20200606_135749L’Histoire : Il y a cinq siècles, le Moyen Age passait à la Modernité. La plupart des dates clés sont le témoin d’événements fondateurs : 476 marque la fin de l’empire romain d’Occident, 1453 la chute de Constantinople. Dans ce paysage, 1520 est l’exception qui confirme la règle. Année en suspens, elle se caractérise non par un événement majeur mais par une multiplication de faits qui font basculer le Moyen Âge dans la modernité.

« 1520, Au seuil d’un monde nouveau » est publié aux Éditions Perrin et il est signé Guillaume Frantzwa. Ce dernier est Archiviste paléographe et docteur en histoire de l’art à l’université Paris-I et il est également conservateur du patrimoine au Centre des Archives diplomatiques. Il en faut du souffle, du talent, de la maîtrise pour nous emporter, nous faire réfléchir, nous guider et nous apprendre autant d’éléments en près de 200 pages sur les bouleversements de cette époque annonciatrice d’un monde nouveau. L’ensemble est concis, articulé en quatre parties, étayé, argumenté avec brio. L’écriture est enlevée et prodigue les effets bénéfiques d’une fraîcheur de l’esprit, d’un bain de jouvence intellectuel, de l’analyse, mélange de rigueur historique et d’apports nouveaux, d’inscription dans la continuité (il cite dans son introduction Jacques Le Goff et son long Moyen-Âge) et de rupture avec le choix de cette date 1520. Car écrit-il « Après 1520, tout s’emballe, signe qu’une date peut porter un sens sans accueillir d’événement éclatant ». La datation de la fin du Moyen-Âge et du début de l’ère moderne est un vieux débat qui divisent les historiens depuis longtemps. Guillaume Frantzwa, dans la première partie de sa réflexion « Très-Chrétien contre Imperator, un jeu à deux ? » nous parle de ce nouvel équilibre qui se met en place pour toute la durée de l’époque moderne. La ronde des couronnes en 1520 est celle d’une nouvelle génération de souverains qui tous rêvent de grandeur. Le roi de France, François Ier et Charles Quint, dont le couronnement impérial eu lieu à Aix-La-Chapelle le 23 Octobre 1520. Ceux sont les deux principaux prétendants à l’héritage impérial. Ils fourbissent leurs armes avant l’affrontement. L’auteur évoque aussi l’épisode du camp du drap d’Or, fastueuse rencontre entre Henri VIII, roi d’Angleterre et François Ier. L’Europe se morcelle. Mais, il raconte également qu’une autre puissance se lève à l’est, car 1520 est aussi l’année de l’accession au trône de Soliman le Magnifique, sultan de l’Empire Ottoman et troisième prétendant à l’Empire universel qui s’alliera d’ailleurs avec la France. L’Histoire fait place aux affrontements entre monarchies absolues. Dans la seconde partie, « La course à l’expansion », l’auteur souligne la dynamique d’expansion hors du territoire de la chrétienté. Il y a tout d’abord l’Espagne vers les Amériques et le Portugal vers l’Asie notamment la Chine et l’Amérique latine, au Brésil. A leur suite, la France et l’Angleterre s’élancent aussi dans cette course à la conquête de nouveaux territoires. 1520 est l’année des grandes découvertes, avec Magellan, et d’une profonde mutation de la connaissance du monde. La troisième partie, « Art moderne contre art antique » est tout aussi riche et l’on y ressent toute la passion du Guillaume Frantzwa docteur en histoire de l’art. L’Europe est à un tournant de sa réflexion esthétique et scientifique. Mais c’est surtout la quatrième partie, « Chrétienté contre Europe » qui m’a impressionnée durablement. La rupture entre le parti catholique et le parti protestant de Luther et la fin de l’unité du monde chrétien sont abordés avec une grande finesse dans l’analyse des faits, de leurs conséquences à moyen ou très long terme. La conclusion est un modèle du genre. Vous l’aurez compris en me lisant, j’ai été très impressionné par la richesse de la réflexion menée par l’historien Guillaume Frantzwa. C’est assurément un grand livre d’histoire qui mérite de rejoindre votre bibliothèque ! A découvrir absolument.

Ma note: 5/5

Broché : 272 pages
Éditeur : Perrin (19 mars 2020)

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