu cet essai, il ne sera plus possible de demander aux victimes : « Pourquoi n’avez-vous pas parlé ? »

Je remercie chaleureusement les Éditions L’Harmattan ainsi que l’auteure Anne Mardon pour cette lecture et leur confiance !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Rarement un récit ne m’aura paru aussi viscéralement important que celui d’Anne Mardon, qui témoigne, dans « Silences dans l’Eglise, par action et par omission » publié aux Editions L’Harmattan, de son parcours de femme abusée au sein d’un ordre des nouvelles congrégations créées suite à Vatican II au cœur de l’Eglise catholique. Elle entretiendra à l’âge de 20 ans une relation avec un père jésuite qui s’achèvera par un évènement tragique : une IVG, le tout sous le sceau du secret le plus absolu.

Ce récit est d’une pudeur dans le choix des mots décrivant ce qu’elle a subi, et dans un même élan, Anne Mardon, puise en elle une force, celle d’encourager la parole, celle de montrer du doigt les hommes d’Eglise qui commettent ces crimes abjectes, celle enfin de demander justice et que cela cesse enfin.

Elle nous parle de son parcours, de sa famille où elle vit dans l’isolement le plus total, le tout au cœur des tensions familiales entre un père malade et une mère souffrante également. Alors forcément, lorsqu’elle entrevoit la lumière de l’Eglise, alors que sa famille était non croyante, elle décide d’y entrer, telle une jeune fille à peine sortie de l’adolescence.

Trois semaines seulement après avoir rencontré un des pères qui abusera d’elle, elle est baptisée et reçoit le sacrement de la confirmation. Ce père lui affirme qu’elle devrait rentrer dans son ordre de femmes. Tout se passe comme dans une dérive sectaire avec lavage de cerveau et sélection de victimes blessées par la vie et qui recherchant un peu d’amour décide de faire confiance aux premières personnes s’intéressant vraiment à elle.

Comment peut-on rester de marbre ou n’être que vaguement intéressé par le récit édifiant d’Anne Mardon ? Le message qu’elle nous délivre est sans appel, l’Eglise doit non seulement reconnaître les crimes commis en son nom mais l’Eglise en tant qu’institution, doit réparer ses crimes et tout mettre en œuvre pour permettre, aux femmes et hommes abusé(e)s par ces prédateurs sexuels pervers, vicieux, pour qu’ils puissent être entendu enfin et surtout que des actes concrets succèdent aux paroles creuses..

J’ai véritablement songé aux dérives sectaires car on y retrouve les mêmes ingrédients. De façon extrêmement courageuse, Anne Mardon, avait raconté son calvaire au sein des « Fraternités Monastiques de Jérusalem », sa souffrance de femme après cette IVG, le mépris du jésuite qui l’a mise enceinte et qui se lave les mains tel Ponce-Pilate.. Des lâches, on en croise beaucoup dans ce livre et ils font notamment parties des hautes instances de l’Eglise. Comment ne pas être détruite en tant que femme, en tant que croyante par l’envers du décor qui se dessine sous nos yeux, celui d’une institution minée, gangrénée par le silence, par le besoin de faire taire les victimes et de protéger les bourreaux coûte que coûte.

Le premier chapitre du récit est édifiant. Anne Mardon y rencontre un homme d’Eglise pressé par le temps, n’ayant même pas eu la décence et l’honnêteté intellectuelle de lire le précédent livre d’Anne Mardon « Quand l’Eglise détruit » paru en 2019. Dans ce récit, elle raconte et nomme, met des mots sur ce qu’elle a enduré. Un homme d’Eglise qui nie même l’existence de l’Eglise en tant qu’institution pour diluer la somme de responsabilités individuelles et collectives de ceux qui dirigent, commandent, ordonnent.

Un mot me vient à l’esprit pour qualifier l’attitude de l’Eglise dans cette histoire : « lâcheté » là où il devrait y avoir « l’amour », « la compassion », « l’écoute » pour la victime et « sanction », « exclusion », « anathème » sur les criminels qui commettent ces actes odieux sur des personnes fragiles, des proies qu’ils choisissent délibérément.

Je salue avec amitié et considération le courage d’Anne Mardon, sa force, son désir de reconstruction. Mais comment se reconstruire lorsque ceux qui vous font du mal nient l’existence de ces crimes les nommant « affabulations », accusant de « folle » celle qui souffre. La racine du mot « silence » est « silere » se taire. Celui-ci est une double peine pour les victimes d’abus de faiblesse, d’abus sexuels.. Ce silence assourdissant de l’Eglise et de certains « proches », le jugement porté par d’autres « croyants », tout cela est très douloureux pour la victime. On pénètre dans les coulisses des jeux de pouvoir, des vices cachés par des hauts dignitaires de l’Eglise plus soucieux d’imposer le poids du silence que celui de la vérité. Alors lisons Anne Mardon et faisons preuve de courage en ne nous voilant pas la face, pour ne plus dire, que nous non plus nous ne savions pas..