L’Histoire : New York, 1980. A l’angle de la 72e Rue et de Central Park West, le Dakota Building impose sa silhouette étrange et légendaire. De retour d’une mission humanitaire en Afrique, le jeune Anton Winter y retrouve ses parents et l’appartement familial. Son père, Buddy, animateur vedette de la télévision qui a fui les projecteurs après une dépression nerveuse, lui demande alors de l’aider à relancer sa carrière. Or, dans cet immeuble où l’on croise Mick Jagger, Gore Vidal Lauren Bacall ou Ted Kennedy, vit aussi un certain John Lennon, qui pourrait être utile à Buddy pour reconquérir le coeur du public. Mais à mesure qu’Anton s’investit dans sa mission et se lie d’amitié avec le chanteur, il ne peut que remettre en question l’influence de son père sur ses propres ambitions, tandis qu’un certain Mark David Chapman s’apprête à faire couler le sang…

Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique » pour cette lecture et leur confiance !

Ma note :

Note : 5 sur 5.

« Beautiful Boy« , le titre du roman de Tom Barbash paru dans la collection « Terres d’Amérique » chez Albin-Michel le premier octobre, résonne dans l’oreille de tout bon mélomane comme la chanson majeure du dernier album de John Lennon qui est dédiée à son fils Sean. Le roman débute par une lettre pleine de tendresse paternelle de Buddy pour son fils Anton qui est de retour d’une mission humanitaire en Afrique au Gabon. Nous sommes le 21 août 1979. Buddy vit à New York. C’est un animateur vedette de télévision, entre 1968 et 1978, qui s’est perdu dans une dépression nerveuse qui l’a fait disjoncter et quitter son émission fétiche. Il va tenter de relancer sa carrière en sollicitant son fils Anton.

A l ‘angle de la 72ème Rue et de Central Park West se trouve l’imposant Dakota Building où vit Buddy et sa famille mais aussi d’authentiques légendes musicales dont John Lennon. En janvier 1980, Anton est rapatrié aux États-Unis car il a une crise de paludisme. Le Dakota Building est un des immeubles les plus connus du monde. Le Who’s Who d’un siècle de culture américaine. La mère d’Anton a été une actrice célèbre jouant dans une douzaine de films. En pleine période électorale aux États-Unis, elle soutient Ted Kennedy qui fait l’objet dans ce roman d’un portrait drôle et incisif de sa personne en soulignant les multiples problèmes conjugaux, d’alcool de celui-ci. Il y a de la tendresse dans les portraits de la famille d’Anton, malgré les écueils.

C’est tout un monde qui reprend vie sous nos yeux dans ce roman. Le contexte politique, culturel est reconstitué avec maestria. Tous ces mythes revivent sous la plume de Tom Barbash. Il porte un regard lucide et non dénué d’humour sur John Lennon préparant des plats macrobiotiques et s’occupant de Sean pendant que Yoko dans son bureau se consacrait à leurs investissements financiers lucratifs. Anton décide de rester afin d’aider son père Buddy. La drogue et les excès de toutes sortes sont partout présent. Les drogues sont récréatives, elles font partie intégrante du New York way of life de cette période des années 1970 et du tout début des années 1980. Tom Barbash convoque les fantômes d’une époque révolue. Il porte un regard d’une rare acuité, lucide sur la relation père-fils, les manques affectifs des uns et des autres dans cette histoire. Le père de John Lennon est parti très tôt sur les mers et il a abandonné son fils et sa mère est morte alors qu’il était encore jeune (il s’en était ouvert dans une poignante chanson « Mother » de l’album « Plastic Ono Band » en 1970).

Une galerie de personnages haut en couleur. Il y a la sœur d’Anton Rachel qui enseigne l’anglais. Kip est son frère. Ils fréquentent de nombreuses soirées où se retrouvent le gratin de la culture, du sport, de la télévision, des politiques etc. Les dialogues sont finement ciselés et, disons le tout de go, brillants. L’humour est décalé, New-Yorkais et l’on songe immédiatement à un Woody Allen inspiré de la grande époque. Les échanges entre Anton, John Lennon et Yoko sont truculents et bien barré. On apprend ainsi que les Lennon demandaient conseils à des numérologues et à des cartomanciennes avant de prendre une décision financière. Il y a un mélange de fait réels et d’inventions, de pures créations littéraires de l’auteur Tom Barbash. Ce dernier a le sens du rythme et les traits d’esprits sont brillants.

Tandis que la situation financière de Buddy se dégrade, Anton trouve un travail dans un restaurant en plus de son emploi où il est rémunéré pour relancer la carrière de son père. Cet aspect de l’histoire permet à Tom Barbash de nous régaler en nous montrant l’envers du décor de ce petit microcosme New Yorkais, avec pleins de lucidité et de détails tantôt drôles ou touchants sur la célébrité. « Beautiful boy » est un roman riche en situations décalées où l’auteur fait preuve de sa maîtrise parfaite d’un récit sur un homme, Buddy, qui fait tout pour revenir sur le devant de la scène. Avec son fils Anton il forme un sacré duo. C’est une réflexion sur la célébrité et ses travers. Anton va ainsi apprendre à John Lennon à naviguer sur un voilier dans le détroit de Long Island. C’est passionnant car on y découvre le John Lennon intime. John se remet à écrire et composer après cinq années où il s’était mis volontairement en retrait. C’est un roman sur la fin d’une époque à New York qui coïncide avec l’assassinat de John Lennon le 8 décembre 1980, devant le Dakota Building où il résidait, par Mark David Chapman.

Tom Barbash dissèque avec talent les liens père-fils, les conséquences de la célébrité sur les êtres des deux côtés où l’on se trouve : artiste ou admirateur fanatique. C’est magnifiquement écrit, plein de tendresse pour ces personnages, sans concession aussi en soulevant les travers des uns et des autres mais toujours avec une forme de bienveillance. On peut également souligner le travail admirable d’Hélène Fournier à la traduction. C’est aussi le portrait d’un New York underground, célébrant l’esprit festif et de créativité ainsi que les excès de cette période fantasque. « Beautiful Boy » est paru dans la collection « Terres d’Amérique » chez Albin-Michel et il est signé Tom Barbash. C’est jouissif, drôle, décalé. Une réussite que je vous recommande.