121573651L’Histoire : Lors d’un week-end arrosé au Cap, un jeune et riche Afrikaner renverse en voiture une jeune Noire sans logis qui erre dans la rue. Ni lui ni ses amis ne préviennent les secours alors que la victime agonise. La mère du chauffeur, Margot Le Roux, femme puissante qui règne sur les mines du Northern Cape, décide de couvrir son fils. Pourquoi compromettre une carrière qui s’annonce brillante à cause d’une pauvresse ? Dans un pays où la corruption règne à tous les étages, tout le monde s’en fout. Tout le monde, sauf Turner, un flic noir des Homicides. Lorsqu’il arrive sur le territoire des Le Roux, une région aride et désertique, la confrontation va être terrible, entre cet homme déterminé à faire la justice, à tout prix, et cette femme décidée à protéger son fils, à tout prix.

En refermant le dernier livre de Tim Willocks « La Mort selon Turner« , j’ai songé aux mots de Jean de La Fontaine qui écrivait, dans la seconde moitié du XVIIème siècle : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir« . Nous sommes au XXIème siècle, en Afrique du Sud, l’apartheid est officiellement terminé et pourtant tout laissent à penser qu’à la scission raciale, ethnique, s’est ajouté la question de l’injustice sociale qui est prépondérante ici. Lorsqu’une jeune fille Noire sans logis, affamée, amaigrie, condamnée à errer dans les ruelles d’un Township du Cap, l’un des lieux les plus dangereux du monde, est retrouvée morte après avoir été heurtée par le SUV d’un jeune Afrikaner qui l’écrase contre une benne à ordure, nul ne se serait douté qu’un enquêteur, un flic noir se dresserait seul face à l’abomination de cet acte. Selon que l’on soit riche ou pauvre, blanc ou noir, vos chances d’échouer en prison ne sont pas les mêmes. Mais pour Turner, la justice n’est pas une abstraction, une somme de mots sans valeur qui nous rendraient comptable selon que l’on soit riche ou pauvre. Turner est un incorruptible, un de ces héros du quotidien qui ont pour bréviaire la loi et cette dernière devrait être la même pour tous. Alors que sont lâcher les quatre cavaliers de l’apocalypse à sa poursuite, Turner devra trouver en lui les ressources pour que justice soit faite. Tim Willocks signe un western à la dimension épique, un duel impitoyable entre deux conceptions de la justice des hommes. Cette fracture ou dichotomie entre noirs et blancs, pauvres et riches est au cœur de ce thriller qui est un sommet du genre. Véritable page turner, on est pris à la gorge et on se prend cette réalité sud africaine en pleine face. Et ça fait diablement mal. Willocks écrit avec ses tripes mais surtout son cœur ce qui rend le personnage de Turner très attachant car il est source d’empathie dans un monde où la corruption, la violence, la trahison sont une gageure pour survivre. Pleins d’action et de fureur, on est tour à tour brutalisé mais aussi ému, touché par la sensibilité de la plume de Tim Willocks. Nul doute que rencontrer un homme capable d’écrire de la sorte doit être enrichissant à plus d’un titre. C’est le premier Tim Willocks que je lis et ce ne sera pas le dernier tant cette tragédie m’a secoué. On ressort de cette lecture abasourdi, le souffle coupé par la noirceur et dans un même élan la beauté d’un tel livre. Turner en rédempteur à la puissance létale est un des personnages les plus marquant qu’il m’ait été donné de lire. Remarquable.

Ma note: 5/5.

Broché: 384 pages
Éditeur : Sonatine (11 octobre 2018)

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