20200123_180216L’Histoire : « Maman et moi vivions ici depuis un peu plus de trois ans quand nous avons reçu le coup de fil. Au milieu des pins, des chênes et des bouleaux, au bout de ce chemin sans issue que deux autres propriétés jalonnent. C’est elle qui m’avait proposé de nous installer ici. Et je n’étais pas contre. J’avais grandi dans cette forêt. Le lieu m’était familier, et je savais que nous nous y sentirions en sécurité. Qu’il serait le bon endroit pour vivre à notre mesure. » À distance du monde, une fille et sa mère, recluses dans une cabane en forêt, tentent de se relever des drames qui les ont frappées. Aux yeux de ceux qui peuplent la ville voisine, elles sont les perdues du coin. Pourtant, ces deux silencieuses se tiennent debout, explorent leur douleur et luttent, au cœur d’une Nature à la fois nourricière et cruelle et d’un hiver qui est bien plus qu’une saison : un écrin rugueux où vivre reste, au mépris du superflu, la seule chose qui compte.

Je remercie chaleureusement les éditions HarperCollins ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance.

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Aurélie Jeannin signe avec « Préférer l’hiver« , un premier roman ensorcelant, mélancolique, d’une écriture profonde, sensible et grave qui convoque les émotions les plus intimes de deux femmes au cœur de cette histoire : une mère et sa fille. Paru dans la nouvelle collection « HarperCollinsTraversée« , « Préférer l’hiver » est un roman qui s’apprivoise, une plongée dans la psyché de ces deux femmes, qui ont pour point commun d’avoir perdu chacune un fils. Elles veulent surmonter leurs deuils à l’une et à l’autre car « survivre n’est tenable qu’ici ». Voilà trois ans qu’elles sont là, éloigné du village, du monde, dans leur cabane en pleine forêt. Pour les gens du village, notamment ceux du bar, elles sont les perdus du coin. La fille est la narratrice. Son frère est mort tout comme son fils. C’est elle qui dresse le portrait psychologique de sa mère avec une rare finesse, mais également celui de son frère, d’elle-même enfin qui s’est perdue afin de combler le vide, l’abîme indescriptible qui l’habitait. C’est un roman sur le deuil, la meurtrissure, la blessure qui fait suite au décès d’un être cher, mais également sur le cheminement intérieur qui accompagne toute tentative de reconstruction après un traumatisme. « Mon cœur a connu la paix du froid » nous confie t’elle. C’est dans un abandon total au présent qu’elles évoluent : « Il faut être dans le présent, de façon absolue, profonde, totale, pour à défaut de continuer à vivre, au moins ne pas mourir ». Mère et fille cohabitent dans cette cabane, au milieu de la forêt. Le climat est angoissant, la lutte pour la survie est un fardeau moins lourd à porter que le poids du deuil. C’est un combat âpre que celui de vivre intensément et uniquement le présent pour ne : »pas ruminer le passé, ne pas se projeter dans le futur, vivre ici et maintenant ». La nature a repris ses droits, sa liberté en envahissant l’espace de la propriété. Une nature qui est un personnage à part entière de cette histoire. Leur vie n’est plus qu’ascèse et renoncement, travail et solitude. Le coup de fil annonçant la mort du frère de la narratrice a tout changé. Sa mère s’est tue pendant dix sept jours. Une mère cérébrale qui a « toujours pensé avant d’être  » mais qui leur a également enseigné, à son frère et elle, de voir au delà des apparences. Un passage, au début de « préférer l’hiver » incarne au plus près ce que vivent ces deux femmes, il s’agit de cette image de l’étang de la propriété qui se vide peu à peu, de ces poissons asphyxiés par les algues qui transforment ce lieu en « une grande masse verte ». J’y vois là, la métaphore de l’impuissance des êtres à modifier leur destinée, le poids de cette dernière avec au bout du chemin l’inéluctable mort et l’oubli. Les poissons étouffent comme cette mère et sa fille perdues au cœur de cette forêt. Un roman puissant, magnétique, servi par une écriture d’une rare finesse psychologique. C’est sombre, douloureux et incontestablement « Préférer l’hiver » est une expérience de lecture fascinante et entêtante.

Ma note: 5/5

Broché : 240 pages
Éditeur : HarperCollins (8 janvier 2020)
Collection : HarperCollinsTraversée

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