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L’Histoire : Naples, quartier de Forcella. Nicolas Fiorillo vient de donner une leçon à un jeune homme qui a osé liker des photos de sa copine sur les réseaux sociaux. Pour humilier son ennemi, Nicolas n’est pas venu seul, il s’est entouré de sa bande, sa paranza : ils ont entre dix et dix-huit ans, ils se déplacent à scooter, ils sont armés et fascinés par la criminalité et la violence. 

Je remercie Cécile du blog : https://pamolico.wordpress.com/ pour cette lecture.

On ne présente plus Roberto Saviano, cet écrivain d’un courage inouï qui s’est élevé contre les pratiques mafieuses en Italie notamment celle de la camorra à Naples. Il vit aujourd’hui sous protection policière car sa vie est menacée depuis « Gomorra », l’enquête phénomène sur la camorra qui s’est vendu à des millions d’exemplaires. Pour son premier roman « Piranhas« , paru aux éditions Gallimard en 2018, Saviano nous plonge au cœur de la violence urbaine des clans camorristes et de ce nouveau phénomène que sont dans le milieu criminel napolitain ceux que l’on appelle les Baby-gangs. Nous sommes à Naples, dans le quartier de Forcella, bastion mafieux où la pauvreté et un chômage endémique pousse beaucoup de ces jeunes désœuvrés à choisir la camorra plutôt que de suer comme leurs parents pour un travail légal et peu valorisé, Bien sûr, tous ne sautent pas le pas vers la grande criminalité mais le jeune Nicolas Fiorillo lui n’a qu’une idée en tête : se faire une place et entouré de sa bande de potes fonder sa paranza, son clan, sa « famille ». Lorsque son professeur de lettre lui demande en classe, lieu qu’il fréquente rarement, quel auteur il a aimé lire, Nicolas répond du tac au tac Machiavel. Et lorsqu’on lui demande pourquoi, sa réponse fuse : pour le pouvoir, pour dominer, pour être fort. Dans l’idéal, l’imaginaire de ces gamins nourris à la violence depuis leur plus jeune âge, on n’a plus peur ni des carabinieri, ni de la prison qui est vue comme une étape nécessaire pour grandir et prendre sa place au sein de la paranza. Cette parenza justement est fantasmée par ces gamins tous frères et qui pourtant n’hésitent jamais à s’entre-tuer pour un regard, une fille, un deal. Le fric, la drogue, le sexe, une vie chaotique, les agressions, le racket ou pizzo l’impôt mafieux payé par tous les commerçants de Naples ou presque en échange d’une protection du clan, les morts qu’on enterrent, ces gamins détruits par la came, la mégalomanie, des rêves d’un code de l’honneur qui au fond n’est qu’une supercherie de plus. Ces gosses ne respectent rien et surtout pas leurs aînés camorristes car dans la camorra il n’y a pas d’organisation verticale comme dans Cosa Nostra en Sicile. A Naples, dès qu’un parrain est arrêté, d’autres sont prêts à prendre sa place. Les clans se battent pour une ruelle, une place de deal. La violence extrême, l’absence de moral, de scrupule sont autant de signes distinctifs pour les définir. C’est dans ce grand chaos, que Nicolas qui n’a peur de rien va gravir les échelons pour devenir un jeune homme craint de tous. Mais déjà les échos d’une guerre longue et interminable entre clans se lèvent à l’horizon. Les forts doivent dominer les faibles, ceux qui s’opposent à la parenza doivent être éliminés. Un livre qui sonde les cœurs sombres de ces gamins perdus et qui mourront pour la plupart avant trente ans. Le style est incisif, l’action menée tambour battant. Le souffle court, on s’enfonce dans ces ruelles, ces quartiers, ces places. La violence est partout, elle explose de tous les côtés, la trahison, la vengeance et la mort. Un roman puissant, servi par une écriture qui nous emporte pour ne plus nous lâcher. Roberto Saviano réussit une nouvelle fois à nous couper le souffle en décrivant de façon vertigineuse « le système » et le chaos qui lui est inhérent.

Ma note:

Note : 5 sur 5.

Broché : 464 pages

Éditeur : Folio (4 juin 2020)

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L’Histoire : Entre 1979 et 1981, vingt-huit enfants, tous âgés entre 7 et 16 ans, tous noirs, tous issus de familles pauvres sont assassinés à Atlanta, Géorgie, dans le Sud profond des États-Unis. En juin 1981, un Noir de 23 ans, Wayne Williams, est arrêté pour le meurtre de deux hommes. C’est le suspect idéal. Et c’est lui qui sera jugé, puis condamné à la prison à vie pour le meurtre des vingt-huit enfants, sans aucune preuve tangible. Quand James Baldwin, qui s’est toujours senti du côté des plus faibles, est invité à écrire un livre sur les meurtres de ces enfants, il accepte. Après une enquête menée sur place, quatre ans après les événements, Baldwin ne conclut ni à la culpabilité de Williams, ni à son innocence. L’essentiel est ailleurs. Le drame d’Atlanta agit en effet à la manière d’un révélateur et montre la limite des conquêtes du mouvement des droits civiques. Baldwin décrit une société déchirée par la haine et la peur, par la hantise raciale. Trente-cinq ans après sa première publication, ce texte n’a rien perdu de sa force ni de sa modernité. Ni, tragiquement, de son actualité.

James Baldwin a été, toute sa vie durant ,(il est mort en 1987) un ardent militant de la lutte pour les droits civiques, un opposant farouche au racisme anti-noir, il a lutté également pour la cause homosexuelle, c’était donc un homme de tous les combats que l’on qualifierait aujourd’hui de « progressistes ». « Meurtres à Atlanta » est son dernier livre paru en 1985, Le titre original était « The evidence of things not seen » (« la preuve des choses non vues ») en référence à un extrait de l’Épître de Paul aux Hébreux. Dans cet essai, James Baldwin nous parle de l’affaire des meurtres d’Atlanta. Entre 1979 et 1981, vingt-huit enfants noirs furent retrouvés morts étranglés dans la ville d’Atlanta, aux États-Unis. Vingt-huit enfants, tous âgés entre 7 et 16 ans, tous noirs, tous issus de familles pauvres sont assassinés à Atlanta, Géorgie, dans le Sud profond des États-Unis. En juin 1981, un jeune homme noir, Wayne Williams, est arrêté pour le meurtre de deux hommes. C’est le suspect idéal. Il fût jugé et condamné à la prison à vie alors même que les preuves rassemblées pour démontrer sa culpabilité étaient infimes. Mais au delà de cette enquête, c’est la place de l’homme noir dans la société américaine qui est questionnée. Trente cinq ans ont passé et le mouvement Black lives matter”, mouvement politique dans la communauté afro américaine qui milite contre le racisme qui sévit aujourd’hui encore contre les afro américain, poursuit ce combat anti-raciste. La mort de George Floyd rend ce livre incroyablement actuel car le racisme, décrit par James Baldwin, perdure malheureusement aux États-Unis. La question de cet essai n’est pas tant de savoir si Wayne Williams est coupable ou pas, mais il vise à questionner la place assignée par le peuple américain aux Noirs. C’est un texte fort, moderne, incisif, celui d’un homme révolté par les outrages subis par les hommes, femmes et enfants noirs pour leur couleur de peau. On ne peut qu’être touché par ce combat. La justice est questionnée, le système capitaliste libéral également. Je pense qu’il est utile de lire ce livre dont la réédition 35 ans après, correspond malheureusement à une réalité qui n’a que peu changé.

Ma note:

Note : 4 sur 5.

Broché : 180 pages
Éditeur : Stock (19 février 2020)
Collection : La cosmopolite

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