L’Histoire : Berlin, 1928. Les corps de quatre prostituées sont retrouvés massacrés dans le même quartier. Bernie Gunther, jeune flic idéaliste à la brigade des mœurs est invité à rejoindre le chef de la Kripo pour enquêter sur cette sinistre affaire. Alors que ces meurtres laissent la population indifférente, le père de l’une des victimes, un chef de la pègre très influent, est prêt à tout pour se venger de l’assassin de sa fille. Dès lors qu’une nouvelle vague de victimes, des vétérans de guerre handicapés, déferle sur la ville, Bernie est confronté au silence imposé par la voix montante du nazisme. Une première enquête aux allures de course contre la montre dans un Berlin sous tension, à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ma note :

Note : 5 sur 5.

Je remercie chaleureusement les Éditions Le Seuil ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

En mars 2018, l’auteur de roman policier historique de renommée mondiale Philip Kerr disparaissait des suites d’une longue maladie. Il nous laissait orphelin d’un personnage culte, un certain Bernie Gunther inspecteur allemand de la police de Berlin durant la République de Weimar puis sous le nazisme et même après 1945 à la fin de la Seconde guerre mondiale, jusqu’aux prémices de la guerre froide, qui allait installer une chape de plomb sur l’Europe, pour les cinquante prochaines années, jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. Peu de personnages de roman policier marquent ainsi plusieurs générations de lecteurs. Philip Kerr est à rapprocher de l’autre immense auteur britannique qu’est John Le Carré.

« Metropolis » paru début novembre 2020 aux éditions Le Seuil est le dernier des quatorze volumes mettant en scène Bernie Gunther. Il relate les débuts de la carrière dans la police de ce personnage emblématique. Bernie Gunther était policier, en 1928, au quartier général de la police berlinoise sur Alexander Platz. Son supérieur hiérarchique est Bernhard Weiss, chef de la police criminelle de Berlin. Ce dernier est juif et subi les foudres des nazis, pas encore au pouvoir, mais faisant tout pour y accéder au prix de la violence, du mépris des droits de l’homme et de la démocratie mise en place par la fragile République de Weimar. C’est à Bernhard Weiss que l’on devait la réorganisation de la police berlinoise devenue ainsi une des plus modernes d’Europe. Gunther avait fait la guerre 1914-1918 comme engagé volontaire. En 1928, on le nomme inspecteur. Après l’inflation de 1923, presque tout le monde, dont un grand nombre de policiers, vendaient de la drogue, de l’alcool de contrebande, etc. Sous la République de Weimar, drogue et prostitution masculine ou féminine sont omniprésentes à Berlin.

Philip Kerr avait ce talent inouï pour tisser une ambiance de malaise entre montée en puissance des nazis et désordres aux multiples raisons dans la République de Weimar. L’enquête concerne des prostituées retrouvées assassinées et scalpées. C’est là encore un prétexte pour nous immerger dans cette atmosphère d’antisémitisme et de haine, de lutte pour le pouvoir entre différentes factions dont les plus virulents sont les nazis. Accusée de tous les maux, la République de Weimar vacille tandis qu’un certain Adolf Hitler jure de nettoyer l’Allemagne de ceux, coupables selon lui, du coup de poignard dans le dos ayant causé la défaite de 1918 qui accoucha du Traité de Versailles en 1919. Un Traité que les nazis veulent voir fouler aux pieds et qui est ouvertement remis en cause par eux. Le célèbre réalisateur Fritz Lang décide de faire un film « Métropolis », titre du livre, sur la criminalité à Berlin. Il souhaite s’inspirer d’un certain « Winnetou », l’assassin des prostituées scalpées.. Mais bientôt la police se tourne vers une autre priorité : l’arrestation du « Dr Gnadenschuss » ou « coup de grâce » donné par ce criminel qui tue d’une balle dans la tête des victimes, toutes des anciens combattants estropiés. Gunther a des problèmes d’alcool car il est hanté par les souvenirs de ses compagnons de fortune, ces soldats morts dans les tranchées de 1914-1918.

Gunther est un personnage tourmenté, en proie à des démons intérieurs, pleins d’aspérités. C’est l’archétype du personnage complexe qui ne se laisse happer par aucun modèle, aucune case. Il doit faire des compromissions comme dans la réalité. Il y a ce qu’il veut et ce qu’il peut faire. Il n’est pas comme ces héros en marbre mais sa personnalité est lézardée par tout ce qui constitue la densité de son être. Un roman qui nous replonge dans cette période on ne peut plus tourmentée avec le plaisir toujours intact de suivre Bernie Gunther dans ces enquêtes. Une réussite et un cadeau idéal pour noël. « Metropolis » de Philip Kerr vient de paraître aux éditions Le Seuil.

Broché : 400 pages
Éditeur : Le Seuil (5 novembre 2020)