Pour parler de Aung San Suu Kyi , Luc Besson a choisi de creuser cette très belle histoire d’amour entre son mari et elle plutôt que d’insister plus en profondeur sur l’aspect politique du combat contre la junte militaire au pouvoir en Birmanie. Pour ce dernier, Besson reste plus en surface, le cœur de son sujet étant véritablement le sacrifice personnel, intime de cette femme jouée magnifiquement par Michelle Yeoh qui transcende véritablement son personnage en nous offrant très certainement son plus beau rôle. Besson soigne son projet en nous donnant à voir de beaux moments de cinéma. Les paysages sont magnifiques, la reconstitution fidèle elle aussi, tout cela nous donnant un ensemble esthétiquement abouti. Mon seul reproche serait sans doute cette propension de Besson à utiliser un peut trop les violons dans la BO comme pour nous tirer des larmes alors que l’interprétation si juste de Michelle Yeoh aurait suffit à nous fendre le cœur. Passé ce léger agacement qui peut saisir le spectateur, je ne peux que vous inviter à aller découvrir en salle ce joli film, classique certes, mais ne boudons pas notre plaisir, « The Lady » est une réussite. Ma note :4/5.

J’ai toujours eu le goût de me confronter à des textes allant bien souvent à l’encontre de mes idées personnelles. Ce « Traité d’athéologie » de Michel Onfray ne déroge pas à cette règle. Il condamne la pulsion de mort qui anime les trois monothéismes de façon vigoureuse avec ce ton volontiers polémiste cher à Onfray. J’ai adhéré à sa critique ferme et intransigeante d’un islam « structurellement archaïque » et donc incompatible avec la modernité, sa virulence sur le « fascisme musulman » dixit ses propres mots, j’ai par contre été ouvertement heurté par trois sous chapitres : « Le Vatican aime Adolf Hitler », « Hitler aime le Vatican », « les comptabilités christianisme-nazisme ». Onfray parle même « d’un mariage d’amour » entre la religion chrétienne et le catholicisme en particulier et le nazisme, allons donc.. Outre cette invraisemblable propension d’Onfray à accuser le catholicisme de tous les maux de l’histoire et plus spécifiquement ceux du XXème siècle (quid du protestantisme..) j’ai été particulièrement saisi par la malhonnêteté intellectuel d’un Onfray oubliant Pie XI pour mieux critiqué et « assassiné » ce cher Pie XII responsable de tous les maux c’est bien  connu. Pie XI avait publié dès le 10 mars 1937 une encyclique en allemand (fait exceptionnel puisqu’elles sont habituellement en latin) lue publiquement dans toutes les paroisses en Allemagne le dimanche des Rameaux. Elle contient une critique du National Socialisme, du racisme, du culte de l’Etat et du chef, du paganisme enfin. Elle dénonce ouvertement les persécutions dont sont victimes les catholiques en Allemagne. L’Humanité du 23 mars 1937 titre ainsi son article sur l’encyclique : «  Le Pape s’élève contre l’Hitlérisme ». On ne peut pourtant pas accusé l’humanité d’avoir des accointances particulières avec l’Eglise, mais la réalité est là, le Pape s’est élevé contre le national socialisme. Le résultat de tout cela c’est que les « sois disant amis » du IIIème Reich ont réprimé dans la violence cette action contre leurs intérêts : les exemplaires de l’encyclique sont saisis, les entreprises qui ont, secrètement, participé à son impression sont fermées et une partie de leur personnel est arrêté. En mai 1937, Hitler ordonne que les procès contre les congrégations religieuses reprennent L’activité de l’Eglise est soumise à des vexations et interdictions de plus en plus fortes. Des fidèles en subissent, personnellement, les conséquences. Des perquisitions sont opérées dans plusieurs évêchés et des documents comportant des informations confidentiels sur des fidèles sont saisis. En décembre 1937, 82 établissements catholiques d’enseignements sont interdits d’activité. Cette même année, 1100 prêtres et religieux sont jetés en prison. 304 d’entre eux sont ensuite déportés à Dachau en 1938. Enfin, les organisations catholiques sont dissoutes, et l’école confessionnelle interdite, les évêchés de Munich, Fribourg sont saccagés par la Gestapo. Voilà ce qu’Onfray qualifie de « mariage d’amour ».. Pour Onfray, militant communiste convaincu, ce qui ne passe décidément pas c’est la condamnation par l’Eglise des crimes du communisme responsable de près de 100 millions de morts au XXème siècle. Dénoncer le communisme, voilà le crime impardonnable et imputable à l’Eglise catholique. Oublions par exemple le massacre des cristeros catholiques par leurs frères communistes mexicains, trop politiquement incorrecte tout cela.. pour accuser l’Eglise catholique d’être la seule , l’unique, l’odieuse responsable de l’extermination des Juifs d’Europe pendant la seconde guerre mondiale. C’est si facile, oublions la non intervention des puissances alliées pour qui le bombardement des camps d’extermination, des voies de chemins de fer permettant l’acheminement des Juifs vers les chambres à gaz. Trop complexe tout cela pour un Onfray provocateur préférant simplifier ce qui est imperceptiblement complexe. Comment expliquer ainsi l’arrêt des troupes soviétiques en août 1944 devant  une Varsovie révoltée et martyrisée par la répression féroce des troupes nazis.. quid du pacte germano soviétique en août 1939 scellant pour le coup un « véritable mariage d’amour » entre le communisme de Staline et le national socialisme d’Hitler. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Onfray à la mémoire sélective. Son extrémisme athée le pousse à toutes les compromissions avec une vérité, la sienne, qui est trop souvent éloignée d’une réalité historique bien plus complexe. Ce texte m’a laissé un arrière goût d’inachevé, un peu comme si Onfray s’était laissé emporté par sa plume pamphlétaire au détriment d’une rigueur intellectuelle passée aux oubliettes.

Ma note :3/5. 

Nous quittons Michel Onfray pour rejoindre celui qui fût son directeur de thèse à savoir Lucien Jerphagnon, récemment décédé, dont j’ai déjà lu quelques-unes de ses œuvres. « L’histoire de la pensée d’Homère à Jeanne d’Arc » couvre près de deux mille ans de débats, de controverses, de bûchers et d’inquisition de toutes sortes. La fracture entre le monde de la pensée grecque et celui d’un Occident qui à partir du IVème siècle voit le christianisme  devenir religion d’état est parfaitement analyser dans cet ouvrage, avec toujours cette saveur de l’écriture de Jerphagnon, mélange subtil d’érudition et d’anecdotes croustillantes sur les philosophes et autres penseurs qui ont jalonnés ces siècles. Le livre est malgré tout d’une lecture exigeante et certains passages sur les scolastiques notamment sont des plus complexes. Le chapitre sur les cyrénaïques m’a, à l’inverse, particulièrement plu. Nous sommes ici en présence d’un ouvrage précieux, véritable manuel de survie en ces temps de pensée unique. Une odyssée au pays des idées qui nous fait un bien fou. Ma note :5/5.

Etrange objet que ce « Sukkwan Island » de David Vann. Dix années, c’est le temps qu’il aura fallu pour que l’auteur peaufine son roman. Un savant mélange de naturalisme américain décrivant avec minutie les contrées sauvages de ce désert de glaces qu’est l’Alaska et d’angoisse à la Stephen King période « Shining ». Ici la nature est plus que jamais partie prenante de cette peur qui imprègne le lecteur peu à peu. Je ne souhaite pas dévoiler le sel de ce livre, tout juste puis-je vous dire que Jim, un ancien dentiste, s’installe avec son fils sur une île perdue aux confins de l’Alaska. Jim vient de quitter sa femme et il décide de s’isoler avec son fils au cœur de cette nature aussi belle que dangereuse car rien ne s’y improvise. Impossible de décrocher de ce livre une fois embarqué dans cette histoire saisissante à plus d’un titre. Couronné par le prestigieux prix Medicis 2010, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce petit bijou de noirceur. Ma note :5/5.

L’histoire : Maud est professeur de philosophie, et le « bonheur » est un sujet qu’elle maîtrise à la perfection… Tout du moins dans les livres. Car, dans sa vie personnelle, ce serait plutôt le chaos. Dépressive, mal remise du divorce tardif de ses parents, elle cherche en vain une recette pour s’épanouir que ni son père, écrivain sur le retour, ni sa mère, psychologue, n’ont jamais su trouver. Et puis il apparaît. Samir, ancien activiste politique devenu menuisier, sorte d’intellectuel repenti, loin de son passé. Ils s’attirent instantanément. Il est arabe, elle est juive. Une relation s’engage à pas feutrés, vite rattrapée par les traumatismes enfouis des deux amants…

Une histoire somme toute intéressante mais qui n’est pas servie, loin s’en faut, par le style de l’écriture de Brian Morton. Est-ce la traduction qui rend ce texte si pauvre, je ne le sais. Quelques rares moments de grâce ne suffisent pas à rendre la lecture de ce roman impérissable. Un livre honnête mais loin d’être transcendant. Une déception.

Ma note :2,5/5.

Comme à son habitude Laurent Voulzy aura mis pas moins de dix années pour terminer ce « Lys and Love », disque concept en forme d’hommage à sa passion pour le moyen âge. « Jeanne » le premier extrait de ce dernier laissait présager le meilleur et le moins que je puisse dire c’est que je n’ai point été déçu. Nous nous retrouvons transporté par ces sons, là des bruits de galops de chevaux, là le bruit du vent ou encore l’utilisation de chants grégoriens ou arabes, le tout formant une fameuse alchimie rendant ce disque mystérieux et peut-être moins évident de prime abord que son précédent LP. Mais ce n’est que pour mieux nous cueillir, car Voulzy reste incontestablement l’un des meilleurs trousseur de mélodies de la pop française avec Biolay et Daho. Ce disque est un voyage, une plongée dans un monde peuplé de chimères, de magies, de textes inspirés d’un moyen âge fantasmagorique.

Ma note :4/5.