20200223_194612L’Histoire : Ne dit-on pas que les choses que l’on possède finissent toujours par nous posséder ? Alors que son meilleur ami décide de l’exclure de sa vie, une artiste tente de récupérer le cadeau démesuré qu’elle lui avait offert. Un couple entreprend de bouter hors de chez lui son fils de trente ans qui, en bon millenial, va mettre en scène cet  » abandon  » sur les réseaux sociaux et devenir une star du net. Un businessman détourne l’argent de son entreprise et s’envole pour une vie dorée au soleil, avant de se voir rongé par la culpabilité. Une femme s’acharne à posséder une maison qui ne veut pas d’elle…

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance.

Intellectuelle engagée, l’auteure Lionel Shriver poursuit sa réflexion sur notre modèle de société occidentale contemporain. Son sixième et précédent roman traduit en Français, « Les Mandible », auscultait l’Amérique et son futur en 2029 dans une dystopie économique où elle imaginait cette dernière devenir aussi pauvre qu’un État sous-développé. Pour son septième roman « Propriétés privées » publiés aux éditions Belfond, Lionel Shriver se réinvente à nouveau tout en poursuivant l’immense travail d’analyse, de radioscopie entamée, depuis ses débuts en tant qu’écrivaine, sur nos sociétés occidentales malades. Le cœur de ce roman a trait à la possession sous toutes ses formes d’où son titre on ne peut plus évocateur. En douze nouvelles nous emmenant dans divers endroits du globe notamment en Irlande du Nord ou encore à Nairobi au Kenya, aux États-Unis, en Angleterre.. Lionel Shriver décrit le processus d’asservissement, la mécanique générale de ce besoin irrépressible de posséder, d’accumuler des biens, des objets, l’appât du gain, mais également l’idée de possession en amour, en amitié. Chacune de ses douze histoires aborde sous un angle différent ce sujet on ne peut plus actuel. Le style d’écriture est toujours aussi précis, tour à tour ironique, touchant, volontiers provocateur car l’auteure nous dépeint des situations qui sont si finement analysées jusque dans les contradictions de nos différents personnages, leur complexité d’être en but à cette envie, à cette nécessité d’acquérir, de jouir, d’avoir du pouvoir avec en creux ce sentiment confus de ne pas exister si nous ne possédons pas.. Pas de temps mort ici et ce plaisir d’avoir affaire à une littérature engagée, utile qui révèle, qui dénonce, qui soulève des questionnements sans être une œuvre moralisatrice. Lionel Shriver a ce talent inouï de dresser en quelques phrases un tableau des lieux, de nous dépeindre des êtres en proie au désir de posséder, voir à la concupiscence comme pour cet homme d’affaire qui a détourné l’argent de son entreprise pour s’échapper au soleil abandonnant sa famille avant, dans un retournement de situation jubilatoire, de décider qu’il était moins ennuyeux pour lui de manger une pizza surgelé en prison plutôt que de passer le restant de ses jours à s’ennuyer sur cet îlot de sable fin. Lionel Shriver est drôle, pleine d’esprit, on songe à un Woody Allen en plus incisif. Autre nouvelle marquante, le récit de cet homme devant choisir entre celle qu’il souhaite épouser et sa meilleure amie depuis vingt cinq ans. On flirte en plein fantastique avec « Repossession », histoire d’une jeune femme découvrant que la maison qu’elle vient d’acheter est hantée.. J’ai beaucoup aimé aussi la nouvelle ironique nous décrivant la situation ubuesque de ces parents cherchant à pousser leur fils trentenaire à s’émanciper en prenant enfin son envol. Liam, nom de ce fils qui préfère squatter le jardin de ses parents et faire une cagnotte via internet car il s’estime lésé.. L’analyse de nos sociétés malades est d’une finesse rare. D’une écriture jouissive, Lionel Shriver met en lumière nos mensonges, nos compromissions, notre aveuglement, notre frénésie qui nous pousse à vouloir posséder. C’est intelligent, plein d’esprit, volontiers provocateur et terriblement addictif. Je ne peux que vous recommander de lire « Propriétés privées » paru aux éditions Belfond. Un coup de cœur.

Ma note: 5/5

Broché : 456 pages
Éditeur : Belfond (20 février 2020)

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