La Puissance et la Gloire

Le roman de l’écrivain britannique Graham Green « La puissance et la gloire » se déroule au Mexique durant ce que l’on a nommé la Guerre des Cristeros (1926-1929). Un séjour au Mexique en 1937 lui inspira ce livre incroyable, le seul roman à thèse qu’il est écrit. Dès sa publication en 1940, ce roman fut considéré comme un chef d’oeuvre et un sommet des romans catholiques. Afin d’épouser la femme qu’il aimait il devînt catholique en 1926, et ne cessa alors de réfléchir sur le catholicisme, la foi, le dogme, le sens de notre existence, le bien et le mal. Un livre qui n’est pas sans me rappeller un autre chef d’oeuvre « Barabbas » qui valut à son auteur Pär Lagerkvist le prix nobel de littérature. Le clergé mexicain est persécuté par le gouvernement révolutionnaire. Il ne reste qu’un seul prêtre dont la vie est menacé à chaque instant, recherché par le pouvoir mexicain en place. Ce prêtre n’est pas ce que l’on appelle un modèle de sainteté : il boît trop, il a eu un enfant avec l’une de ses paroissiennes. Mais cet homme va donner sa vie « sans perdre à aucun moment le sentiment de sa bassesse et de sa honte », selon les mots de François Mauriac, auteur de la préface. Ce livre est profond, émouvant, magnifiquement écrit, on y voit un homme ivrogne, impur, un homme qui doute jusqu’au bout, implorant la miséricorde de Dieu face au supplice qui l’attend… Le roman monte crescendo, et l’on semble assister à la rédemption d’un homme qui se révèle dans des circonstances particulièrement difficiles. La force de ce roman c’est de ne pas présenter ce prêtre comme un exemple, Green nous présente un homme fait de chair et de sang, assaillit par la peur, le doute, capable

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d’accès de courage aussi, en somme un homme ordinaire face à des événements terribles. Une réflexion sur la religion, le sens du sacrifice, une démysthification du martyr tel qu’on l’a toujours vu depuis l’origine de l’Eglise. Les pages nous montrant cet homme seul dans sa cellule sont bouleversantes : (p.300) « Il se plaignait, lamentablement : tout cela est très bien… pour les saints (…), ensuite il se mit à pleurer, en se frappant doucement la tête contre le mur. »

On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec ce qui arriva au Christ, là encore c’est la trahison d’un homme qui mène le prêtre au supplice, mais le père n’ignore rien de la fourberie du métis (appellé comme cela dans le livre), il se livre en pâture à la folie des hommes, comme l’agneau que l’on va sacrifier…il n’ignore pas l’inutilité de son sacrifice : (p.299) « Si seulement j’avais une âme à offrir, afin de pouvoir dire : voilà ce que j’ai fait…Des gens étaient morts pour lui. Ils auraient mérité que ce fût pour un saint (…) ». Afin de terminer mon propos j’ai choisi ce passage que je trouve particulièrement beau et qui nous amènent à réfléchir : (p.141) « Les hommes sont si limités : ils n’ont même pas l’habileté d’inventer un vice nouveau : les animaux en savent autant qu’eux. Et c’est pour ce monde que le Christ est mort; plus l’on voit de corruption autour de soi, plus la gloire qui entoure sa mort resplendit. C’est trop facile de mourir pour ce qui est bon ou beau, son foyer, ses enfants ou la civilisation… il fallait un Dieu pour mourir afin de sauver des hommes lâches et corrompus ». Un grand moment de lecture, un livre qui marque et qui mérite amplement son statut d’oeuvre majeure, non seulement dans la carrière littéraire de Graham Greene, mais aussi dans l’histoire de la littérature.

Ma note:*****/5.

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J’ai souhaité apporter quelques précisions sur ce qui c’est déroulé lors de cette Guerre des Cristeros. Depuis 1917, la constitution mexicaine visait à réduire l’influence de l’Eglise catholique : les ordres monastiques furent interdit, l’enseignement sécularisé, l’exercice du culte en dehors des Eglises proscrit, les prêtres n’ont pas le droit de porter leurs habits religieux, perdent le droit de vote, et ont aussi l’interdiction de commenter les débats publics. Le président Elias Calles fait appliquer à partir de 1924, de manière très stricte les mesures anti-cléricales et fait voter d’autres lois anti-catholiques : un prêtre qui critique le gouvernement peut-être condamné à cinq années de prison. Face à cela, la Ligue nationale pour la défense de la liberté religieuse est créée en 1924. Le 11 juillet 1926, les évêques mexicains votent la suspension du culte public dans tout le pays et ils appellent au boycott économique du gouvernement : plus de transport public, grève des enseignants catholiques. En août 1926, des heurts éclatent entre les troupes fédérales et des catholiques retranchés dans l’église Notre-Dame de Guadalupe à Guadalajara, on dénombre de nombreuses victimes. Des représentants du mouvement catholique sont assassinés par le gouvernement. La rébellion catholique va être mené par Capristàn Garza, président de l’Association mexicaine de la jeunesse catholique. Pour lui « l’heure de la bataille a sonné » et « Dieu décidera de la victoire ». Leur cri de guerre est « Viva Cristo Rey ! Viva la Virgen de Guadalupe ! », Vive le Christ-Roi ! Vive la Vierge de Guadalupe ! Le conflit va durer jusqu’en 1929. Les insurgés sont victimes d’une répression sauvage, les colonnes infernales du général Ferrerira mettent à feu et à sang le nord du Jalisco. Des dizaines de milliers de paysans sont rassemblés dans des camps de concentration. En juin 1929, un compromis est trouvé entre l’Eglise et le Gouvernement fédéral : les prêtres reprennent les célébrations des offices suspendues depuis trois ans, le catéchisme peut reprendre. En 1933, le pays ne compte que 197 prêtres autorisés à officier. Le pape Jean Paul II a béatifié et canonisé 34 prêtres et laïcs mexicains.

 

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