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L’Histoire : Ici repose pour l’éternité Joseph Bernstein, le rabbin des produits vintage. Si vous allez au Paradis, faites appel à lui pour une paire d’ailes bonnes et pas chères, story included. Si vous vous retrouvez en Enfer, des cornes et des sabots comme chez lui, vous n’en trouverez nulle part. » Voici une famille de Juifs américains, les Bernstein, qui a réussi à Washington DC dans les années 1990 grâce au commerce en gros de vêtements vintage. Persuadés que tout, désormais, des habits aux idées en passant par les sentiments, est plus ou moins de « seconde main », ils s’efforcent de ne voir dans le passé qu’une valeur ajoutée. Soixante ans plus tôt, de l’autre côté de l’Atlantique, les Oxenberg achèvent de se hisser parmi la bonne société de la ville de Iași, dans l’étrange royaume de Roumanie. Jacques Oxenberg, dont on vante « les doigts beethovéniens », est le meilleur obstétricien de la région. Il vient d’offrir une auto à son épouse, laquelle lui a donné deux beaux enfants. Un gramophone égaye les soirées de leur jolie maison, mais dehors… les voix rauques de la haine commencent à gronder. Lorsque la riche Dora Bernstein et son fils Ben se rendront à Iași durant l’été de 2001, les deux histoires se rejoindront, entre secrets de famille et zones d’ombre de la mémoire collective.

Je remercie chaleureusement les Éditions Noir Sur Blanc ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

Je dois reconnaître qu’il m’a fallu un peu de temps pour m’immerger dans cette histoire.  Catalin Mihuleac, écrivain et journaliste roumain, signe avec « Les Oxenberg & les Bernstein », un récit où en funambule il nous tient toujours sur le fil ténu entre deux émotions : le rire et les larmes. Ce mélange de gravité et de légèreté avec un humour noir et grinçant m’a déstabilisé au début. « Les Oxenberg & les Bernstein » adopte une trame narrative qui mêle habilement le passé et le présent qui s’alternent en quatre parties. On y suit tout d’abord les Bernstein, juifs américains qui firent fortune dans les années 1990 grâce au commerce de vêtements vintage. Il y a Joseph ou Joe, son épouse Dora Bernstein et leurs enfants. Parmi eux Ben, leur fils. Lors d’un voyage en Roumanie de Dora et Ben Bernstein, ce dernier tombe amoureux de Suzy qui est une jeune femme roumaine qui doit leur présenter les mérites de son pays pour que les Bernstein investissent une partie de leur fortune en Roumanie. Mais très vite Suzy s’éprend de Ben et elle l’épouse suite à sa conversion au judaïsme. Elle devient Suzy Bernstein et elle a un sens inné des affaires. La relation avec sa belle-mère Dora Bernstein est plus que difficile et pourtant les deux femmes vont apprendre à se connaître. Mais cette famille a ses secrets qui ne seront dévoilés qu’à la toute fin de ce roman addictif. Suzy pressent que Dora cache un lourd secret. Qui était elle vraiment ? Un roman troublant de vérité, original de par son style de narration mais surtout un roman qui monte en puissance dans les deux dernières parties de cette histoire bouleversante. Le récit de l’horreur, de l’innommable, celui de la bête immonde du fascisme roumain.  En Roumanie et en Allemagne, à sa parution, ce roman a créé l’évènement car pour la première fois, un auteur roumain parlait librement et sans tabou du pogrom de Iași dans le nord-est de la Roumanie. La gravité, l’horreur absolue de ce que vécurent la population juive de Iași le 29 juin 1941, soit quelque jours seulement après le début de l’opération Barbarossa, l’attaque de l’Allemagne et de ses alliés dont la Roumanie de Antonescu contre l’URSS de Staline, c’est de cela dont parle surtout ce roman. On y aborde le poids de la culpabilité des survivants, la douleur de la perte de ces proches dans des conditions abominables, la capacité de résilience, l’instinct de survie et tant d’autres choses encore que je vous laisse le soin de découvrir. Plus de 13000 Juifs furent tués sur place à Iași ou durant leur déportation. Pour Antonescu et son régime fasciste les Juifs étaient membres du complot judéo-bolchévique et il fallait donc les éliminer sans autre forme de procès. C’est ce second récit qui s’entremêle au premier qui est de loin le plus touchant. Il s’agit de l’histoire des Oxenberg jusqu’au tristement célèbre pogrom de Iași fin juin 1941. Les Oxenberg font partie de la bonne société de la ville de Iași et le père de famille, Jacques est obstétricien (le meilleur de la région), son épouse Roza et leurs deux enfants Lev et Golda sont brillants. Mais les nuages s’amoncellent et les menaces pleuvent sur leur famille car on jalouse leur réussite et surtout on éprouve cette haine parce qu’ils sont juifs. On voit de mois en mois monter l’horreur dans cette ville roumaine, la seconde du pays. Si je porte quelque réserve sur le récit des Bernstein, j’avoue que le récit de la vie des Oxenberg m’a totalement emporté. Un roman étonnant sur un sujet grave mais traité avec un art accompli de la narration évident. C’est signé Catalin Mihuleac, « Les Oxenberg & les Bernstein » et c’est publié aux Éditions Noir Sur Blanc. Un roman à découvrir en cette rentrée.

Ma note:

Note : 3.5 sur 5.


Broché : 288 pages
Éditeur : Les Éditions Noir Sur Blanc (date de sortie le 20 août 2020)
Collection : LITT ETRANGERE

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