617o9WyHZALL’Histoire : Personne n’est assez fort pour la vivre. Personne n’est préparé à l’affronter, même si chacun la désire plus que tout. La passion, la vraie… Extrême. Sans limites. Sans règles. On se croit solide et fort, on se croit à l’abri. On suit un chemin jalonné de repères, pavé de souvenirs et de projets. On aperçoit bien le ravin sans fond qui borde notre route, mais on pourrait jurer que jamais on n’y tombera. Pourtant, il suffit d’un seul faux pas. Et c’est l’interminable chute. Aujourd’hui encore, je suis incapable d’expliquer ce qui est arrivé. Si seulement j’avais plongé seul… Cette nuit, c’est le patron des Stups, le commandant Richard Ménainville, qui doit confesser son addiction et répondre de ses actes dans une salle d’interrogatoire. Que s’est-il réellement passé entre lui et son lieutenant Lætitia Graminsky ? Comment un coup de foudre a-t-il pu déclencher une telle tragédie ? Si nous résistons à cette passion, elle nous achèvera l’un après l’autre, sans aucune pitié. Interrogée au même moment dans la salle voisine, Lætitia se livre. Elle dira tout de ce qu’elle a vécu avec cet homme. Leurs versions des faits seront-elles identiques ? Si nous ne cédons pas à cette passion, elle fera de nous des ombres gelées d’effroi et de solitude. Si nous avons peur des flammes, nous succomberons à un hiver sans fin. La passion selon Karine Giebel… conduit forcément à l’irréparable.

Il y a des livres qui laissent en vous une trace indélébile. « Ce que tu as fait de moi« , publié chez Belfond, fait partie de cela. Karine Giebel en est l’auteure. Un thriller psychologique renversant, hautement addictif, où le lecteur plonge dans les affres de la passion dévorante, celle qui vous happe comme un train lancé à pleine vitesse. Le choc est rude, on est foudroyé, le cœur s’emballe et une marque, une empreinte profonde apparait alors en nous. L’intensité de ce que l’on ressent alors dépend notamment de multiples facteurs psychiques liés à notre éducation, à nos croyances, à tout ce vernis qui s’est construit, édifié autour de notre personne durant toutes ces années d’apprentissage que sont l’enfance et l’adolescence. Mais il arrive que ce vernis se craquelle, que le corps tel un épouvantail de paille s’enflamme devenant une torche vivante. On se consume, on agonise et puis c’est l’abime.. La passion décrite par Karine Giebel n’accepte pas les tiédeurs, elle ne transige pas, ne se modère nullement bien au contraire car elle n’admet aucune opposition. Le brasier s’alimente de l’autre qui devient aussi nécessaire à la vie que l’oxygène, l’eau, la nourriture. Richard Ménainville a tout ce que l’on peut espérer : une femme belle, Véronique, deux enfants en pleine santé, un travail qui le passionne, qui lui apporte reconnaissance et fierté, celle de faire partie de la grande famille des Stups où il est commandant. Pour Richard, la vie suit son cours et elle est belle. Et puis un jour d’août, sans crier gare, l’arrivée d’une jeune femme, lieutenant de police dans son équipe va faire sortir la rivière de son lit provoquant une inondation aux conséquences catastrophiques. Elle s’appelle Lætitia Graminsky, elle est maman d’une petite fille et l’épouse d’un homme qu’elle aime. Elle non plus n’a pas choisi mais comme dans les tragédies grecques, le poids du destin se charge de faire ployer les âmes sacrifiés sur l’autel des amants. Richard et Lætitia vont s’aimer, lutter, se détruire. Richard devient dépendant affectif, il perd peu à peu le contrôle allant très loin dans sa tentative désespérée d’attirer l’attention de Lætitia. Tous les deux sont les jouets de la fatalité, du destin qui les conduit vers la chute. Dès le début du livre, nous savons et pourtant il nous est impossible de lâcher ce thriller psychologique d’une acuité, d’une finesse rare. Le style est remarquable, le scénario étourdissant. On s’attache aux personnages et on s’enfonce avec eux dans la folie, dans la fusion des corps, dans la lutte épique que se livre deux êtres qui se noient. C’est beau, c’est renversant, ça peut faire peur aussi mais c’est incontestablement un très grand livre. Karine Giebel réussi là un tour de force, comment réinventer, apporter du souffle à une histoire qui se joue depuis la nuit des temps, depuis que l’homme est homme et la femme est femme. Avec un talent qui ne surprendra pas ses nombreux lecteurs/lectrices, Karine Giebel bâtie une histoire à couper le souffle, sans temps mort, avec une maîtrise de la dramaturgie que j’admire profondément. Jetez-vous sur ce thriller si vous ne l’avez pas encore lu. Sublime.

Ma note: 5/5

Broché : 552 pages
Éditeur : Belfond (21 novembre 2019)

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9782348037146L’Histoire : Comment Rome est-elle passée d’un million d’habitants à 20 000 (à peine de quoi remplir un angle du Colisée) ? Que s’est-il passé quand 350 000 habitants sur 500 000 sont morts de la peste bubonique à Constantinople ? On ne peut plus désormais raconter l’histoire de la chute de Rome en faisant comme si l’environnement (climat, bacilles mortels) était resté stable. L’Empire tardif a été le moment d’un changement décisif : la fin de l’Optimum climatique romain qui, plus humide, avait été une bénédiction pour toute la région méditerranéenne. Les changements climatiques ont favorisé l’évolution des germes, comme Yersinia pestis, le bacille de la peste bubonique. Mais « les Romains ont été aussi les complices de la mise en place d’une écologie des maladies qui ont assuré leur perte ». Les bains publics étaient des bouillons de culture ; les égouts stagnaient sous les villes ; les greniers à blé étaient une bénédiction pour les rats ; les routes commerciales qui reliaient tout l’Empire ont permis la propagation des épidémies de la mer Caspienne au mur d’Hadrien avec une efficacité jusque-là inconnue. Le temps des pandémies était arrivé. Face à ces catastrophes, les habitants de l’Empire ont cru la fin du monde arrivée. Les religions eschatologiques, le christianisme, puis l’islam, ont alors triomphé des religions païennes.

Pourquoi ne pas remettre en perspective ce qui nous arrive avec le coronavirus, en se disant que les épidémies ont toujours existées et qu’elles provoquaient des ravages bien plus important il y a encore quelques décennies. Face à la psychose du coronavirus, lire l’ouvrage de Kyle Harper sur l’impact des épidémies durant l’Antiquité dans le processus de la chute de l’Empire romain tardif s’est prendre conscience de la chance que nous avons d’être né(e)s au XXIème siècle. Voilà pour ma petite parenthèse en lien avec l’actualité.

« Comment l’Empire romain s’est effondré« , une question qui a suscité débats et controverses chez les historiens depuis très longtemps déjà. Auparavant, les facteurs politiques, militaires et économiques prédominaient dans l’analyse des faits. Depuis une quinzaine d’années, les progrès fantastiques de l’archéologie alliées à une approche pluridisciplinaire, permettent d’analyser un faisceau d’éléments qui ne pouvaient l’être auparavant. Kyle Harper est professeur d’histoire à l’université d’Oklahoma (États-Unis) et il nous convie à une nouvelle histoire de la chute de l’Empire le plus puissant jamais constitué. Kyle Harper rajoute aux facteurs traditionnels, celui du climat, des éruptions et des maladies, des bactéries. L’Empire tardif a vu un changement décisif : la fin de l’OCR ou Optimum climatique romain, qui plus humide avait favorisé le développement des cultures notamment celle des céréales. De façon concomitante, des germes ont muté comme celui de la peste bubonique transmise par le biais des puces. Les égouts qui stagnaient en ville, les bains publics, les greniers à blé étaient autant de facteurs susceptibles de provoquer des épidémies catastrophiques sur le plan démographique. Les rats étaient parmi les vecteurs principaux eux aussi de pandémies au niveau encore jamais atteint jusque là. Cette réflexion alliant analyse du climat et des maladies est passionnante et érudite. C’est une somme bien écrite sur un sujet dont on pensait connaître les tenants et les aboutissants. Force est de reconnaître que ce que l’on nous enseignait en fac d’histoire il y a quinze – vingt ans doit être sérieusement compléter par ces nouvelles avancées de la recherche. Mais il y a un mais.. Kyle Harper m’a paru pousser un peu trop loin sa théorie de l’impact du changement climatique et des maladies lorsqu’il aborde dans sa dernière partie sur les VIème et VIIème siècle, la question des religions. En effet, il y défend l’idée que face aux catastrophes qui se multipliaient, les habitants de l’Empire, croyant la fin du monde approchée à grand pas, se seraient réfugiés dans le christianisme et l’islam parce qu’elles sont des religions eschatologiques. C’est oublié le lent processus qui a permis la conversion de l’empereur Constantin et des élites à la religion chrétienne pour des raisons multiples et complexes magnifiquement expliquées par Marie Françoise Baslez. C’est ma seule réserve sur ce livre qui par ailleurs se lit très bien. Si vous aimez les approches différentes sur ce sujet, je ne peux que vous inviter à lire le dernier livre de Kyle Harper qui a le mérite de susciter le débat.

Ma note: 4/5

Broché : 544 pages
Éditeur : La Découverte (3 janvier 2019)

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